L'AIE actualise ses prévisions sur l'évolution des marchés pétroliers

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Oil report 2021

L’AIE se veut prudente dans ses prévisions : les marchés pétroliers ont « rebondi » mais sont toujours confrontés à « un haut degré d’incertitude qui teste l’industrie comme jamais auparavant ». (©Apache Corporation)

L’Agence internationale de l’énergie (AIE) a publié le 17 mars son rapport annuel consacré au pétrole(1), dans lequel elle envisage une remontée de la consommation mondiale d’ici à 2026 si les politiques bas carbone ne sont pas renforcées dans les prochaines années. Avec toujours de nombreux points d’incertitude.

Le scénario tendanciel : une hausse de la demande d’ici à 2026

En 2020, la consommation mondiale de pétrole a connu une chute historique dans le contexte de la pandémie de Covid-19 : elle s'est élevée à près de 91 millions de barils par jour (Mb/j), soit environ 9% de moins qu'en 2019 (99,7 Mb/j). Cette baisse n’est toutefois « pas nécessairement durable », indique avec prudence Fatih Birol, directeur exécutif de l’AIE. La consommation mondiale est déjà remontée à 94,7 Mb/j au dernier trimestre de 2020 (contre 82,9 Mb/j au 2e trimestre de l'année).

Selon le scénario de référence de l’AIE (reflétant les politiques annoncées à l’heure actuelle), la consommation mondiale de pétrole pourrait augmenter chaque année jusqu’en 2026 et s’élever alors à 104,1 Mb/j, soit 4% de plus qu’en 2019 avant la pandémie de Covid-19 (la demande annuelle de pétrole dans le monde dépasserait en 2023 le niveau de 2019).

Malgré cette croissance attendue (en l'absence d'« accélération des transitions énergétiques »), l'AIE souligne que la pandémie mondiale affectera durablement le niveau de la consommation mondiale de pétrole : dans son rapport de 2021, la demande attendue en 2025 est ainsi inférieure de 2,5 Mb/j au niveau qui était anticipé par l'AIE dans son rapport annuel précédent présenté début 2020.

Evolution de la demande mondiale de pétrole selon le scénario de référence de l'AIE

Dans le scénario de référence de l'AIE, le continent asiatique compterait à lui seul pour 90% de la hausse de la demande mondiale de pétrole entre 2019 et 2026. Dans de nombreuses « économies avancées », cette consommation pourrait « ne jamais retrouver les niveaux d’avant crise ».

Un scénario alternatif : une consommation inférieure au niveau pré-pandémie

En cas de politiques fortes pour accélérer les transitions énergétiques bas carbone à travers le monde, la demande « pourrait culminer plus tôt », précise l’AIE. En anticipant des progrès plus rapides, notamment des normes d’efficacité énergétique ou en matière de développement des véhicules électriques (avec un télétravail accru et une réduction des déplacements professionnels), l'AIE estime que la demande mondiale de pétrole à l'horizon 2026 pourrait être réduite de 5,6 Mb/j par rapport au scénario de référence (soit atteindre 98,5 Mb/j cette année-là). Autrement dit, la consommation mondiale « ne reviendrait jamais au niveau atteint avant la pandémie » dans ce scénario alternatif.

L'AIE souligne par ailleurs que l’industrie pétrochimique jouera un rôle central dans l'évolution de la demande mondiale de pétrole : près de 70% de l’augmentation de la consommation de produits pétroliers d’ici à 2026 pourrait provenir de l’éthane, du GPL et du naphta (scénario de référence).

L’AIE se montre par ailleurs prudente dans ses prévisions concernant l’aviation, secteur le plus durement touché durant la pandémie : la consommation de carburants « devrait progressivement y retrouver les niveaux d’avant crise » mais de nouvelles habitudes (notamment la progression des conférences en ligne et la baisse des voyages d’agrément) pourraient « modifier de manière permanente les tendances en matière de voyages ».

Un « changement radical » côté offre

En matière d’offre pétrolière, « l’incertitude accrue » revient aussi en boucle dans les prévisions de l’AIE(2). Dans le scénario de référence de l'Agence, la production mondiale devrait augmenter de 10,2 Mb/j d'ici à 2026 pour faire face au rebond de la consommation mondiale.

Cette croissance de la production pétrolière pourrait provenir pour moitié du Moyen-Orient, ce qui constitue « un changement radical par rapport aux dernières années », marquées par le rôle prédominant des États-Unis, devenus le premier producteur mondial de pétrole grâce à l’exploitation de ses hydrocarbures non conventionnels (« light tight oil »). La production américaine pourrait certes encore progresser dans les prochaines années (+ 1,6 Mb/j d'ici 2026 contre + 1,5 Mb/j pour l'Arabie saoudite), mais l’AIE juge « improbable que sa croissance soit aussi forte que lors des dernières années ».

Consommation et production de pétrole dans le monde d'ici 2026

 

Sources / Notes

  1. Oil 2021, AIE, mars 2021.
  2. L’AIE souligne également que tous les groupes pétroliers et gaziers sont amenés à se transformer, face à l'ambition de neutralité carbone, et sont confrontés à d'importants dilemmes dans leurs décisions d'investissements.

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