Stockage d'énergie offre-demande

Le principal enjeu du stockage est de pouvoir adapter l'offre à la demande. (©photo)

Définition

Le stockage de l’énergie consiste à préserver une quantité d’énergie pour une utilisation ultérieure. Par extension, l’expression désigne également le stockage de matière contenant l’énergie.

Le stockage de l’énergie est au cœur des enjeux actuels, qu’il s’agisse d’optimiser les ressources énergétiques ou d’en favoriser l’accès. Il permet d’ajuster la « production » et la « consommation » d’énergie en limitant les pertes. L’énergie, stockée lorsque sa disponibilité est supérieure aux besoins, peut être restituée à un moment où la demande s’avère plus importante. Face à l’intermittence ou la fluctuation de production de certaines énergies, par exemple renouvelables, cette opération permet également de répondre à une demande constante.

Les méthodes de stockage dépendent du type d’énergie. Les sources d’énergies fossiles (charbon, gaz, pétrole), sous forme de réservoirs à l’état naturel, remplissent naturellement la fonction de stocks. Une fois extraites, elles peuvent facilement être isolées, hébergées et transportées d’un point de vue technique. Le stockage s’avère plus complexe pour les énergies intermittentes : leur production est relayée par des vecteurs énergétiques tels que l’électricité, la chaleur ou l’hydrogène, nécessitant des systèmes spécifiques de stockage.

Contexte

Le besoin de stockage est une réponse à des considérations d’ordre économique, environnemental, géopolitique et technologique.

L’accroissement mondial de la demande en énergies fossiles, la hausse des cours qui en résulte et les troubles politiques de plusieurs pays producteurs rendent l’approvisionnement partiellement incertain. Le stockage de l’énergie est donc un atout géostratégique, notamment dans le cas des hydrocarbures.

Dans le domaine économique, en particulier lors des pointes de consommation, le stockage de l’énergie peut permettre de réguler les fluctuations des prix indexés sur les variations de l’offre et de la demande. Pour les entreprises et les particuliers consommateurs, une énergie disponible, sans interruption ou hausse des prix inopinée, est une nécessité au regard des modes de vie actuels. Le stockage est aussi un moyen de limiter les pertes lors d’une surproduction et donc de réduire la consommation globale d’énergie.

D’un point de vue technologique, le développement des équipements portables et des véhicules hybrides et électriques nécessite de nouvelles formes de stockage permettant d’héberger une forte densité d’énergie dans un volume limité et de la restituer aisément.

Fonctionnement technique ou scientifique

Sous forme d’énergie chimique

Tout combustible peut être considéré comme un stock d’énergie sous forme chimique. En brûlant, le composé dégage de l’énergie sous forme de chaleur qui peut être récupérée et valorisée.

  • Stockage intrinsèque
  • Hydrocarbures

Les hydrocarbures liquides sont actuellement la forme dominante du stockage d'énergie en volume, notamment pour le secteur du transport. Les carburants proviennent des énergies fossiles et ont un rendement de 75% de la « source à la pompe ». Les biocarburants sont eux issus de la biomasse, avec un rendement de 70% « de la biomasse à la pompe ».

  • Biomasse

Le terme « biomasse » désigne l'ensemble des matières organiques pouvant devenir des sources d'énergie. Dans le cas des végétaux, elle est une forme de stockage de l’énergie solaire: les matières organiques sont issues du CO2 capté lors de la photosynthèse. La biomasse peut être utilisée soit directement (bois énergie), soit après une méthanisation de la matière organique (biogaz) ou de nouvelles transformations chimiques (biocarburant).

Toutefois, ce processus de stockage d'énergie est long, de l’ordre de plusieurs mois, et d'un rendement faible. En effet, seul 1% des rayonnements solaires utilisés lors de la photosynthèse est restitué sous la forme de biomasse.

