Démantèlement des plateformes pétrolières fixes

Démantèlement plateformes pétrolières

Les plateformes ont une durée de vie moyenne de 20 à 30 ans, à l'issue de laquelle elles doivent être démantelées. (©photo)

Définition

Les réserves exploitables de pétrole offshore représentent plus d’un cinquième des ressources mondiales de pétrole. Elles contribuent pour près d’un tiers à la production pétrolière mondiale. Avec des milliers de plateformes pétrolières fixes réparties dans le monde, dont presque 4 000 dans le Golfe du Mexique, la problématique de démantèlement constitue un enjeu environnemental et économique important, particulièrement dans le cas des grosses structures.

Elle sera ici étudiée dans le cas de figure des plateformes fixes. Celles-ci sont utilisées en mer peu profonde pour exploiter des gisements situés à moins de 300 m, tandis que les plateformes flottantes servent surtout pour l'exploitation de champs pétroliers dans les grands fonds. Une autre fiche est dédiée à la présentation des différents types de plateformes.

Notons que les travaux de démantèlement des plateformes fixes ont déjà commencé (1 000 plateformes ont d’ores et déjà été démantelées) puisque les premières d’entre elles, installées dans les années 1980, ont généralement d’une durée de vie comprise entre 20 et 30 ans.

Fonctionnement technique

Les plateformes fixes, situées dans des profondeurs d’eau inférieures à 300 m, sont constituées de deux parties :

  •  les « topsides » : modules hébergeant le process de traitement du pétrole ou encore les quartiers du personnel ;
  • la « jacket » : base de la plateforme, supportant les topsides et comportant plusieurs piliers (« legs ») ; selon les installations, la jacket peut être constituée de béton (« concrete gravity platform ») ou de métal (« steel-jacket platform »).

Le processus le plus courant de démantèlement concernant les plateformes fixes de type « steel jacket » consiste donc à :

  • nettoyer l’ensemble des topsides ayant servi au process afin d’éviter toute pollution du milieu. Des phases de désamiantage (pour les plus anciennes plateformes, la plupart d’entre elles ayant été construites après l’interdiction de l’amiante), de lavage des cuves et des tuyauteries doivent permettre d’éliminer les résidus de pétrole et de produits chimiques utilisés sur la plateforme. Cette phase de décontamination peut durer plusieurs mois et nécessite une inspection complète et minutieuse de la plateforme. Tous les équipements sont également retirés de la plateforme ;
  • enlever les topsides par morceaux, sous forme de briques, grâce à des barges surmontées de grues. Cette opération est étroitement dépendante des conditions météorologiques et nécessite de nombreux aller-retour des barges entre la plateforme et le site de démantèlement onshore afin de transporter les modules ;
  • sectionner les piliers de la plateforme à leur base (à quelques mètres du fond océanique), grâce à un système de sectionnement sous-marin utilisant le diamant ou des jets d’eau abrasifs haute pression. En cas de démantèlement partiel (en raison d’une impossibilité technique, d’un coût ou d’un risque inacceptables), les installations résiduelles ne doivent pas être situées à une profondeur inférieure à 55 m afin de permettre aux bateaux de naviguer à nouveau et sans danger dans cet espace maritime(1) ;
  • soulever la jacket en une ou plusieurs parties par un système de grues ou bien en utilisant des bouées pour la faire flotter.

Enjeux par rapport à l'énergie

Enjeu technologique

De nombreuses technologies sont aujourd’hui en développement pour faciliter le démantèlement. Le poids de la plateforme est en effet le facteur limitant, puisque les grues ne peuvent soulever qu’un poids limité : quelques milliers de tonnes tandis qu’une plateforme peut peser plusieurs dizaines de milliers de tonnes. Ainsi lorsque la jacket est trop lourde pour la capacité des grues et dépasse par exemple la dizaine de milliers de tonnes, une étape supplémentaire de découpe a lieu afin de pouvoir soulever la jacket par morceaux.

Un temps considérable et donc des coûts considérables (en raison des opérations de découpe et de transport des débris) peuvent être gagnés si la jacket est démantelée en une seule pièce. 

La nouvelle barge, Pieter Schelte, développée par l’entreprise Allseas, est aussi grande que 4 terrains de football, et doit permettre de soulever en une seule pièce une plateforme pétrolière. Sa capacité de levage atteint 48 000 tonnes pour des topsides et 25 000 tonnes pour des jackets. La mise en service de cette barge est prévue pour 2013 et permettra de démanteler plus rapidement les plateformes pétrolières les plus importantes en limitant les coûts liés à la durée des opérations.

