Le Soudan du Sud vend désormais à perte le brut dont il dépend

  • AFP
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Le Soudan du Sud, qui tire l'essentiel de ses recettes du pétrole, produit désormais son brut à perte, en raison de la chute des prix mondiaux et d'une redevance fixe d'utilisation des oléoducs soudanais indispensables à son exportation, ont indiqué mercredi des analystes.

Le Soudan du Sud vend actuellement son pétrole environ 20 dollars le baril, sous le cours mondial du Brent (28 USD mercredi) en raison d'une moindre qualité, a expliqué Emma Vickers de Global Witness, ONG de lutte contre la corruption liée aux ressources naturelles. Mais le pays verse à Khartoum une redevance fixe de 24 USD pour chaque baril transitant dans les oléoducs soudanais vers Port-Soudan sur la rive de la mer Rouge.

En proclamant son indépendance le 9 juillet 2011, après des décennies de conflit avec Khartoum, le Soudan du Sud a hérité de 75% des réserves pétrolières du Soudan pré-sécession, mais, enclavé, continue de dépendre des infrastructures soudanaises pour l'exporter. Selon Eye Radio, station privée basée à Juba, le gouvernement sud-soudanais a écrit à Khartoum pour demander à renégocier le montant des redevances.

Les 24 USD payés par Juba sur chaque baril comprennent les redevances d'utilisation des infrastructures soudanaises proprement dites - environ 9 USD - auxquelles s'ajoutent 15 USD de remboursement d'une indemnité forfaitaire totale de 3 milliards de dollars, due à Khartoum en compensation de la perte de revenus pétroliers lors de la sécession.

L'économie du Soudan du Sud, plus jeune pays du monde qui a replongé en décembre 2013 dans la guerre civile, est au bord de l'effondrement. La production de pétrole a diminué de près de 30% pour s'établir à environ 150 000 barils par jour. La livre sud-soudanaise a sombré, l'inflation s'est établie à 109 % sur un an en décembre et le pays manque cruellement de devises.

Selon le site internet Sudan Tribune, basé à Paris, et qui couvre l'actualité des deux Soudans, le ministère sud-soudanais du Pétrole et des Mines a estimé que l'arrêt de la production de brut était inévitable à cours terme faute d'accord avec Khartoum sur une réduction des redevances. "Nous n'avons d'autre option pour le moment que de fermer (les vannes) parce que (...) nous ne pouvons vendre le pétrole à perte", a fait savoir le ministère sud-soudanais dans un mémo envoyé à son homologue soudanais.

En janvier 2012, Juba avait déjà ordonné l'arrêt de toute exportation de brut après que Khartoum eut décidé de prélever 23% du brut sud-soudanais à la sortie de ses oléoducs, en raison d'un différend sur le montant et le paiement des redevances de transit. Ce conflit, aggravé par des différends autour du tracé de la frontière, avait dégénéré entre mars et mai 2012 en intenses combats frontaliers entre les deux pays. L'exportation du brut sud-soudanais n'avait repris qu'en avril 2013.

"Un nouvel arrêt de la production conduira à des problèmes avec Khartoum et à des problèmes avec les compagnies pétrolières encore présentes" au Soudan du Sud, a estimé Emma Vickers, "la meilleure solution serait une renégociation de l'accord avec Khartoum, mais le Soudan du Sud est coincé entre le marteau et l'enclume". Selon des observateurs, Juba n'a pu payer ces derniers mois les redevances dues à Khartoum.

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