  • Production d’hydrogène

Le dihydrogène, communément appelé hydrogène, n’existe pas à l’état naturel mais est très abondant sur Terre sous forme atomique H (eau, hydrocarbures, etc.). De nombreux procédés de production existent dont le reformage de combustibles fossiles à la vapeur d’eau (à 900°C) et l’électrolyse de l’eau. L’électrolyse, qui consiste à décomposer la molécule d’eau en hydrogène et en dioxygène, nécessite de l’électricité (rentable si la production d’électricité présente elle-même un coût peu élevé). L’hydrogène a la faculté de restituer de l’énergie, ce qui en fait une forme particulièrement intéressante de stockage.

Il peut être utilisé directement comme carburant de véhicules équipés de moteurs à combustion fonctionnant au gaz. Il peut aussi être stocké avant d’être reconverti en énergie au moyen d’une pile à combustible, fournissant de l’électricité et de la chaleur. Son usage est également envisagé pour des applications stationnaires (électricité et chaleur dans les maisons).

L’hydrogène présente l’intérêt de pouvoir être produit à partir de toutes les sources d’énergie primaires (fossiles, éolien, solaire). Toutefois, les systèmes électrolyseur-hydrogène-pile à combustible ont un coût d’investissement encore très élevé, pour un rendement global de moins de 50%. De plus, leur durée de vie s’avère insuffisante dans le cadre d’applications couplées au réseau électrique.

Sous forme d’énergie thermique

Actuellement, le stockage thermique est peu exploité. Son usage devrait croître à l’occasion du développement des fermes solaires thermodynamiques.

  • Stockage par chaleur sensible

L’élévation de la température d’un matériau permet de stocker de l’énergie. Ce principe est, entre autres, celui des chauffe-eau solaires : ils récupèrent la chaleur dans la journée pour la restituer ensuite, avec un rendement moyen de l’ordre de 40% pour les systèmes les plus récents. Les matériaux privilégiés sont l’eau, l’huile de synthèse, la roche ou encore le béton.

Pour de grands volumes, la chaleur de capteurs solaires ou des rejets industriels peut être stockée dans le sous-sol. Le stockage géologique, pouvant être couplé à des opérations de géothermie, est encore assez peu répandu.

  • Stockage par chaleur latente

Ce mode de stockage est basé sur l’énergie mise en jeu lorsqu’un matériau change d’état (par exemple solide-liquide). La transformation inverse permet de libérer l’énergie accumulée sous forme de chaleur ou de froid, avec un rendement d’environ 60%. Cette technique peut être appliquée dans les bâtiments, par l’intermédiaire des Matériaux à Changement de Phase (MCP). Incorporés aux parois, ils servent de régulateur thermique en fonction de la chaleur apportée par le soleil.

Sous forme d’énergie mécanique

Cette catégorie regroupe les voies les plus connues de stockage à grande échelle : le stockage hydraulique et à air comprimé. Elle inclut aussi les volants d’inertie.

  • Énergie mécanique potentielle
  • Stockage hydraulique

Il permet de stocker de grande quantité d'énergie électrique par l'intermédiaire de l'énergie potentielle de l'eau. Une STEP (station de transfert d'énergie par pompage), type de centrale hydroélectrique, est utilisée pour transférer l'eau entre deux bassins situés à des altitudes différentes. Lorsque le réseau fournit un surplus d'électricité, l'eau du bassin inférieur est pompée dans le bassin supérieur. Sous l'effet de la pesanteur, cette masse d'eau représente une future capacité de production électrique. Lors d’un déficit de production électrique, la circulation de l'eau est inversée : la pompe devient turbine et restitue l'énergie accumulée. Avec un rendement pouvant atteindre plus de 80%, il s’agit de la solution la plus employée pour stocker l’énergie des centrales électriques.

  • Stockage à air comprimé

Quand la demande d’électricité est faible, les systèmes existants utilisent d’anciennes mines de sel comme réservoirs et un ensemble moteur-générateur-turbine. Quand la demande d'électricité est importante, l'air comprimé est utilisé pour faire tourner une turbine couplée à un alternateur produisant de l'électricité. Le rendement, actuellement aux environs de 50%, est un axe de recherche et de développement. Le stockage à air comprimé à partir des énergies éolienne et solaire fait l’objet d’installations pilotes en Allemagne et aux Etats-Unis(1)(2).

