La vision de…
Jean-Louis Schilansky

Président du Centre hydrocarbures non conventionnels

Ancien président de l'Union française des industries pétrolières (2008-2014)

Le début du XXIe siècle connaît une période inédite d'abondance et de diversité énergétique, marquée par d'importantes avancées technologiques dans la production d'énergie. Les développements les plus notables concernent l'essor des énergies renouvelables et des ressources d'hydrocarbures non conventionnels, en particulier de pétrole et de gaz de schiste en Amérique du Nord.

En outre, on enregistre des bouleversements majeurs sur la géographie et les modes de consommation énergétique, la demande mondiale en énergie étant en forte hausse depuis 15 ans, notamment sous l'impulsion des pays asiatiques. Selon les projections de l'Agence internationale de l'énergie, cette tendance devrait se poursuivre dans les 30 prochaines années et représenter une hausse de plus d'un tiers. La demande d'énergie de l'Inde pourrait avoisiner celle des États-Unis alors qu'elle est actuellement trois fois plus faible.

Dans ce nouveau paradigme, l'amélioration de l'efficacité énergétique et la transition vers des énergies moins carbonées seront des enjeux majeurs. Dès à présent, les progrès techniques, associés aux efforts d'économie d'énergie, ont permis une baisse de l’intensité énergétique : on utilise actuellement 10% d'énergie en moins par unité de production qu'en 2000, la moitié de ce gain étant intervenue depuis 2010.

La production mondiale d'électricité est également un secteur qui possède un gros potentiel de réduction d'émissions de gaz à effet de serre, dues notamment à l’utilisation du charbon.

Pour répondre aux défis climatiques, nombre de pays devraient faire évoluer significativement leurs mix énergétiques, avec des substitutions entre sources d'énergies. Chaque pays devrait agir en fonction de ses caractéristiques propres : ressources potentielles, situation géographique, degré d'ensoleillement, exposition au vent, enjeux d'indépendance énergétique ou encore efforts sur le captage et le stockage du CO2.

Dans ce contexte, la part du charbon dans la production d'électricité devrait baisser au profit du gaz naturel et des énergies renouvelables. En particulier, l'énergie solaire et l'énergie éolienne poursuivront leur croissance, à des coûts de plus en plus compétitifs. Leur rythme de développement dépendra en partie de la capacité à recourir à des procédés de stockage d’électricité. Entre-temps, leur intermittence devrait trouver dans le gaz naturel une complémentarité pour assurer un flux régulier de production.

Au-delà des défis propres au secteur électrique, le besoin mondial d'énergie en 2050 sera tel que le recours à l'ensemble des ressources aujourd'hui utilisées restera nécessaire pour le satisfaire. Les dernières prévisions de l'AIE montrent toutefois une évolution sensible des investissements dans les années à venir, en faveur des énergies moins carbonées, notamment le gaz naturel.

La demande de gaz naturel devrait en effet connaître une croissance soutenue du fait de sa flexibilité et de sa « performance » en termes d'émissions de CO2. Un facteur supplémentaire de la capacité du gaz à satisfaire la demande en énergie tient au développement du commerce international de gaz naturel liquéfié (GNL). Plusieurs projets de construction d'usines de liquéfaction, de méthaniers et de terminaux de regazéification sont actuellement en cours sur tous les continents. Ces infrastructures permettront aux ressources importantes de gaz naturel d'atteindre leurs marchés partout dans le monde.

Alors que sa production était encore faible au début des années 2000, le gaz non conventionnel, notamment le gaz de schiste, devrait représenter un tiers de la production mondiale de gaz naturel en 2040. Les États-Unis, pionniers dans l'exploration et la production des ressources de schiste, ont commencé depuis 2016 à exporter du gaz naturel et du pétrole, et pourraient, selon le scénario de référence de l'Agence américaine de l'énergie, devenir exportateur net d'énergie dans moins de dix ans.

Les ressources d’hydrocarbures non conventionnels apparaissent diversifiées sur le plan géographique, et plusieurs pays en dehors de l'Amérique du Nord envisagent d'explorer et d'exploiter leurs ressources potentielles comme l'Argentine, la Chine ou encore l'Australie. Ces productions vont prendre de l'ampleur dans les dix années à venir et contribuer à redéfinir les relations entre pays producteurs et pays consommateurs. 

Le pétrole restera également une source d'énergie essentielle, notamment pour le transport et la pétrochimie. L'essentiel de la croissance de la production de pétrole devrait être assuré par des productions à haut contenu technologique, dont le pétrole offshore profond, le pétrole de schiste, les hydrocarbures liquides associés à la production du gaz naturel, etc. Ces nouvelles productions viendront compenser la baisse attendue de la production de pétrole dit conventionnel. 

Au global, il apparaît qu'à l'horizon 2050, le mix énergétique aura été redéfini par les conditions économiques de production, les innovations technologiques et les politiques publiques visant à réduire les émissions de CO2 et favorisant les économies d'énergie et le recours aux énergies faiblement carbonées. A la suite de l'accord de Paris sur le climat (COP21), de nombreux pays ont confirmé leurs engagements dans la réduction ou la limitation de leurs émissions de CO2.

Les progrès techniques considérables attendus durant les prochaines décennies devraient permettre de mieux concilier les objectifs énergétiques et environnementaux. Le chemin reste difficile à décrire, mais le développement des hydrocarbures non conventionnels et des énergies renouvelables est déjà en train de redéfinir la donne énergétique mondiale. L'amélioration de l'efficacité énergétique et les projets en matière de stockage devraient également y contribuer de manière significative. 

parue le
03 avril 2017