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Une quinzaine de ministres ont rendez-vous à Paris jeudi et vendredi pour une conférence internationale, sous l'égide du gouvernement français et de l'OCDE, en vue d'accélérer le retour du nucléaire et encourager les institutions internationales à le financer.
Les responsables ainsi que des industriels du nucléaire sont attendus, venus du Japon, du Canada, des États-Unis, du Royaume-Uni et de l'Union européenne: Bulgarie, République tchèque, Pologne, Roumanie, Suède...
Objectif : "définir des feuilles de route pour relancer le nucléaire au niveau mondial, et contribuer ainsi à l'atteinte des objectifs de neutralité carbone tout en renforçant la sécurité énergétique", explique la ministre française de la Transition énergétique Agnès Pannier-Runacher, co-organisatrice avec l'Agence de l'énergie nucléaire de l'OCDE.
Avant d'être une alliance industrielle, il s'agit d'abord d'"une alliance politique", explique son cabinet. Une déclaration ministérielle est attendue, pour souligner le caractère "indispensable", selon ses signataires, de "l'outil" nucléaire dans la transition énergétique, au côté des énergies renouvelables, de l'efficacité et des économies d'énergie. L'appel veut "encourager les banques multilatérales de développement, les institutions financières internationales et les organisations régionales, par exemple l'UE, à financer l'énergie nucléaire", ajoute le cabinet.
La ministre française rencontrera aussi jeudi matin son homologue italien, au moment où l'Italie, sortie du nucléaire après l'accident de Tchernobyl (1986), pourrait reconsidérer cette option.
La France, pays le plus nucléarisé au monde par habitant (56 réacteurs pour 68 millions d'habitants), s'est érigée ces derniers mois en fer de lance européen de la relance de l'atome, à la tête d'une "alliance européenne du nucléaire" destinée à défendre la place du nucléaire dans les négociations ardues sur la réforme du marché de l'électricité de l'UE. Cela a "créé une minorité de blocage", se félicite Paris.
Regroupant notamment des pays d'Europe de l'Est, "cette alliance veut aussi construire des coopérations industrielles pour mettre fin à la dépendance" de certains à l'égard de la Russie.
Avec la réunion à l'OCDE, Paris souhaite "élargir" l'initiative aux "pays considérant le nucléaire comme un outil de décarbonation".
Selon l'Agence internationale de l'énergie (AIE), autre agence de l'OCDE, il faudrait plus que doubler les capacités nucléaires dans le monde d'ici 2050 pour respecter les objectifs de neutralité carbone, en combinant la prolongation des réacteurs existants, des réacteurs de nouvelle génération mais aussi de petits réacteurs modulaires (SMR), en cours de conception.
Mais relancer l'atome, tombé en disgrâce après la catastrophe de la centrale japonaise de Fukushima (2011), implique de nombreux défis: construire des filières de formation, une chaîne d'approvisionnement, trouver des financements adaptés à ces investissements longs et coûteux.
« Besoin de coopérer »
L'AIE estime que "le nucléaire est une partie intégrante de ce que devrait être notre mix énergétique". "On assiste à un retour du nucléaire dans le monde", constatait le 18 septembre devant la presse le directeur de l'AIE Fatih Birol, en citant le Japon, le Canada, la Finlande, la Suède, la Chine, et les États-Unis.
En 2022, 7,9 GW de capacités nucléaires ont été mises en service, soit une progression de 40% d'installations nouvelles par rapport à 2021. Cependant l'essentiel des mises en construction ces dernières années est venu de Chine, pour son marché intérieur, et de Russie pour plusieurs pays. "Nous sommes face à une multiplication extraordinaire des annonces mais il ne se passe pas grand-chose sur le terrain", relativise Mycle Schneider, coordinateur du World Nuclear Industry Status Report, interrogé par l'AFP.
Du point de vue de l'AIE, la reprise de l'activité nucléaire va "continuer". A condition toutefois que les industriels livrent les chantiers "à temps et en respectant les coûts", alors que retards et dérapages budgétaires pèsent sur des projets comme Flamanville en France ou Hinkley Point au Royaume-Uni. "La balle est dans leur camp", a lancé le chef de l'AIE à l'adresse des acteurs du secteur.
L'"alliance du nucléaire" se veut un lieu pour se coordonner. "Il ne s'agit pas de lancer un programme nucléaire commun (...) il y a une concurrence (industrielle), avec les Américains ou les Coréens, mais on a aussi besoin de coopérer ensemble pour partager les meilleures pratiques", dit-on côté français.