Contestation de la réforme des retraites : la CGT Énergie sous forte pression judiciaire

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La CGT des électriciens et gaziers, en première ligne lors de la contestation de la réforme des retraites, affronte une rentrée sous forte pression judiciaire, avec en point d'orgue la convocation de son patron Sébastien Ménesplier mercredi à la gendarmerie, une décision "politique" de l'avis de son syndicat et au-delà.

Après des mois de tension sur les salaires, qui ont abouti notamment à la condamnation et aux licenciements de quatre salariés du gestionnaire des lignes à haute tension RTE, la contestation sur les retraites a électrisé l'atmosphère entre le pouvoir et les salariés de l'énergie, qui outre le recul de l'âge légal de départ à 64 ans, déplorent la fin de leur régime spécial de retraite, plus protecteur.

Le responsable syndical, devenu un dirigeant de premier plan de la CGT, est convoqué à la gendarmerie de Montmorency (Val d'Oise) pour "mise en danger d'autrui par personne morale (risque immédiat de mort ou d'infirmité) par violation manifestement délibérée d'une obligation réglementaire de sécurité ou de prudence", dans le cadre d'une enquête diligentée par le parquet de Privas (Ardèche).

Elle fait suite, selon la CGT-Energie, à une coupure de courant opérée le 8 mars, au plus fort de la contestation de la réforme, par ailleurs entrée en vigueur ce vendredi. Dans la ville d'Annonay (Ardèche), fief du ministre du Travail Olivier Dussopt, l'action avait privé de courant plusieurs milliers de foyers. Elle avait été revendiquée par Sébastien Ménesplier qui soulignait sa portée "symbolique". Sollicité à plusieurs reprises par l'AFP, le parquet de Privas n'a pas donné suite. Le ministère de la Transition énergétique n'a pas souhaité commenter.

La secrétaire générale de la CGT Sophie Binet a appelé sur X (ex-Twitter) la Première ministre Elisabeth Borne à "intervenir immédiatement pour mettre fin à ces poursuites" contre M. Ménesplier, qui siège depuis le printemps au bureau confédéral de la centrale syndicale.

Si, comme à chaque fois, le distributeur d'électricité Enedis a porté plainte contre X, "ces entreprises demeurent sous le contrôle des pouvoirs publics", souligne Stéphane Sirot, historien spécialiste des syndicats, professeur à Cergy-Pontoise, pour qui cet élément "politise" cette affaire. "Dans la fédération c'est une première, jamais un secrétaire général n'a été convoqué par la gendarmerie ou la police", a indiqué à l'AFP M. Ménesplier, qui souligne qu'il "n'était pas" à Annonay.

« Durcissement »

Pour Sophie Binet, qui a porté le sujet à l'Elysée, lors d'une entrevue mardi avec Emmanuel Macron, "la répression syndicale franchit un cap gravissime et inédit depuis au moins 50 ans".

L'affaire a ému au-delà des frontières françaises : dans un courrier à Matignon, Esther Lynch, secrétaire générale de la Confédération européenne des syndicats, a condamné "une attaque inacceptable contre les syndicats et les droits syndicaux" et appelé la France à garantir "le respect effectif du droit fondamental des travailleurs à mener des actions pour défendre leurs intérêts".

"Ce n'est pas nouveau, que des agents EDF, RTE ou autre transgressent des règles, simplement à d'autres moments, ça pouvait se régler différemment", note M. Sirot, qui évoque "un durcissement très net des mouvements sociaux" depuis l'arrivée d'Emmanuel Macron au pouvoir.

Outre cette convocation, trois militants de la CGT doivent être jugés le 15 septembre par le tribunal correctionnel de Marseille et deux autres le 21 novembre par le tribunal correctionnel de Bordeaux pour d'autres actions contre la réforme des retraites. L'audition de M. Ménesplier revêt un caractère particulier pour Stéphane Sirot, qui voit un "message assez inquiétant vis-à-vis des organisations syndicales" dans le fait "d'imputer" au premier responsable syndical d'un secteur professionnel un acte commis par un militant.

Mercredi, la CGT appelle les agents électriciens et gaziers à se mettre en grève à 09H00, heure de la convocation, et à un rassemblement devant la gendarmerie, sous la houlette de Sophie Binet. Dans un "état d'esprit offensif, prêt à (se) défendre et à répondre aux questions", M. Ménesplier assure: "Jamais ils n'arriveront à nous calmer" et prévient que "de nombreux sujets vont venir sur le devant de la scène" dans le cadre de la rentrée sociale.

Les prix de l'énergie et plus globalement la question de l'inflation et des salaires promettent d'agiter les semaines à venir, avec en point d'orgue une journée de mobilisation intersyndicale le 13 octobre.

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