Sortir de l’euro, une absurdité économique mais aussi énergétique

Philippe Charlez

Expert en questions énergétiques, Institut Sapiens

Les évolutions implacables de la démographie et de la distribution de la richesse mondiale au cours des 20 dernières années, aussi communément appelée « mondialisation », ont profondément « affaibli les formes classiques d’organisation intermédiaire et en particulier les États-Nations »(1). Elles ont rendu de facto obsolète la granulométrie des États européens qui, individuellement, n’ont plus les moyens de peser comme par le passé sur l’organisation du monde.

Durant les Trente Glorieuses, les États-Unis et l’Europe représentaient les deux tiers de la richesse mondiale. En 2015, ils ne comptaient plus que pour 40%. Quant au PIB de la France, son poids relatif a été réduit de moitié, passant de 6% du PIB mondial en 1980 à un peu plus de 3% aujourd’hui. Face à la Chine et aux États-Unis, la France ou l’Allemagne n’ont plus qu’un poids négligeable. Par contre, l’Europe prise comme entité économique pèse aujourd’hui, comme les États-Unis, pour plus de 20% de la richesse mondiale, soit 6 points de plus que la Chine (Figure 1).

Evolution du PIB français et européen
Figure 1 : Évolution des PIB français et européen depuis 1990

Une nouvelle Europe « des Nations » ne serait pas seulement une absurdité économique. Ce serait aussi une absurdité énergétique.

Depuis le milieu des années 1980, la facture énergétique de l’Europe s’est accrue de façon impressionnante. Elle apparaît aujourd’hui comme un contributeur majeur à sa dette souveraine. Dette et facture énergétique sont étonnamment corrélées (Figure 2 - droite). Fin 2014, la dette européenne frôlait les 10 000 milliards d’euros; sa facture pétrolière et gazière cumulée depuis 1987 atteignait 7 500 milliards d’euros. Entre 1993 et 2010(2), la dette de la France a augmenté de 1 000 milliards d’euros(3). Durant la même période, ses importations de pétrole et de gaz ont représenté 750 milliards d’euros. En 2012, la seule facture pétrolière et gazière contribuait pour près de 90% du déficit commercial de l’hexagone c'est-à-dire l’équivalent de 3% du PIB français (Figure 2 - gauche). A système social constant, la dette n’est finalement que la somme des achats d’hydrocarbures et du remboursement de la dette.

Balance commerciale et prix du pétrole
Figure 2 (le graphe de gauche concerne la période 2000-2014, celui de droite la période 1985-2014)

Le retour au franc s’accompagnerait inévitablement d’une forte dévaluation de la nouvelle monnaie nationale que les experts estiment entre 20% et 40%. La facture pétrolière et gazière, libellée en dollars, augmentera donc mécaniquement du même ordre de grandeur. Inflation, récession et explosion de la dette en seront les inévitables conséquences. La hausse de la facture pétrolière et la hausse des taux d’intérêt conduiront donc inévitablement à une explosion incontrôlée de la dette et à la ruine d’un outil industriel aujourd’hui en grand danger.

Pourtant, l'Europe est le véritable espace naturel d’ouverture dans lequel doit s'inscrire la transition énergétique. Protection de l’euro par rapport au dollar, règles et normes communes, coordination de l'action des États membres, sécurité énergétique grâce à l’interconnexion des réseaux de gaz et d'électricité, mutualisation de la R&D sur les renouvelables, le stockage de l'énergie et la captation/stockage du carbone sont autant de thématiques structurantes capables de relancer le projet européen.

Sources / Notes

  1. « Révolution », Emmanuel Macron, 2016,  Editions XO.
  2. Sources : Energy Funds Advisors.
  3. La dette souveraine française est aujourd’hui supérieure à 2200 milliards d’euros, soit près de 100% du PIB.

Les autres articles de Philippe Charlez

Commentaire

AtomicBoy44

L'euro va de toute façon cracker a cause de la balance des paiements entre les banques centrales de la Zone Euro. Car contrairement ace que disent tous ces "spécialistes", l'euro n'est en fait pas une monnaie unique malgré les apparences.

