PPE : nouvel acte de la grande pièce énergétique

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Solaire dans la PPE

La PPE prévoit un fort développement des installations solaires photovoltaïques en France d’ici à 2028, en privilégiant des centrales au sol moins coûteuses « sur les terrains urbanisés ou dégradés et les parkings ». (©Pixabay)

Le projet de nouvelle programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) de la France métropolitaine continentale a été publié ce 25 janvier par le ministère de la Transition écologique et solidaire. Il confirme et détaille les grands objectifs présentés en novembre 2018. État des lieux.

Baisse de la consommation totale d’énergie, hausse de la part des énergies renouvelables

La PPE est l’un des deux outils précisant la feuille de route de la politique énergétique française, avec la SNBC (Stratégie nationale bas-carbone). Elle est censée indiquer, par périodes de 5 ans, la trajectoire vers une « neutralité carbone » en 2050, avec notamment pour ambition de diviser par 2 les consommations d’énergie d’ici là « en priorisant la baisse de consommation des énergies les plus carbonées ».

La nouvelle PPE (portant sur les périodes 2019-2023 et 2024-2028) prévoit ainsi de réduire de 7% la consommation finale d’énergie en France métropolitaine continentale d’ici à 2023 par rapport au niveau de 2012 (et de 14% d’ici à 2028). En ce qui concerne les énergies fossiles, les consommations (exprimées en énergie primaire) devraient respectivement être réduites d’ici à 2028 de 80% pour le charbon, de 35% pour les produits pétroliers et de 19% pour le gaz naturel (par rapport à l’année de référence 2012).

Parmi les mesures permettant de réduire les consommations énergétiques figure entre autres le grand Plan de rénovation énergétique des bâtiments ou le dispositif des Certificats d’économies d’énergie (CEE) et, dans le cas des énergies fossiles, la montée en puissance d’un prix du carbone. Alors que la hausse au 1er janvier 2019 de la composante carbone de la fiscalité énergétique française a été annulée suite au mouvement des « Gilets jaunes », la synthèse de la PPE indique qu’une nouvelle trajectoire sera définie « en tenant compte des retours du grand débat national du 1er trimestre 2019 ».  

Il est parallèlement prévu que le mix énergétique français intègre une part croissante d’énergies renouvelables : de 18% de la consommation d'énergie finale en 2016 à 27% en 2023, puis 32% en 2028. Cette progression des énergies renouvelables est prévue dans toutes les filières de production énergétique (chaleur, électricité, carburants et gaz(1)) mais devrait être particulièrement marquée dans le secteur électrique qui retient une attention particulière.

Consommation d'énergie finale de la France
La PPE présentée par le ministère en charge de l’énergie prévoit de limiter à 1 420 TWh la consommation finale d’énergie de la France métropolitaine continentale en 2028, contre 1 643 TWh en 2017. (©Connaissance des Énergies)

Électrification et progression des filières électriques renouvelables

« À l’horizon 2050, la neutralité carbone va nécessiter l’électrification de nombreux usages » (l’électricité comptait pour 27% de la consommation finale d’énergie en 2017), en s’appuyant sur une forte hausse de la production des filières renouvelables, souligne la synthèse de la PPE. Au total, les énergies renouvelables pourraient compter, selon les objectifs de cette PPE, pour 27% de la production d’électricité de France métropolitaine continentale en 2023 et 36% en 2028 (contre près de 20% en 2018). Leur déploiement devrait être assuré grâce au lancement d’une dizaine d’appels d’offres par an.

Hors hydroélectricité, la PPE prévoit de multiplier par 2 les capacités électriques renouvelables d’ici à fin 2023 et par 4 d’ici à fin 2028. Les principales filières bénéficiant de cette évolution sont le solaire photovoltaïque (objectif de 20,6 GW installés en 2023, entre 35,6 et 44,5 GW à fin 2028) et l’éolien terrestre (objectif de 24,6 GW installés en 2023, entre 34,1 et 35,6 GW à fin 2028).

L’hydroélectricité reste le pilier de la production électrique renouvelable mais le développement de ce parc devrait rester « limité par les capacités physiques » (relief). Disposant d’un facteur de charge bien plus élevé que la plupart des autres filières renouvelables, elle offre des capacités de stockage importantes (STEP) permettant de pallier les productions intermittentes d'autres filières en forte croissance (solaire PV et éolien en tête).

