
Le Traité sur la Charte de l’énergie (TCE, « Energy Charter Treaty » en anglais) est un accord multilatéral qui fixe « un cadre juridique destiné à promouvoir la coopération à long terme dans le domaine de l’énergie ». Ouvert à la signature en décembre 1994 et entré en vigueur en avril 1998(1), ce Traité devait à l’origine permettre en particulier de faciliter la coopération énergétique avec les pays d'Europe de l'Est et d'ex-URSS.
Contenu du traité sur la Charte de l'énergie
Par ce traité, « chaque partie contractante encourage et crée des conditions stables, équitables, favorables et transparentes pour la réalisation d’investissements dans sa zone par les investisseurs des autres parties contractantes » (article 10 du Traité). Concrètement, les pays signataires étaient tenus de faciliter le transit des produits énergétiques sans distinction, le TCE fixant des procédures strictes pour le règlement des différends entre les États ainsi qu'entre États et entreprises.
Les parties contractantes du TCE se réunissaient périodiquement au sein de la Conférence sur la Charte de l’énergie (dotée d’un Secrétariat à Bruxelles) regroupant l’Union européenne ainsi qu’une cinquantaine de pays(2), dont les différents États membres de l’UE (l'Italie s'était retirée du Traité dès 2015(3)), la Turquie mais aussi des pays asiatiques comme la Mongolie et le Japon.
Les critiques sur le « plus grand nombre de litiges au monde »
Le Traité sur la Charte de l’énergie a fait l’objet de nombreuses critiques ces dernières années, étant accusé de freiner la transition énergétique au bénéfice des producteurs d’énergies fossiles, dès lors que ces derniers peuvent demander une réparation aux États dont les lois ont un impact négatif sur leur activité.
Fin 2022, l'Italie a par exemple été condamnée à une amende de près de 180 millions d'euros à verser à la compagnie pétrolière Rockhopper pour lui avoir refusé un permis de forage offshore (en raison d'un moratoire adopté en 2010 et étendu en 2015 par le Parlement italien).
Il était reconnu dans l'UE depuis plusieurs années « que le TCE est l’accord d’investissement qui fait l’objet du plus grand nombre de litiges dans le monde » (près de 150 réclamations en cours(4)). Dans une résolution de juin 2022(5), le Parlement européen avait indiqué souhaiter « exclure de la protection la plupart des investissements réalisés dans les combustibles fossiles » afin de ne pas freiner la transition énergétique, conformément au pacte vert pour l’Europe et à l’accord de Paris.
Sortie du traité de l'UE
En juillet 2023, la Commission européenne avait proposé que l'UE et ses États membres « se retirent de manière coordonnée et ordonnée » d'un traité jugé « incompatible avec les ambitions climatiques européennes ».
Le Parlement européen a approuvé le 24 avril 2024(6) un retrait coordonné de l'UE du traité international sur la Charte de l'Energie, alors qu'une dizaine d'États membres (dont la France en 2022) avaient déjà annoncé vouloir le quitter ces dernières années.
VICTOIRE pour le climat !✅
Nous venons de voter pour la sortie du Traité sur la Charte de l’Énergie #ECT
Un traité climaticide qui menaçait nos efforts de décarbonation en protégeant les énergies fossiles.
Une sortie que nous défendions depuis 4 ans avec @Ensemble_UEpic.twitter.com/ir79j388T4— Christophe GRUDLER (@GrudlerCh) April 24, 2024
La décision du Conseil du 30 mai 2024 entérine le retrait de l’Union du traité sur la charte de l’énergie(7). Plusieurs États membres dont la France ont en parallèle officiellement décidé de se retirer du TCE (avec une notification fin 2022 pour la France). Pour les signataires ayant annoncé leur retrait, la décision ne devient effective qu'au bout de 12 mois.
Un impact durable toutefois
Comme le rappelle l'Institut Vleben, dans un rapport de mai 2025 (accessible ci-après), « l'héritage du traité, conjugué à sa clause de survie, garantit que ses effets seront durables ». Et pour cause : la clause de survie « permet aux investisseurs d'engager des procédures pendant une période allant jusqu'à 20 ans après le retrait », ce qui explique l'action de Rockhopper après le retrait de l'Italie du TCE.
Autrement dit, « les États membres de l'UE risquent toujours de voir leurs politiques climatiques contestées par des investisseurs du secteur des énergies fossiles, des années après leur retrait du TCE ».
L'UE et ses États membres « devraient s'engager dans des négociations actives en vue d'un accord « inter-se » visant à neutraliser la clause de survie avec d'autres États non-membres de l'UE qui se sont déjà retirés du TCE (Royaume-Uni) ou qui pourraient le faire à l'avenir », indique le rapport de l'Institut Vleben.