Certes les importations de pétrole seraient plus couteuses, mais cela engendrerait un faible impact sur les prix des carburants puisque le prix n'est pas essentiellement constitué du prix de la matière premier, mais de 80% de taxes diverses.

Et comme il faut s'attaquer au pétrole pour réduire les émissions de CO2, ce serait une très bonne affaire. Les français rouleraient moins, et moins vite. Et puis ça remettrait enfin les ingénieurs français de l’auto au travail pour nous faire de gros gains d’efficacité dans les moteurs thermiques.

AtomicBoy44

Cet article est un tissu de mensonges.

la lex Monétaé indique que notre dette ne peut être qu'appliquée et comme notre dette est libellé en droit français, l'explosion de la dette ne tiens pas.

Des banques internationales nous disent après évaluations, et même le FMI, que la dévaluation ne serait pas plus forte que 15% grand maximum, probablement moins.

La crise de l'euro dont personne ne parle avec cette campagne, est pourtant bien la :
http://www.eurocrisismonitor.com/

Sébastien Postic

Cet article n'est qu'un recyclage qui ne dit pas son nom, et aussi une prise de position de campagne à peine cachée, même si non-assumée.
Il a été diffusé, au moins, le 12 avril sur le site de soutiens à Macron https://medium.com/je-vote-macron/sortir-de-leuro-une-absurdit%C3%A9-%C…
Je suis dubitatif quant au procédé qui consiste à simplement gommer les attaques programmatiques directes pour présenter cette tribune comme une vision d' "expert énergéticien", et pas pour ce qu'elle est - une prise de position partisane.

Emmanuel Grenier

Papier effectivement scandaleusement caricatural. Qui nous promet une protection du fait de l'euro, mais qui oublie de préciser les conséquences de la dévaluation de 23% de l'euro par rapport au dollar...
Ainsi, pas de problème si on dévalue de 23% mais catastrophe si on sort de l'euro et que l'on a une dévaluation de 5 à 10% (et non pas 20 à 40%, chiffre grossièrement surévalué)

Par ailleurs, cet expert énergéticien serait mieux qualifié en lobbyiste du pétrole. Tout son discours consiste à faire comme si notre dépendance au pétrole et au gaz était inéluctable, qu'elle était donnée pour toujours.

Sébastien Postic

En même temps, pour un spécialiste Shale Oil&Gas de chez Total, rien d'anormal...

AtomicBoy44

Bien vu, j'avais oublié cet argument de la dépréciation de l'Euro face au dollar alors que le pétrole et le gaz se négocient effectivement en dollars.

Guerreiro

Un discours clairement de lobby pétrolier qui a intérêt à maintenir un marché dépendant des énergies fossiles ! Certes il est nécessaire de donner tribune à tout type d'avis qui s'exprime avec un argumentaire, mais tout le texte est basé sur un postulat qui entend que "la granulométrie des États européens qui, individuellement, n’ont plus les moyens de peser comme par le passé sur l’organisation du monde", ce qui est tout à fait fallacieux (certaines pays ne font pas partie de l'Europe ou de la zone euro et ne s'en porte pas plus mal)! Au demeurant, le terme "granulométrie" ne veut strictement rien dire !

FOURNIER

Très bonnes analyses des commentateurs. Cela montre qu'on ne gobe plus bêtement les discours des maîtres à penser et experts, discours teintés d'apparente vraisemblance comme savent si bien en fabriquer les rhétoriciens depuis l'Antiquité...
J'ajouterai qu' il faudrait d'ailleurs revoir la politique d'approvisionnement pétrolière en provenance d'Afrique... Ca éviterait tous les "incidents" du type génocides, massacres et charniers dont on entend si peu parler dans les médias et qui sont malheureusement toujours d'actualité...
http://www.congovision.com/forum/brazza3.html

Gulbenkian

Rien à voir donc avec une sortie ou non de l'euro. C'est un raisonnement fallacieux.
La seule conclusion évidente que l'on peut émettre est : il faut réduire fortement notre dépendance au pétrole et même réduire tout court notre consommation de pétrole (gaz, charbon etc..)

Ajouter un commentaire

Sur le même sujet