L’émergence des ressources fossiles non conventionnelles est-elle compatible avec le développement des énergies renouvelables ?

Olivier Appert, Ancien président Directeur général d’IFP Énergies nouvelles

Conseiller du Centre Énergie & Climat de l'Ifri
Membre de l’Académie des technologies

Lors des récents débats sur les hydrocarbures non conventionnels, plusieurs opposants ont justifié leur position par leur certitude que les nouvelles ressources énergétiques condamneraient les énergies renouvelables. Ma conviction profonde est que les défis énergie / environnement sont tels qu’il ne faut se fermer aucune solution. Il n’existe pas de panacée qui règlera tous les problèmes. Les renouvelables ne sont pas aujourd’hui la panacée, pas plus que ne l’était le tout pétrole dans les années 60, le tout nucléaire / tout charbon des années 70 ou le tout gaz plus récemment.

Le système énergétique mondial est confronté à trois défis majeurs : la croissance inéluctable de la demande d’énergie tirée par les pays émergents, les émissions de gaz à effet de serre liées à l’énergie et la dépendance majeure (85%) vis-à-vis des énergies fossiles. 

Le secteur énergétique présente une grande inertie, la durée de vie moyenne du parc résidentiel et tertiaire est notamment de l’ordre de 100 ans. Il est indispensable de s’engager dès maintenant dans la transition vers un système énergétique durable. Mais celle-ci prendra du temps. Pendant encore des décennies, le monde dépendra des énergies fossiles, même si leur part dans le mix énergétique devrait décroître.

La récente étude de l’Agence Internationale de l’Énergie, Energy Technology Perspectives 2010, illustre la nécessité de mettre en œuvre toutes les technologies pour approvisionner le monde en énergie, facteur essentiel de nos économies et de nos modes d’existence. Afin de satisfaire en 2050 l’objectif de réduction d’un facteur 2 des émissions de gaz à effet de serre, l’efficacité énergétique jouera un rôle déterminant représentant 40% de l’effort nécessaire. Les renouvelables couvrent 17% du gap. A noter que l’enjeu du déploiement des technologies de captage et de stockage de CO2 (CCS) est estimé à 19%. Dans ce scénario volontariste, les énergies fossiles couvrent encore 50% de l’approvisionnement énergétique. Il est donc indispensable de développer l’efficacité énergétique, la substitution vers des énergies moins carbonées, le nucléaire, le CCS, les renouvelables : en parallèle, il faut s’assurer de la disponibilité d’énergies fossiles.

Les politiques énergétiques doivent viser 3 objectifs distincts mais étroitement liés comme le souligne le World Energy Council : les 3A, Accessibility, Availability, Acceptability. Une énergie moderne doit être accessible à des prix suffisamment bas pour les personnes les plus pauvres et soutenables (des prix qui reflètent les coûts réels). Une énergie disponible est une énergie dont la continuité d’approvisionnement est assurée à long terme et la qualité du service à court terme. La recherche d’une énergie acceptable concerne toutes les formes d’énergies et comprend de multiples aspects : pollution locale, changement climatique, dégradation des écosystèmes, etc.

La révolution des hydrocarbures non conventionnels aux USA montre que ceux-ci représentent une source d’énergie abondante et à bas coût dont l’impact sur l’économie et l’emploi est d’ores et déjà important. Il subsiste un débat sur l’impact de ces ressources sur l’environnement local et global. Il appartient aux responsables politiques de mettre en place de façon pragmatique les réglementations adaptées. Il leur appartient aussi de mettre en place en parallèle un cadre technique et économique permettant le développement des énergies renouvelables.

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