Après Fukushima, quelle place pour le nucléaire au Japon ?

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Nucléaire au Japon

Le réacteur 3 de la centrale nucléaire d’Ikata (ouest de l’île de Shikoku) fournit à nouveau de l’électricité sur le réseau japonais depuis août 2016. (©CC BY-SA 2.5)

Cinq ans et demi après l’accident de Fukushima Daiichi, seuls 3 réacteurs du parc nucléaire japonais sont actuellement en service. Le Premier ministre Shinzo Abe entend toutefois relancer cette filière. Etat des lieux.

Le 3e parc mondial mis à l’arrêt

Avant l’accident de Fukushima Daiichi, le parc nucléaire japonais était constitué de 54 réacteurs répartis entre 18 centrales, ce qui en faisait le 3e parc au monde après ceux des États-Unis et de la France. Ce parc générait alors plus d’un quart de la production électrique japonaise.

A la suite du tsunami ayant entraîné l’accident de Fukushima en mars 2011, tous les réacteurs nucléaires du pays ont été progressivement mis à l’arrêt, 12 d’entre eux ayant fait l’objet d’une fermeture définitive. En juin 2012, deux réacteurs ont certes été redémarrés au sein de la centrale d’Ohi dans l’île de Honshu (île principale du Japon) mais ils ont été arrêtés pour maintenance en septembre 2013 (et non redémarrés depuis lors). La production nucléaire japonaise est devenue nulle à cette date pour la première fois depuis 1970.

Volte-face sur l’avenir du nucléaire

Le Japon a su gérer la pénurie d’électricité induite par l’arrêt de son parc nucléaire en réalisant d’importantes économies d’énergies et en recourant à des importations de gaz naturel liquéfié (GNL) pour alimenter ses centrales à gaz. En 2012, le gouvernement japonais a annoncé une « sortie du nucléaire » avant 2040, les projets de construction de nouvelles centrales étant alors gelés.

L’élection de Shinzo Abe fin 2012 a changé la donne, le nouveau Premier ministre déclarant à plusieurs reprises que le Japon « ne peut pas se passer du nucléaire »(1). Le gouvernement actuel entend ainsi porter la part du nucléaire dans le mix électrique japonais entre 20% à 22% à l’horizon 2030, à un niveau proche de celui fixé pour les énergies renouvelables (22%-24%) qui restent actuellement très minoritaires dans le mix électrique.

Ce retour en grâce du nucléaire est entre autres présenté comme un moyen de réduire les importations japonaises de combustibles fossiles et de diminuer les émissions de gaz à effet de serre du pays (le pays s’est, dans le cadre de la COP21, engagé à réduire ses émissions de 26% d’ici à 2030 par rapport au niveau de 2013). Le mix électrique japonais repose en effet actuellement à près de 90% sur les énergies fossiles (charbon et gaz). L'Agence internationale de l'énergie vient de publier un rapport sur le Japon(2) appelant notamment le pays à diversifier son mix « en combinant énergies renouvelables et énergie nucléaire ». 

3 réacteurs en service. Et demain ?

A l’heure actuelle, seuls les 2 réacteurs de la centrale de Sendai (redémarrés en août et novembre 2015) et le réacteur 3 de la centrale d’Ikata(3) (redémarré en septembre 2016) sont en service.

Deux autres réacteurs de la centrale de Takahama avaient reçu plus tôt, en février 2015, une autorisation de redémarrage de l’Autorité de régulation nucléaire (ARN) mais ils ont depuis été arrêtés après un bref redémarrage début 2016. En cause, la protestation de la préfecture voisine de Shiga qui a porté l’affaire devant un tribunal en soulevant des interrogations sur les mesures de protection en cas de nouveau tsunami.

Pour pouvoir redémarrer leurs réacteurs nucléaires, les électriciens japonais doivent recevoir l’autorisation de l’ARN en respectant les standards de sûreté renforcés imposés, en apportant notamment des gages de résistance à d’importants tremblements de terre potentiels. Cette étape allonge les délais de redémarrage et 21 réacteurs (dont 1 en cours de construction) attendent encore leur examen. En plus de l’autorisation de l’ARN, les centrales doivent recevoir une autorisation du gouvernement et des autorités locales où sont implantées lesdites centrales.

Le parcours est ainsi encore long avant que le nucléaire ne redevienne une énergie majeure du mix électrique japonais. D’autant plus que les 2 réacteurs de la centrale de Sendai actuellement en service doivent être mis à l’arrêt d’ici la fin de l’année pour une phase de maintenance d’au moins 2 mois. En 2015, la production du parc nucléaire japonais s’est limitée à 4,3 TWh, soit environ 0,5% de la production électrique totale du pays.

Etat des lieux du parc nucléaire au Japon (septembre 2016)

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