- Connaissance des Énergies avec AFP
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Les Etats-Unis ont annoncé des sanctions contre deux géants du secteur des hydrocarbures russes, Rosneft et Lukoil, les premières sanctions d'importance prises par Donald Trump contre la Russie depuis son retour au pouvoir.
Voici ce que l'on sait sur ces mesures, leur portée et leurs possibles conséquences économiques et politiques, tandis que l'UE a parallèlement décidé un arrêt total des importations de gaz naturel liquéfié (GNL) russe d'ici à fin 2026.
- Deux groupes stratégiques visés -
Les sanctions américaines impliquent un gel de tous les actifs de Rosneft et de Lukoil aux États-Unis ainsi qu'une interdiction faite à toutes les entreprises américaines de faire des affaires avec ces sociétés.
Rosneft, dont l'Etat russe est l'actionnaire majoritaire, affirme produire environ 40% du pétrole russe. Pour sa part, Lukoil, une entreprise privée, revendique autour de 15% de la production russe d'or noir. Les deux groupes produisent aussi du gaz.
Ils sont des piliers de la rente des hydrocarbures permettant à la Russie de financer la guerre contre l'Ukraine.
Pour cette raison, plusieurs raffineries de Rosneft et de Lukoil ont été endommagées ces derniers mois par des attaques de drones ukrainiens, entraînant d'importantes baisses de production et une hausse du prix de l'essence en Russie.
Les Européens ont également ciblé le secteur pétrolier russe en annonçant mercredi soir un nouveau train de mesures, notamment un arrêt total des importations de GNL russe d'ici à fin 2026 et des mesures contre la "flotte fantôme" de pétroliers que Moscou utilise pour contourner les sanctions.
- Risque de sanctions secondaires -
Lukoil et Rosneft se trouvent désormais sur la liste des entités sanctionnées par les Etats-Unis (SDN list) qui est également en vigueur dans de nombreux autres pays.
Les sociétés travaillant avec ces deux compagnies peuvent être sanctionnées par ricochet, notamment privées d'accès à des banques américaines, négociants, expéditeurs et assureurs qui forment l'ossature du marché des matières premières.
La menace de sanctions secondaires est "très importante" parce que personne ne veut être "privé de relations" avec le secteur bancaire américain, essentiel dans les transactions en dollars, souligne auprès de l'AFP Maia Nikoladze, un expert du centre de réflexion Atlantic Council, basé aux Etats-Unis.
Ces sanctions visent ainsi principalement, selon l'expert russe Alexeï Gromov, à empêcher la Russie et l'Inde, devenue l'un des principaux importateurs de pétrole russe, d'échanger en dollars.
"C'est un coup important qui entraînera des difficultés dans les livraisons de pétrole russe en Inde", affirme à l'AFP M. Gromov, qui est à la tête de l'Institut de l'énergie et des finances, dont le siège est à Moscou.
Cependant, selon lui, ces sanctions n'auront a priori pas d'effet sur le commerce entre la Russie et la Chine, le premier acheteur d'hydrocarbures russes, car leurs transactions ne se font pas en dollars mais en yuans.
Et M. Gromov note que l'Inde pourrait commencer à également payer les transactions en yuans, pour éviter le problème.
Mais "Lukoil et Rosneft ont beaucoup de projets à l'étranger, qui seront affectés car leurs partenaires ne voudront pas travailler dans de telles conditions", a commenté pour sa part l'analyste Georguï Bovt, interrogé par la radio russe BFM.
Selon Alexeï Gromov, les efforts pour contourner ces sanctions entraîneront des "coûts" et, d'après lui, les revenus tirés des hydrocarbures russes vont baisser mais il est trop tôt pour évaluer cette diminution.
- Portée politique et économique -
"Trump a choisi les sanctions économiques plutôt que l'escalade militaire", note Georguï Bovt, après que le président ukrainien Volodymyr Zelensky n'est pas parvenu à le convaincre de lui fournir des missiles de croisière américains Tomahawk au cours de leur rencontre la semaine dernière à Washington.
Mais Donald Trump est allé plus loin que son prédécesseur démocrate Joe Biden, qui avait sanctionné deux compagnies pétrolières russes de moindre envergure, Gazprom Neft et Surgutneftegas, avant son départ de la Maison Blanche.
"Inclure les plus grandes entreprises pétrolières de Russie dans la SDN list, même Biden n'avait pas décidé d'aller jusque-là", relève Georguï Bovt.
"C'est un tournant concernant la pression politique exercée sur la Russie", renchérit auprès de l'AFP Jorge Leon, un analyste du centre de recherche Rystad Energy, qui a son siège en Norvège.
"Nous allons assister à une diminution des achats officiels de brut russe et probablement à une augmentation du trafic commercial de la flotte fantôme russe", estime-t-il.
Prudente, Elisabeth Braw, une experte de l'Atlantic Council, considère quant à elle, s'exprimant auprès de l'AFP, que tant qu'il y aura des économies puissantes à travers le monde qui "veulent faire du commerce avec la Russie", comme la Chine et l'Inde, "nous ne devons pas supposer que les sanctions auront un effet majeur".
De son côté, la porte-parole de la diplomatie russe a assuré que son pays était "immunisé" contre ces pressions économiques, après avoir déjà été soumis ces dernières années à de multiples vagues de sanctions.
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