Nucléaire : le projet des EPR2 du Bugey freiné par le tribunal administratif de Lyon

  • Connaissance des Énergies avec AFP
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EPR2 du Bugey

L'implantation de 2 EPR2 dans le Bugey est envisagée sur la commune de Loyettes, en aval de la centrale nucléaire actuelle de Bugey. (©Didier Marc; PWP)

Le tribunal administratif de Lyon a annulé des modifications de documents d'urbanisme permettant l'implantation de deux nouveaux réacteurs nucléaires sur le site EDF du Bugey, dans l'Ain, estimant notamment que les impacts écologiques n'avaient pas été suffisamment pris en compte.

2 « EPR2 » de 1 670 MW de puissance unitaire

À la suite d'une audience le 18 novembre, le tribunal a donné raison mardi à l'association Sortir du nucléaire Bugey et à plusieurs habitants, dans une décision consultée mercredi par l'AFP.

Le site de 150 hectares situé sur la commune de Loyette, en bordure du Rhône, a été ouvert à l'urbanisation par le biais de ces deux procédures afin de permettre l'implantation des deux nouveaux réacteurs nucléaires à eau pressurisée EPR2, d'une puissance de 1 670 MW chacun.

Quatre réacteurs nucléaires de 900 MW chacun existent déjà sur le site, où les maîtres d'ouvrage EDF et RTE prévoient de construire les deux nouveaux d'ici 2040.

Deux documents d'urbanisme annulés par le tribunal

Le syndicat mixte Bugey-Côtière-Plaine de l'Ain avait d'abord modifié son schéma de cohérence territoriale (SCOT), lors d'une assemblée délibérante en février 2023. Puis en septembre 2024, la commune de Loyette a validé une révision de son plan local d'urbanisme (PLU).

Mais les juges ont estimé que la modification du SCOT était "entachée d'illégalité" et qu'elle aurait dû faire l'objet d'une procédure de révision, plus contraignante.  Concernant le PLU de la commune de Loyette, le tribunal a jugé que l'analyse des incidences du plan sur l'environnement "présente des insuffisances".

Selon l'évaluation environnementale, le territoire communal abrite de nombreuses espèces protégées, parmi lesquelles 104 d'oiseaux et quatre de reptiles, dont la couleuvre verte et jaune.

Les terrains concernés se situent de plus au bord des berges du Rhône et à moins de cent mètres de la zone Natura 2000 l'Isle Crémieux, une zone de protection spéciale (ZPS) constituée d'un réseau de petits plans d'eau et de zones humides, qui se distingue par une grande richesse écologique et une forte vulnérabilité, et "n'a pas été prise en compte dans l'évaluation environnementale".

Jugeant que ces vices étaient de nature à compromettre l'ensemble de la procédure, le tribunal a prononcé l'annulation des deux documents d'urbanisme.

Le projet des EPR2 à Bugey pas remis en cause selon EDF

"C'est une bataille qu'on a remportée mais on a bien conscience que le combat continue" a réagi à l'AFP Me Jean-Baptiste Ollier, qui représentait l'association Sortir du nucléaire Bugey dans ce dossier.

Le président du syndicat mixte Bugey-Côtière de l'Ain, Alexandre Nanchi, a indiqué à l'AFP qu'il comptait faire appel et demander un sursis d'exécution. Évoquant "une décision regrettable", qui "n'a pas d'impact" et "ne change rien", il a ajouté qu'une procédure de révision était déjà en cours. La commune de Loyette a indiqué être en train d'étudier les possibilités de recours.

De son côté, EDF assure dans un communiqué que le jugement du tribunal lyonnais "ne remet pas en cause le projet de construction des EPR2 à Bugey (...), ni son planning". "Les différentes procédures requises pour mener à bien le projet et celles conduisant à la mise en compatibilité des documents d'urbanisme reposeront sur une étude d'impact environnemental et feront la démonstration de la bonne application par EDF de la démarche ERC (Eviter/Réduire/Compenser)" relative aux atteintes à l'environnement, est-il ajouté.

"Ces différentes procédures donneront également lieu à plusieurs consultations du public et des collectivités et permettront par conséquent d'intégrer les différentes attentes des acteurs du territoire", assure EDF.

