- Connaissance des Énergies avec AFP
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Dans une salle de contrôle abandonnée de la centrale nucléaire de Tchernobyl, dans le nord de l'Ukraine, un employé coiffé d'un casque orange a les yeux rivés sur un mur gris de cadrans, d'écrans et de jauges qui semble sans fin.
Frappe d'un drone russe en février 2025
C'est là qu'a eu lieu il y a près de quarante ans le lieu du pire accident d'une centrale nucléaire jamais survenu. Et depuis que l'invasion russe a commencé, en 2022, Kiev craint qu'une autre catastrophe n'y soit qu'une question de temps.
En février dernier, un drone russe a percuté et laissé un grand trou dans le Nouveau Confinement de Sécurité (NSC). Une enveloppe externe moderne et de haute technologie devant éviter le rejet de matières radioactives dans l'atmosphère qui remplace un "sarcophage" construit à la hâte afin de recouvrir le cœur détruit du réacteur numéro quatre accidenté en avril 1986.
Dix mois après cette frappe, les travaux de réparation sont toujours en cours et il faudra peut-être encore trois à quatre ans avant que le dôme extérieur ne remplisse à nouveau pleinement son rôle en matière de sécurité, a déclaré le directeur du site, Sergiï Tarakanov, dans un entretien avec l'AFP depuis Kiev.
Incertitudes
Actuellement, "il n'assure pas sa fonction de retenir les substances radioactives à l'intérieur", a-t-il souligné, faisant écho aux préoccupations de l'Agence internationale de l'énergie atomique. On ignorait également si, à la suite de cet incident, ce bouclier pourrait durer un siècle, la période pour laquelle il a été conçue.
Le cratère béant que le drone a laissé dans l'arche, que des journalistes de l'AFP ont vu cet été, a été recouvert d'un écran de protection mais 300 trous plus petits faits par les pompiers dans leur lutte contre l'incendie qui s'est alors déclenché doivent encore être comblés.
Des échafaudages ont envahi l'intérieur de cette structure géante d'un coût de plusieurs milliards de dollars, s'élevant jusqu'au plafond haut de cent mètres. Des débris carbonisés du NSC sont toujours exposés sur le sol, ont constaté des journalistes de l'AFP au cours d'une visite en décembre.
L'armée russe s'est emparée du site de Tchernobyl dès le premier jour de son invasion en février 2022, avant de l'abandonner quelques semaines plus tard. L'Ukraine a accusé à plusieurs reprises la Russie de prendre pour cible ses centrales nucléaires, affirmant que les bombardements russes risquaient de déclencher un nouveau drame.
La « principale menace »
Les Ukrainiens réduisent régulièrement la puissance de leurs installations nucléaires à la suite des attaques russes sur leur réseau énergétique. En octobre, une frappe russe sur une sous-station proche de Tchernobyl a coupé l'alimentation électrique de la NSC.
M. Tarakanov a toutefois affirmé à l'AFP que les niveaux de radiation étaient restés "stables et dans des limites normales". Dans une salle de contrôle moderne, l'ingénieur Ivan Tykhonenko surveille 19 capteurs et unités de détection, contrôlant en permanence l'état du site. Une partie des 190 tonnes d'uranium qui se trouvaient dans la centrale en 1986 "ont fondu, ont coulé dans le réacteur, la salle du sous-réacteur et restent présents", explique-t-il à l'AFP.
Les inquiétudes concernant le sort de Tchernobyl - et ce qui pourrait arriver - sont vives. Une autre attaque russe - ou même un puissant bombardement à proximité - pourrait entraîner l'effondrement de la coque antiradiations interne, insiste auprès de l'AFP M. Tarakanov. "Si un missile ou un drone frappe directement (le site) ou même tombe quelque part à proximité, (...) cela provoquera un mini-séisme dans la région". "Personne ne peut garantir que la structure de protection restera debout après cela. C'est la principale menace", met-il en garde.
