Le pétrole, au cœur du bras de fer entre Trump et Maduro au Venezuela

  • Connaissance des Énergies avec AFP
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Drapeau du Venezuela

La multiplication des interventions des États-Unis contre des navires chargés de pétrole vénézuélien menace d'asphyxier l'économie vénézuélienne, tout en alimentant la ritournelle du pouvoir : Donald Trump cherche à renverser Nicolas Maduro pour contrôler les richesses du pays.

Les États-Unis ont déployé une gigantesque flotte militaire dans les Caraïbes pour une opération antidrogue mais qui comprend aujourd'hui des saisies manu-militari de pétrole.

Le président Trump a déclaré que les jours de Maduro étaient "comptés" et a même dit récemment qu'il n'excluait pas une guerre. Maduro "sait exactement ce que je veux. Il le sait mieux que quiconque", a affirmé le président sur la chaîne NBC. Mais que veut-il vraiment ?

Ancien fournisseur

Des années 1920 jusqu'à la nationalisation en 1976, les États-Unis ont exploité le pétrole du Venezuela. De nombreuses raffineries américaines ont été conçues pour traiter le brut tiré du sous-sol vénézuélien. Chevron est aujourd'hui la seule entreprise autorisée à acheminer du pétrole vénézuélien vers les États-Unis, dans le cadre de l'embargo imposé par Trump lui-même en 2019. Il s'agit d'un peu plus de 200 000 barils par jour, a expliqué une source du secteur à l'AFP, qui sont transportés sur des navires non sanctionnés, à l'abri des opérations militaires.

Le premier navire intercepté le 10 septembre, le M/T Skipper, a été conduit aux États-Unis et sa cargaison confisquée. Il transportait 1,9 million de barils, selon Maduro, qui a qualifié l'opération de "piraterie". Le sort du deuxième bateau n'est pas clair et dimanche, un troisième bateau a fait l'objet d'une "poursuite" des gardes-côtes américaines.

M. Trump a ordonné de bloquer les navires "sanctionnés" (par le Trésor américain dans le cadre de la politique de sanctions et d'embargo) mais des analystes avertissent que la mesure est vague et peut affecter tout navire transportant du brut vénézuélien, à l'exception de celui de Chevron.

Le deuxième navire saisi ne figurait pas sur la liste noire des États-Unis, selon des spécialistes. Le navire poursuivi dimanche a été identifié par des médias américains comme le pétrolier Bella 1, sous sanctions américaines depuis 2024 pour ses liens avec l'Iran et le Hezbollah.

La politique n'est pas rigoureuse: certains navires sont passés sans encombre, mais le risque pourrait faire grimper les prix du fret ou éloigner des compagnies maritimes, a indiqué Juan Szabo, consultant et ex-vice-président de la société géante publique Petroleos de Venezuela PDVSA.

Sur une production de quelque 1 million de barils par jour, le Venezuela exporte environ 500 000 barils par jour sur le marché noir, principalement vers l'Asie.

PDVSA assure que les exportations se poursuivent normalement. "S'il y a un véritable blocus, la production s'arrêtera très rapidement comme lors de la grande grève de 2002", a expliqué une source du secteur en référence au mouvement de protestation contre le président d'alors, Hugo Chavez.

Géopolitique

Le Conseil de sécurité des Nations unies a prévu une réunion sur le sujet pour mardi. La pression des États-Unis sur Maduro a commencé en septembre avec des frappes aériennes sur des bateaux de narco-trafiquants présumés, Washington accusant Maduro de participer au trafic de drogue et de faire partie d'un cartel.

Plus de 100 personnes ont été tuées dans les frappes américaines.

Carlos Mendoza Potella, professeur d'économie pétrolière, estime que la "Doctrine Trump" veut que les États-Unis "se réservent l'Amérique".

"Ce n'est pas seulement du pétrole, c'est le partage du monde" avec la Chine et la Russie, a-t-il ajouté.

Crise économique en vue ?

Le blocus met encore plus la pression sur une économie vénézuélienne déjà très malmenée, qui bouclera l'année en hyperinflation.

Les Vénézuéliens ne cessent de parler du déploiement militaire de Trump, mais à voix basse, craignant de finir en prison. Certains espèrent une intervention qui mettra fin à 26 ans de chavisme, d'autres redoutent que l'isolement du pays ne le ramène aux heures sombres de la crise de 2017-2018.

M. Szabo estime que les exportations chuteront de 45% au cours des quatre prochains mois.

"Le revenu net mensuel du Venezuela en mars et avril pourrait atteindre 150 000, 170 000 milliards, ce qui est très, très faible". "Les recettes en devises seront le tiers de ce qu'elles étaient", ajoute-t-il. "Il y aura des effets sur l'importation de biens non pétroliers, la vitesse d'accélération de la dévaluation du bolivar et (...) et un énorme renchérissement" de la vie.

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