Marché européen de l'électricité : quelle réforme pour les « transformations radicales » de demain ?

parue le
Parc éolien d'Haupersweiler en Allemagne.

Parc éolien d'Haupersweiler en Allemagne. (©EnBW/Weltenangler)

La réforme nécessaire du marché européen de l'électricité doit entre autres s'appuyer sur « le déploiement à grande échelle des contrats de long terme », recommande le Conseil d'analyse économique (CAE)(1) dans une note publiée ce 21 mars (consultable en fin d'article).

Le bouclier tarifaire en France à remplacer par des dispositifs « plus incitatifs et plus ciblés »

La crise énergétique a révélé « l’incapacité de l’organisation du marché européen de l’électricité à répondre aux trois défis de la décarbonation, de la sécurité d’approvisionnement et des prix abordables », constatent en préambule les auteurs de la note du CAE(2). Ces derniers jugent en particulier que les différentes mesures prises face à cette crise - pour préserver les factures des consommateurs de hausses brutales difficiles à supporter - « constituent des subventions aux énergies fossiles, incompatibles avec l’objectif de décarbonation » fixé dans l'UE. Ils appellent à ce titre à adapter ces mesures « selon trois principes : la maîtrise de la demande d’énergie, la coordination européenne pour les achats de gaz et la décarbonation ».

Le bouclier tarifaire instauré en France a par exemple « répondu à l'urgence » mais « ce type de politique peu ciblée s’avère très coûteux budgétairement et peu efficace. Sa prorogation dans un contexte de crise durable n’est pas soutenable », juge la note qui appelle à remplacer ce bouclier par des dispositifs « plus incitatifs et plus ciblés » (à l'image des chèques énergie concernant les ménages fragiles).

Une commission d'achat commune pour le gaz, un prix-plancher dynamique pour le CO2

Pour contenir l'impact du prix du gaz sur celui de l'électricité (en raison de la fixation du prix spot selon la logique du « merit order »), les auteurs appellent à coordonner les plans d'approvisionnement en gaz en Europe pour le renouvellement des stocks en prévision de l'hiver 2023, avec la mise en place d'une commission d'achat commune qui pourrait « peser davantage dans la négociation avec les vendeurs ».

La note du CAE rappelle à nouveau l'importance du prix du carbone sur le marché européen dans le cadre de la politique de décarbonation : ce prix est jugé « encore trop bas pour refléter correctement le coût social des émissions » et il est recommandé de fixer un prix-plancher dynamique s'élevant à « a minima 150 €/t CO2 aujourd'hui » (contre 80 à 100 €/t CO2 ces derniers mois).

Un marché de gros « inadapté à long terme », une nécessité « d'étendre le recours aux contrats de long terme »

Les marchés de gros « fonctionnent à court terme mais sont inadaptés à long terme pour satisfaire l’ensemble des objectifs » énergétiques de l'UE, constate la note du CAE. Les auteurs soulignent en particulier que le marché de gros journalier est « incomplet car il n’incite pas aux investissements en technologies bas carbone, faute de produire un signal de long terme crédible qui assurerait à l’investisseur la couverture de ses coûts complets pour des équipements capitalistiques » et « ne permet pas de limiter la volatilité des prix ».

Les auteurs recommandent ainsi de « de s’orienter vers un marché de gros hybride qui resterait fondé sur le marché de gros de court terme mais serait complété par un module contractuel à long terme », avec deux types de contrats d’achat d’énergie : les « contrats pour différence » (CfD) et les « PPA » (pour Power Purchase Agreement). Les CfD sont « déjà très répandus dans les appels d’offres organisant la production électrique éolienne et solaire » en France mais le CAE appelle à les généraliser à « l’ensemble des outils de production décarbonée de long terme, y compris au nucléaire, ainsi qu’aux sources de flexibilité comme les technologies de stockage ».

Réformer le marché européen de l'électricité : schéma récapitulatif de la note du Conseil d'analyse économique

Parmi les autres recommandations du CAE (regroupées dans le graphique ci-dessus), soulignons l'appel des auteurs à une coordination européenne plus globale : chaque État membre est souverain en matière de politique énergétique mais « le manque de dialogue est également dommageable : quand de nouveaux objectifs européens sont conçus, comme 480 GW d’éolien ou 600 GW de solaire en 2030, cela devrait automatiquement donner lieu à la formulation des nouveaux besoins en termes de conditions d’accès aux réseaux et d’interconnexions par exemple ».

Consulter la note « Le triple défi de la réforme du marché européen de l’électricité » du Conseil d'analyse économique (mars 2023).

Sources / Notes

  1. Placé auprès du Premier ministre, le Conseil d’analyse économique (CAE) a pour mission « d’éclairer, par la confrontation des points de vue et des analyses, les choix du gouvernement en matière économique ». Cette instance, composée d’économistes universitaires et de chercheurs reconnus, examine les questions qui lui sont soumises par le Premier ministre et par le ministre chargé de l’économie et peut procéder de sa propre initiative à l’analyse prospective de questions économiques qu’il estime pertinentes pour la conduite de la politique économique du pays.
  2. Dominique Bureau, Jean-Michel Glachant et Katheline Schubert. Leurs réflexions « se situent sur deux horizons : à court terme, dans le contexte de tensions issues de la guerre en Ukraine sur l’approvisionnement et les prix du gaz, et, à moyen terme (2030), dans le cadre d’un marché réformé et du défi de la décarbonation ».

 

 

Sur le même sujet