  • Énergie mécanique cinétique

L'énergie peut être stockée sous forme d'énergie cinétique dans un « volant d’inertie », dispositif en forme de roue tournant autour de son axe central. Une machine électrique lui fournit l’énergie cinétique (fonctionnement moteur) et la récupère selon les besoins (fonctionnement générateur), entraînant une baisse de la vitesse de rotation du volant d'inertie. Ce système permet de restituer plus de 80% de l’énergie accumulée mais pour un temps de stockage limité. En pratique, le volant d’inertie est utilisé pour un lissage à très court terme de la fourniture d’énergie au sein d’appareils de production. C’est notamment le cas des moteurs thermiques et surtout des moteurs Diesel.

Sous forme d’énergie électrochimique

Le stockage de l’énergie dans les batteries électrochimiques est la technique la plus répandue pour les petites quantités d’énergie électrique. En fonction du type de batterie (plomb-acide, lithium-ion, nickel-métal hydrure, etc.), différentes réactions chimiques sont provoquées à partir de l’électricité : il s’agit de la phase de charge de la batterie. Selon la demande, les réactions chimiques inversées produisent ensuite de l’électricité et déchargent le système.

Les batteries électrochimiques sont souvent destinées à des applications portables. De puissance relativement faible, elles présentent néanmoins une grande capacité de stockage pour des durées de décharge élevées (jusqu'à plusieurs heures) avec un taux de rendement de 70 à 80%. Ces dispositifs peuvent également avoir des fonctions de secours lorsque le réseau électrique est défaillant ou dans le cas d’une production d’électricité issue des énergies renouvelables, avec des valeurs d’énergie stockée de quelques Wh jusqu’à 40 MWh. L’inconvénient majeur est lié à leur durée de vie, limitée par les dégradations chimiques des réactions(3) et leur coût.

Sous forme d’énergie électrique

Certains systèmes permettent de stocker directement l’énergie sous forme électrique. Il s’agit principalement des supercondensateurs, composants électriques constitués de deux armatures conductrices stockant des charges électriques opposées. Ils sont capables de délivrer une forte puissance pendant un temps très court. À la différence des batteries électrochimiques, ils peuvent se décharger en un temps de l’ordre de la seconde ou moins avec un rendement compris entre 80% et plus de 90%. Toutefois, ces dispositifs ne stockent pas de grandes quantités d’énergie. Les supercondensateurs ont des applications dans le domaine des transports terrestres. Ils assurent notamment l’arrêt et le redémarrage à un feu rouge (stop and go)(4).

Une autre piste est celle du stockage électromagnétique (ou SMES pour « Superconductor Magnetic Energy Storage ») à base de matériaux supraconducteurs. Ce système se destine au stockage de grandes quantités d’énergie, dont 50% peuvent être restituées en moins d’une seconde. De plus, un tel dispositif bénéficie d’un rendement de 75% à plus de 90 %. Toutefois, les applications de SMES, aux coûts encore très élevés, sont encore limitées et doivent démontrer leur faisabilité à grande échelle, du fait de la nécessité de maintenir une température très basse. Elles sont développées essentiellement aux États-Unis.

Perspectives

Les systèmes de stockage par pompage hydraulique représentent en 2011 une capacité de près de 100 GW dans le monde(5). Environ 80 GW s’y ajouteront d’ici 2014. Aujourd’hui, ces systèmes constituent la grande majorité des capacités totales de stockage d’électricité mais les moyens de stockage se diversifient, notamment avec la construction de batteries électrochimiques de grande capacité (40 GW de puissance installée sont prévus d’ici à 2030, principalement au Japon et aux États-Unis).

Les batteries électrochimiques semblent alors l’option la plus prometteuse pour un stockage fixe ou mobile. Selon le cabinet IDC Energy Insights(6), la production mondiale des batteries lithium-ion pourrait augmenter de 6 689 MWh en 2011 à 26 145 MWh en 2015.

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