Le ministère en charge de l’énergie n’a pas revalorisé les objectifs de déploiement de l’éolien offshore par rapport aux annonces de novembre 2018 (cible de 2,4 GW installés en 2023, entre 4,7 et 5,2 GW à fin 2028), bien en-deçà des attentes de la filière.

Production electrique de la France
La loi de transition énergétique pour la croissance verte, adoptée à l’été 2015, prévoit de porter à 40% la part des énergies renouvelables dans la production électrique française en 2030. (©Connaissance des Énergies)

Fermeture de 14 réacteurs nucléaires d’ici à 2035

Actuellement constitué de 58 réacteurs en service, le parc nucléaire français a compté pour 71,6% de la production nationale d’électricité en 2017. Le gouvernement a fixé pour objectif de réduire à 50% cette part en 2035 (objectif qui doit être inscrit dans une « petite loi énergie » à venir). À cette fin, la fermeture de 14 réacteurs nucléaires est envisagée d’ici là, en incluant les 2 tranches de la centrale de Fessenheim qui doivent être arrêtées courant 2020.

Durant la période de la nouvelle PPE, il est prévu d’arrêter, outre Fessenheim, 2 réacteurs nucléaires en 2027-2028 « sauf en cas de non-respect des critères de sécurité d'approvisionnement ou d'arrêt à date à cause d'autres réacteurs pour raisons de sûreté ».

Par ailleurs, et en complément, 2 autres tranches « pourraient » être arrêtées dès 2025-2026, comme l’avait indiqué le ministre François de Rugy en novembre 2018 (« décision à prendre en 2023 »), mais uniquement « si le critère de sécurité d’approvisionnement est respecté et si nos voisins européens accélèrent leur transition énergétique, réduisent leurs capacités de production à partir du charbon et développent massivement les énergies renouvelables, et que cela devait conduire à des prix bas de l’électricité sur les marchés européens, susceptibles de dégrader la rentabilité de la prolongation des réacteurs existants » (conditions cumulatives).

En augmentant fortement le développement des filières renouvelables tout en maintenant à 50% la part du nucléaire dans le mix électrique français à l’horizon 2035, il est envisagé une forte hausse des exportations françaises d’électricité vers les pays voisins. Pour rappel, la France dispose actuellement de 48 lignes d’interconnexion avec 12 projets supplémentaires d’ici à 2030 (dont 3 en cours). Le pays devrait relever ses capacités d’interconnexions transfrontalières à plus de 26 GW en 2030 (contre « 17,4 GW en export et 12,5 GW en import » en 2017(2)).

Le gouvernement demande à EDF de préciser durant la période de consultation de la PPE la liste des réacteurs à fermer, « en privilégiant les arrêts de réacteurs ne conduisant à l’arrêt complet d’aucun site afin de minimiser les impacts sociaux et économiques de ces fermetures ».

La PPE ne tranche pas la question de la construction de nouveaux réacteurs. L’intérêt d’un nouveau programme électronucléaire doit faire l’objet d’analyses économiques menées avec EDF d’ici à 2021 (en amont de la prochaine élection présidentielle).

Fermetures de réacteurs nucléaires
La version définitive de la PPE identifiera les sites sur lesquels les fermetures de réacteurs nucléaires interviendront prioritairement. (©Connaissance des Énergies)

Prochaines étapes de la PPE

Le projet de PPE présenté doit désormais faire l’objet de discussions au sein de nombreuses instances françaises : Autorité environnementale, Conseil national de la transition écologique (CNTE), Conseil supérieur de l’énergie (CSE), Comité d’experts pour la transition énergétique (CETE), Comité de gestion des charges de service public de l’électricité, Comité du système de distribution publique d’électricité.

Ce projet de PPE est également transmis aux ministères en charge de l’énergie des États voisins pour consultation. Le public français pourra pour sa part à nouveau s’exprimer sur le document (via Internet) après remise de l’avis de l’Autorité environnementale. Pour rappel, un débat public avait été organisé par la Commission nationale du débat public entre mars et juin 2018. La PPE définitive pourrait enfin être adoptée mi-2019 par décret.

Sources / Notes
  1. Précisons qu'il est désormais fixé pour objectif que le gaz « renouvelable » compte pour « une part de 7% à 10% de la consommation de gaz en 2030 » (la loi de transition énergétique fixait 10% comme seule cible).
  2. Les capacités réellement utilisées étant actuellement de l’ordre de 8 à 10 GW selon le projet de PPE.

Projet de PPE 2019-2023 et 2024-2028 pour consultation

Synthèse du projet de PPE

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