Publicité de l'Ademe: les "dévendeurs" ne font pas rire les commerçants à la veille du Black Friday

  • AFP
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A la veille du lancement officiel du Black Friday en France, grand-messe de la consommation à prix cassés, le gouvernement, les commerçants et les associations environnementales s'écharpent autour d'une série de spots télévisés de l'Ademe vantant la déconsommation.

Dans une de ces publicités, un homme tient deux polos en promotion et les jauge, perplexe. Il hèle un vendeur. "Vous prendriez lequel, vous?" L'homme, qui arbore un badge "dévendeur", répond contre toute attente, grand sourire aux lèvres: "Honnêtement? Aucun des deux".

Cette campagne humoristique de l'agence de la transition écologique, qui met en scène des "dévendeurs" au lieu de vendeurs et qui incite les Français à moins consommer, ne fait pas du tout rire les commerçants, qui craignent un impact sur leurs ventes lors de la période cruciale de fin d'année.

Elle est déclinée en plusieurs spots dans le même état d'esprit: des consommateurs sont stoppés net dans leurs achats de produits neufs dans des magasins d'électroménager, de bricolage ou encore sur des sites en ligne.

"Nous demandons à l'Ademe son retrait immédiat, faute de quoi nous envisagerons une action en justice pour dénigrement commercial", ont annoncé l'Alliance du Commerce, l'Union des Industries Textiles (UIT) et l'Union française des industries Mode et Habillement (UFIMH) dans un communiqué conjoint.

"Vous ne pouvez pas savoir le nombre d'appels que j'ai d'enseignes qui se sentent insultées dans un moment essentiel après les crises qu'on connaît", s'est insurgé le directeur général de l'Alliance du Commerce Yohann Petiot, interrogé par l'AFP.

Le très médiatique représentant du leader des supermarchés en France Michel-Edouard Leclerc a fustigé sur X "une publicité déplacée alors que le secteur textile français est à la ramasse". "On peut sûrement faire adhérer à une politique de sobriété sans snober les professionnels qui peuvent en être l'un des moteurs", a-t-il dénoncé.

Le gouvernement est mal à l'aise.

Jeudi, le ministre de l'Économie Bruno Le Maire a jugé "maladroite" la campagne, mais Christophe Béchu, ministre de la Transition écologique, a déclaré refuser de retirer les spots litigieux et "assumer" leur diffusion.

- "Pas déraisonnable" -

Pour M. Le Maire, la campagne de sensibilisation est maladroite "vis-à-vis du commerce, surtout le commerce physique qui se bat et que nous soutenons, particulièrement en centre-ville".

Pour lui, "c'est une façon de faire la promotion indirecte du commerce dématérialisé sur les plateformes", et c'est "regrettable".

Mais Christophe Béchu a dit "assumer" cette campagne: "Aucun des spots ne sera retiré", a-t-il prévenu jeudi sur France Inter.

"Que 0,2% du temps d'antenne publicitaire soit consacré à se demander si tous les achats sont utiles, franchement, vu les enjeux de transition écologique, ça ne semble pas déraisonnable", a-t-il argumenté.

Il a toutefois concédé une certaine "maladresse" dans le choix de la cible: "On aurait dû cibler avec le même message plutôt les plateformes de vente en ligne que les commerces physiques".

L'Union des Industries Textiles (UIT) s'est dite "exaspérée" par le refus de M. Béchu de retirer les spots. Le ministre "ignore une fois de plus les efforts considérables qui sont déployés par les entreprises de notre filière pour rester compétitives tout en respectant des normes environnementales", a-t-elle réagi auprès de l'AFP.

Mouvement Impact France a pour sa part salué une "sensibilisation nécessaire pour transformer notre modèle".

"La sobriété est non seulement la condition sine qua non pour atteindre nos objectifs environnementaux, mais aussi une approche de bon sens pour notre économie et nos commerçants", a estimé le mouvement qui fédère des entrepreneurs de l'économie sociale et solidaire (ESS).

"Car c'est bien la surconsommation massive de produits importés à bas coûts, aux impacts sociaux et écologiques catastrophiques, qui entraîne la fragilisation croissante de notre tissu commercial et industriel", a-t-elle ajouté.

France Nature Environnement a "félicité" l'Ademe, mais aussi, ironiquement, "l'ensemble des associations professionnelles de commerçants pour avoir donné une réelle visibilité à ces publicités" en en demandant le retrait.

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