Qualité de l’air : la France sur le banc des accusés

parue le
Karmenu Vella

Le Commissaire européen en charge de l’environnement Karmenu Vella lors de son annonce le 17 mai. (©European Union 2018)

La Commission européenne a annoncé le 17 mai avoir saisi la Cour de justice de l’UE pour non-respect des normes européennes en matière de qualité de l’air dans 6 États membres dont la France. Explications.

6 nouveaux États devant la Cour de justice de l’UE

Six pays vont devoir s’expliquer devant la Cour de justice de l’UE au titre du « dépassement des valeurs limites de qualité de l’air fixées et manquement à l’obligation de prendre des mesures appropriées pour écourter le plus possible les périodes de dépassement ». La France, comme l’Allemagne et le Royaume-Uni, est plus précisément assignée pour non-respect des valeurs fixées pour le dioxyde d’azote (NO2)(1), principalement dans les grandes agglomérations. La Hongrie, l’Italie et la Roumanie doivent pour leur part rendre compte de concentrations trop importantes de particules dans l’air.

Malgré la baisse de la concentration moyenne de NO2 dans les agglomérations françaises, « les normes restent dépassés trop souvent dans certains territoires, en particulier ceux exposés à un fort trafic routier et aux émissions des véhicules diesel », reconnaît-on au ministère de la transition écologique et solidaire.

Les moteurs diesel ont un rendement supérieur à celui des moteurs à essence, ils émettent donc moins de CO2 à puissance égale. Ils rejettent en revanche davantage de particules fines dans l’atmosphère (qui ne peuvent être intégralement collectées par des filtres, efficaces mais coûteux, associés aux pots catalytiques récents). Fin 2016, près de 60% du parc de véhicules particulier diesel en circulation était équipé en filtres à particules selon l'Ademe. Pour rappel, le gazole bénéficie historiquement en France d’un avantage fiscal par rapport à l’essence (TICPE plus faible) mais un rééquilibrage est en cours.

Si la France est aujourd'hui mise en cause par la Commission européenne, la ville de Paris (aux côtés de Bruxelles et de Madrid) conteste dans le même temps l'attitude de cette dernière suite au « Dieselgate » révélé en septembre 2015 : « la Commission européenne a pris d’elle-même l’initiative de modifier les normes (ndlr : pour permettre aux constructeurs de s'adapter progressivement aux nouvelles règles d'homologation) en augmentant considérablement le « permis de polluer » accordé aux constructeurs. Le niveau maximum autorisé d'émissions d'oxydes d'azote (NOx) a été relevé provisoirement à 168mg/km, pour être fixé à terme à 120mg/km, bien au-dessus des 80mg/km prévus par le Conseil et le Parlement européens dans le cadre de la norme Euro 6 »(2).

Vignettes Crit’Air et chauffage au bois

Au niveau européen, la Bulgarie et la Pologne ont déjà été dans le passé reconnues coupables d'avoir manqué à leurs obligations en matière d’émissions de particules fines mais aucune sanction financière n'a depuis été prise à leur encontre. Le Commissaire européen en charge de l’environnement Karmenu Vella a d’ailleurs rappelé ce 17 mai qu’« une action en justice seule ne résoudra pas le problème », plaçant ainsi les pays incriminés devant leurs responsabilités.

Dans son communiqué de presse(3), le ministère français en charge de l’énergie rappelle son ambition de réduire les émissions de polluants atmosphériques, notamment grâce à différentes mesures au niveau européen, dont une nouvelle norme « Euro 7 » fixant une valeur limite spécifique pour les émissions de NO2 mais aussi des objectifs plus ambitieux en matière d’efficacité énergétique dans les bâtiments.

Sur le territoire français, le gouvernement mentionne que « plus de 10 millions de vignettes Crit’Air ont été distribuées » pour accéder aux zones de circulation restreinte mises en place à Paris et Grenoble. Il rappelle par ailleurs l’impact du chauffage au bois dans les émissions de particules fines (selon l’Ademe, la moitié des équipements de chauffage au bois en France sont « non performants », à foyer ouvert ou antérieurs à 2002(4)).  

Le ministère en charge de l’énergie a annoncé que de nouvelles mesures pour lutter contre la pollution de l’air seront annoncées en juin dans le cadre de la loi d’orientation des mobilités.

Coûts sanitaire et économique de la pollution de l’air

Selon la Commission européenne, la pollution de l’air constitue aujourd’hui « la deuxième principale préoccupation environnementale » des Européens après le changement climatique(5). Près des trois quarts d’entre eux seraient exposés à des niveaux élevés de polluants, en particulier de particules fines et d’oxydes d’azote.

Rappelons que la directive 2016 / 2284  fixe pour chaque État membre de l’UE des objectifs de réduction des émissions de certains polluants atmosphériques (particules fines, dioxyde de soufre, oxydes d’azote, etc.) par rapport aux émissions de 2005. La France doit notamment réduire de moitié ses émissions d’oxydes d’azote d’ici à 2020 et de 69% à l’horizon 2030.

L’Agence européenne pour l’environnement (AEE) estime que 403 000 décès « prématurés » par an dans l'UE sont imputables à la pollution aux particules fines(6). En France, l’Agence nationale de santé publique a pour sa part évalué en 2016 que « plus de 48 000 décès seraient évitables chaque année » dans un scénario « sans pollution anthropique » (si les niveaux de PM 2,5 dans l’air étaient similaires à ceux des communes rurales les moins polluées sur tout le territoire).

En 2015, une commission d’enquête du Sénat(6) avait évalué à 3 milliards d’euros le coût annuel des dépenses liées à la pollution de l’air pour les régimes obligatoires de sécurité sociale (pour soigner les pathologies liées) et « entre 68 et 97 milliards d’euros » le coût annuel total de la pollution de l’air extérieur en France. 

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