Commentaires

sirius
Un tel projet sur un fleuve dont on annonce la chute du débit pour les années à venir , est ce bien rationnel ?
APO
Un fleuve et ses affluents très largement "régulés" par de nombreux barrages. Donc in fine un débit qui peut être régulé. De toutes les façons si on manque d'eau, il y a aura d'autres problèmes que le refroidissement des centrales nucléaires...
Ceyal
le courant électrique à beaucoup plus de valeur en hiver , on se doit donc de limiter les fermetures de sites en hiver... alors qu'en été la fermeture n'est pas un problème car le prix de gros est faible quand ce n'est pas négatif... bref la temperature trop élevée n'est pas un problème serieux
ThB
Ces décisions ne sont effectivement pas rationnelles.
Pire : elles s’inscrivent dans une logique de court-termisme et d’improvisation qui, répétée depuis quarante ans, a directement conduit à la crise économique que nous subissons aujourd’hui.
Le résultat est là : un système à bout de souffle, où les mêmes erreurs se reproduisent sans jamais être questionnées.
Denis Margot
@Thb Selon vous, les décisions non rationnelles, ce sont les décisions du tribunal administratif ou celles de construire les 2 PER ?
ThB
Le rôle du tribunal administratif est de veiller au respect des règles, surtout dans un État de droit.

Construire deux EPR sans respecter les procédures légales, c’est prendre le risque d’un rejet pur et simple par la justice — une démarche aussi coûteuse qu’irrationnelle.

Si les règles ne conviennent plus, c’est au législateur de les réformer, ou au peuple de trancher par référendum. Mais contourner la loi en espérant ne pas se faire sanctionner, c’est une stratégie de court terme, indigne d’une démocratie.

Le problème ! Certains responsables politiques semblent avoir adopté la maxime « pas vu, pas pris » comme mode de gouvernance, au mépris de la confiance citoyenne et de l’intérêt général.
APO
@ThB, vous dites vrai ! Mais aujourd'hui il y a tant de Lois et de réglementations à respecter que cela devient un casse-tête administratif qui demande des "armées" de consultants avec la possibilité de se contredire entre les diverses réponses aus documents administratifs... In fine, il y aura toujours des documents soumis très imparfaits et/ou en contradiction avec d'autres... Donc de la place pour contester en justice !
ThB
@APO
Pourquoi tant de lois et de réglementations ?
La multiplication des lois et des normes en France interroge. Nos députés, souvent réélus, semblent davantage chercher à satisfaire le plus grand nombre qu’à servir l’intérêt collectif.
Leur priorité : séduire l’électorat, quitte à alourdir le cadre législatif au détriment de la simplicité et de l’efficacité.

Une solution simple, mais jamais appliquée.
L’idée d’abroger une règle pour en créer une nouvelle a déjà été proposée. Pourtant, rien ne change. Pourquoi ? Parce que supprimer une niche, même inefficace, risquerait de mécontenter une partie de l’électorat. Les Français, en effet, votent rarement pour ceux qui leur promettent des sacrifices.

Qui sont les vrais responsables ?
Le tribunal administratif n’est que le bouc émissaire : il applique les lois, il ne les invente pas. Les vrais coupables sont les électeurs, qui privilégient souvent l’intérêt immédiat ; les députés, qui cèdent à la tentation du clientélisme ; et les lobbies, qui défendent des intérêts particuliers au détriment du bien commun.

Et si on osait enfin simplifier !
La question n’est plus de savoir s’il faut moins de lois, mais comment faire pour que nos représentants osent enfin trancher, même quand cela dérange. La simplicité administrative ne se décrète pas, elle se conquiert – à condition d’avoir le courage de froisser quelques intérêts.
APO
@ThB, Je ne remets pas en cause le Tribunal administratif dans mes propos, ni les normes et réglementations quand on les prend de manière isolées. Mais le cumul des normes et réglemenantations est devenu un mille-feuille tel que tout devient hyper compliqué et hors de portée d'une seule personne. Donc il faut des cohortes de compétences pour venir à bout de tels dossiers et il faut être capable de synchroniser ces cohortes de compétences et de rapports... Bref cela devient d'une complexité inouie et cela nourrit nombre de bureaux d'étude divers et variés qui feront tout pour ne pas trop se "mouiller" donc rebalancer sur d'autres les responsabilités et in fine créer des vides dans les réponses administratives. En ciblant ces vides, toute procédure a des chances d'aboutir... (Cela fait bosser du monde mais est-ce productif !? et à la fin quelqu'un paiera tout cela - le petit consommateur moyen !).
Agnès Verdier
@ ThB C'est vrai que c'est insuportable que des élus ne respectent même plus les lois fixées par notre parlement, font fi de l'état de droit, qui assure pourtant une cohésion de notre société.
APO
Encore un dossier mal ficelé... Mais il devient parfois de plus en plus dur de répondre à toutes les normes en place (Vrai pour le Nucléaire mais aussi pour les ENR) ce qui bloque bien des développements... Pas grave le Gaz est là !!!
ant
La France est devenu un enfer de normes, de réglements, de procédures, où la justice administrative est toute puissante face au pouvoir démocratique. C'est valable pour tous les projets d'infrastructure, ce n'est pas propre qu'au nucléaire. La France est l'un des pays au monde pour mener un projet d'infrastructure, là où vous montez un dossier en 2 ans ailleurs il vous en faut 5 en France. Cela coûte un pognon de dingue au contribuable. Notre Etat est obèse.

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