Sûreté nucléaire: nouvelle bataille à l'Assemblée sur le projet de fusion ASN-IRSN

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La réforme de la sûreté nucléaire fait l'objet de nouveaux débats qui s'annoncent survoltés lundi à l'Assemblée nationale, où le gouvernement a appelé les députés à rétablir un article-clé de son projet controversé de fusion entre l'ASN, gendarme du nucléaire, et l'IRSN, expert technique du secteur.

L'examen du projet de loi a démarré en fin de journée dans l'hémicycle.

Avec d'emblée pour l'exécutif un obstacle de taille à franchir : une "motion de rejet" de l'ensemble du texte, déposée par le groupe indépendant Liot (Liberté, Indépendants, Outre-Mer et Territoires).

"Certains d'entre vous sont systématiquement contre ce qui vient du gouvernement. D'autres sont opposés à la relance du nucléaire. Pour les autres (...) qui considèrent que ce texte est perfectible, je les engage évidemment à rejeter la motion (et) continuer à débattre", a lancé en ouvrant les débats le ministre de l'Industrie Roland Lescure.

En mars 2023, une coalition des députés d'opposition avait réussi à mettre en échec une première fois la fusion des deux organismes de sûreté nucléaire.

La réforme, au coeur d'un nouveau texte dédié cette fois à la sûreté et déjà adopté en première lecture par le Sénat, a essuyé un nouveau revers la semaine dernière à l'Assemblée: l'article-clé instaurant la fusion a été supprimé en commission, dans une atmosphère tendue.

Pour éviter une nouvelle déconvenue, "on a beaucoup travaillé à la mobilisation de la majorité pour ce soir, et des groupes dont on sait qu'ils sont plutôt favorables au texte", a expliqué lundi la ministre des Relations avec le Parlement, Marie Lebec.

- "plus puissant" -

Lors de la séance publique, le camp présidentiel va revenir à la charge et proposer de rétablir l'article phare du texte.

Dans le contexte d'un vaste plan de relance de l'atome, le gouvernement souhaite mettre fin au système dual actuellement en place, en regroupant l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), chargé de l'expertise technique, et l'Autorité de sûreté du nucléaire (ASN), le gendarme des centrales.

Ces deux entités fusionnées formeraient, au 1er janvier 2025, l'"Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection" (ASNR).

L'objectif est de "regrouper les savoir-faire", de "fluidifier" le secteur et de réduire les délais dans les processus d'expertise, d'autorisation et de contrôle.

"Le but de ce rapprochement de créer un collectif plus puissant, plus indépendant, plus transparent, plus attractif", a insisté Roland Lescure lundi soir.

Cette réforme suscite toutefois l'ire des syndicats de l'IRSN et de l'ASN. Elle est aussi combattue par la gauche et des associations environnementales, et suscite des réserves jusque dans la majorité.

Ses détracteurs alertent notamment sur le risque de désorganisation du système, de perte d'indépendance des experts et de transparence à l'égard du public.

- "séparation étanche" -

"C'est un texte issu du chapeau présidentiel" sans fondement, a martelé lundi Gérard Leseul, député socialiste.

Lors d'une conférence de presse avec d'autres élus de gauche, il a fustigé un projet qui "n'a absolument pas l'assentiment des observateurs experts extérieurs et encore moins des experts internes, c'est-à-dire ceux qui seraient en charge de mettre en place la réforme".

Alors que le gouvernement "a mis une pression de dingue sur EDF pour relancer le nucléaire", "est-ce une bonne idée de mettre par terre notre système de sûreté?", a interrogé la députée écologiste Julie Laernoes.

Pour l'Insoumis Maxime Laisney, "on a affaire à une dissolution de l'IRSN dans l'ASN, on veut mettre l'expertise sous le boisseau de la décision". Pourtant, a renchéri son collègue pro-nucléaire Sébastien Jumel (communiste), aucun "organisme extérieur indépendant n'a eu à redire sur l'efficacité du modèle français", basé sur une "séparation étanche".

L'examen du projet de loi, et des plus de 350 amendements déposés, est inscrit jusqu'à mercredi à l'ordre du jour de l'Assemblée.

"L'avenir de la gouvernance des risques nucléaires et radiologiques est entre vos mains", a alerté l'intersyndicale de l'IRSN dans une lettre ouverte aux députés, les exhortant à ne pas exprimer par leur vote une position sur la relance du nucléaire, mais plutôt sur "la sûreté des installations nucléaires et la protection des populations".

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