Enjeu environnemental

Le démantèlement des plateformes est aujourd’hui nécessaire pour des raisons environnementales : le vieillissement et le délabrement des plateformes peuvent conduire à une pollution locale des eaux. Le maintien de ces plateformes abandonnées en pleine mer peut constituer des obstacles pour le trafic maritime. En 1995, la campagne très médiatisée de Greenpeace contre la décision du groupe Shell de faire couler sa plateforme Brent-Spar en mer du Nord interpelle l’opinion publique et les hommes politiques à ce sujet.

Les plus grandes structures ne sont cependant pas automatiquement démantelées. Elles peuvent, par exemple, être réutilisées en tant que récifs artificiels : dans le Golfe du Mexique, des « rig-to-reef programs » sont créés par les états américains côtiers afin de réutiliser les plateformes abandonnées comme habitats artificiels pour la faune et la flore marine pour favoriser les zones de pêche.

Enjeu réglementaire

En 1958, la Convention de Genève sur le plateau continental impose un enlèvement total des installations offshore après leur exploitation. Une logique de démantèlement partiel se substitue à cette obligation de démantèlement total dans les conventions internationales ultérieures. En 1989, l’Organisation Maritime Internationale (OMI) définit un code de bonnes conduites en matière de démantèlement des plateformes offshore. Elle fixe des règles dans toutes les régions du monde sauf en mer du Nord, zone régie par la décision 98/3 de la convention OSPAR (Oslo-Paris). Concrètement, toutes les plateformes doivent être démantelées en mer du Nord et au moins partiellement dans le reste du monde pour les plateformes de plus de 4000 t (entièrement en dessous du seuil de 4000 t). Les plateformes installées après 1998 doivent pouvoir être complètement démantelées à la fin de leur vie.

Acteurs majeurs

Opérateurs de plateformes

Le démantèlement des plateformes relève de la responsabilité des opérateurs de plateformes tels que Total, BP, Exxon ou encore ConocoPhillips.

Sociétés de service oil&gas

Les équipements utilisés pour l’installation de plateformes (grues, barges, etc.) sont également utilisés pour le démantèlement. De nouvelles sociétés investissent dans des technologies aidant les opérateurs à démanteler leurs plateformes en un temps plus réduit et en limitant leurs coûts.

Exemples de sociétés de service qui interviennent dans le démantèlement :

  • Heerema Marine contractor ;
  • Maersk ;
  • Aker Solutions ;
  • Saipem ;
  • Technip.

Chiffres clés

  • Plus de 3 800 plateformes présentes dans le Golfe du Mexique vont être confrontées à la problématique de démantèlement dans les prochaines décennies. En mer du Nord, près de 450 plateformes pétrolières offshore sont actuellement exploitées par Statoil (Norvège), Shell (Pays-Bas), BP (Royaume-Uni) ou encore Total (France).
  • Chaque plateforme pèse plusieurs milliers de tonnes, parfois plusieurs dizaines de milliers de tonnes pour les plus grandes plateformes en mer du Nord.
  • Les coûts de démantèlement sont très variables d’une plateforme pétrolière à une autre et peuvent se chiffrer à plusieurs centaines de millions d’euros (estimation moyenne de 270 millions d’euros pour une plateforme en mer du Nord)(2). L’usage de barges spécifiques peut coûter près de 100 000 dollars par jour.
  • Le démantèlement d’une grande plateforme dure plusieurs années.

Perspectives

Au-delà du simple démantèlement et du recyclage des débris, de nombreux projets ont été étudiés et développés afin de minimiser les coûts de démantèlement en réutilisant les plateformes comme :

  • des rifs artificiels ;
  • des stations météorologiques ;
  • des centres de recherche ;
  • des lieux de stockage de CO2 pour les champs épuisés ;
  • une plateforme de lancement de fusée dans le cas du projet Sea Launch piloté par Boeing (une ancienne plateforme située en mer du Nord a été déplacée vers les îles Caiman pour servir de base de lancement(3).

Concrètement

Les premières plateformes pétrolières à avoir été démantelées en mer du Nord sont celles du champ gazier Frigg dont la production a cessé en 2004 :

  • opérateur : Total ;
  • production : gaz ;
  • durée de production : 27 ans ;
  • durée de démantèlement : 10 ans :
  • métal recyclé : 85 000 tonnes ;
  • utilisation du plus grand vaisseau grue (crane vessel) au monde : le Saipem 7000.

Pour démolir les plateformes de son champ Frigg, Total a signé un contrat de 10 ans avec l’entreprise de démantèlement Aker Kvaerner (désormais Aker Solutions) pour un montant total de 500 millions de dollars.

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