Électrification : RTE précise les contours de la « grande bascule » d'ici à 2035

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Barrage hydroélectrique de Roselend et sa retenue d'eau. (©EDF-Dominique Guillaudin)

Barrage hydroélectrique de Roselend et sa retenue d'eau. (©EDF-Dominique Guillaudin)

Le gestionnaire du réseau de transport d'électricité en France RTE a présenté ce 20 septembre son Bilan prévisionnel 2023-2035 (document accessible en bas de cet article). Cette publication actualise la première période de son grand travail de prospective « Futurs énergétiques 2050 ». Un œil sur la consommation et la production d'électricité attendues d'ici à 2035.

Rappels sur les travaux de prospective de RTE

De nombreuses évolutions ont affecté le secteur énergétique depuis la première publication de Futurs énergétiques 2050 par RTE en octobre 2021. Les ambitions en matière de lutte contre le réchauffement climatique ont été notamment rehaussées, avec l'objectif européen dit « Fit for 55 » de réduction des émissions nettes de gaz à effet de serre d'au moins 55% d'ici à 2030 (par rapport à 1990).

La recherche d'une plus grande sécurité d'approvisionnement et d'une souveraineté industrielle font par ailleurs l'objet d'une attention croissante, alors que la facture énergétique de la France s'est élevée à 120 milliards d'euros en 2022, « dont plus de 100 milliards pour le gaz et le pétrole, soit le budget combiné des armées et de l’éducation nationale ».

Face à ces différentes ambitions, RTE a mis au point 3 scénarios possibles « avec des rythmes différents de consommation, d’électrification des usages et de développement des énergies bas-carbone ». Le premier d'entre eux (scénario « A ») est la trajectoire de référence « souhaitable » permettant d'atteindre dans les temps les différents objectifs énoncés précédemment. Un scénario « B » permet d'atteindre ces objectifs climatiques et de réindustrialisation mais « avec un retard de 3 à 5 ans » tandis que le scénario « C » décrit un environnement de « mondialisation contrariée, dans lequel les tensions macroéconomiques et géopolitiques se prolongent durablement ».

Une consommation d'électricité en forte augmentation

« Pour atteindre les objectifs de décarbonation accélérée et de souveraineté énergétique, une croissance forte et rapide de la consommation d’électricité est nécessaire », réaffirme RTE en préambule : dans son scénario « A » (retenu pour les chiffres annoncés ci-après), le gestionnaire de réseau estime que la consommation française d'électricité pourrait « atteindre entre 580 et 640 TWh/an en 2035 ». Le niveau moyen de consommation retenu en 2035 dans ce scénario est de 615 TWh, soit près d'un tiers de plus que le niveau actuel de consommation (460 TWh en 2022).

La « bascule » des énergies fossiles vers le vecteur électrique nécessite d'augmenter fortement la part de l'électricité qui ne compte encore, malgré sa place « omniprésente dans la vie quotidienne », que pour 27% de la consommation d'énergie finale en France (23% en Europe, 19% au niveau mondial).

RTE souligne la nécessité d'agir simultanément sur 4 leviers pour parvenir aux différents objectifs français, en limitant d'une part la hausse de la consommation grâce à des actions d'efficacité énergétique (avec un potentiel d'économie évalué « entre 75 et 100 TWh par an » à l'horizon 2035), et de sobriété (qui « permettraient d’économiser jusqu’à 25 TWh en 2035 » avec la poursuite de « gestes simples »), et en augmentant d'autre part fortement la production des filières renouvelables, tout en comptant sur une plus grande disponibilité du parc nucléaire.

Une « accélération importante » de la production d’origine renouvelable

Une « accélération importante » de production est en particulier attendue de la part des énergies renouvelables : au minimum 270 TWh par an en 2035, en incluant l'hydroélectricité, « et, si possible, jusqu’à 320 TWh » par an, contre près de 120 TWh par an à l'heure actuelle. Concrètement, cela implique, hors hydroélectricité, de quadrupler la production provenant des filières solaire photovoltaïque, éolienne terrestre et éolienne offshore, précise RTE.

Pour le solaire photovoltaïque, le rythme de développement « minimal » attendu est de 4 GW par an et celui « souhaitable » à partir de 2027 de 7 GW par an (contre 2,6 GW par an en moyenne en 2021-2022). La production solaire photovoltaïque pourrait dans ces conditions atteindre 80 à 110 TWh en 2035 (contre 18,6 TWh en 2022).

L'éolien terrestre pourrait, en poursuivant le rythme d'installation actuel de ses capacités (+ 1,5 GW par an), produire de l'ordre de 85 TWh par an en 2035 (contre 38,1 TWh en 2022). L'éolien offshore pourrait pour sa part apporter une contribution de 50 à 65 TWh en 2035 (en disposant de 15 à 18 GW de capacités à cet horizon), contre 0,7 TWh en 2022.

En ce qui concerne le nucléaire, « l’enjeu est de retrouver des niveaux de disponibilité et de production nucléaire supérieurs à ceux des dernières années », RTE retenant « une hypothèse prudente et atteignable » de 360 TWh par an à l’horizon 2030-2035 (en intégrant l’EPR de Flamanville). Notons que cette estimation basse retenue par le gestionnaire de réseau permettrait à la filière nucléaire de satisfaire toujours la majorité de la production bas carbone d'électricité en France à l'horizon 2035.

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