COP27 : trois avancées sur les financements et un « mauvais débat »

Christian de Perthuis

Professeur d’économie à l’université Paris-Dauphine - PSL

Fondateur de la Chaire Économie du Climat

Au terme d’âpres négociations, les pays réunis à la conférence climat de Charm el-Cheikh (6-18 novembre 2022) sont parvenus à un accord sur la question des financements climatiques, via la création d’un fonds « pour pertes et dommages ».

Dans sa décision finale(1), la COP27 ouvre ainsi la perspective d’un élargissement des transferts financiers des pays riches vers les pays moins avancés. En l’absence de tels transferts, il n’y a pas de chemin praticable vers les « 1,5 °C », la cible ultime introduite par l’Accord de Paris.

Avec cette question des financements au centre des négociations, la COP27 de Charm el-Cheikh promettait un bras de fer entre le Nord et le Sud(2). Elle n’a pas déjoué les pronostics et l’Afrique, fortement représentée (avec 2,3 fois plus de délégués qu’en 2021), y a donné de la voix.

Cette polarisation des débats entre pays riches et ceux moins avancés ne doit pas toutefois faire oublier le rôle crucial des pays émergents (la Chine, l’Inde, le Brésil, l’Indonésie, etc.) pour affronter le réchauffement global. Ce groupe de pays contrôle en effet plus de 60% des émissions mondiales de gaz à effet de serre(3). C’est de lui que dépend au premier chef la décrue de ces émissions.

Évolution des émissions de gaz à effet de serre par grands groupes de pays en fonction de leur développement

L’élargissement des financements

Obtenue à l’arrache durant les deux derniers jours de la conférence, la décision finale de la COP27 va élargir les financements climat de trois façons principales.

Primo, la COP27 a entériné le principe d’un mécanisme dédié au financement des pertes et dommages. C’est une victoire, imposée par les pays moins avancés et les États insulaires qui ont rompu le front uni des pays riches. Elle a été facilitée par la médiation de l’Union européenne, plus ouverte que les États-Unis sur la question. Reste à négocier le détail du dispositif, notamment le périmètre des donateurs (positionnements des pays émergents ?) et les règles conditionnant l’accès à ces nouveaux financements.

Secundo, les pays se sont entendus pour accroître les financements climat traditionnels, notamment ceux au titre de l’adaptation, avec un accent sur l’agriculture pour faire face à l’insécurité alimentaire. Ces financements additionnels doivent permettre de dépasser les 100 milliards promis en 2009.

Tertio, les deux mécanismes de l’article 6 sur les marchés carbone constituent une troisième source de financement. Celui concernant les États (article 6.2) peut déjà être utilisé, des pays comme le Japon et la Suisse étant prêts à financer par ce biais des réductions d’émission dans d’autres pays. Il faudra attendre 2024 pour que les acteurs privés puissent accéder à ce type de marché (article 6.4), ce qui facilitera la mobilisation des capitaux privés sans laquelle il ne peut y avoir de changement d’échelle des financements climatiques internationaux.

D’autres leviers ont été évoqués sans qu’un consensus permette de les inclure dans les décisions de la COP. Le plus puissant serait la création d’une ressource dédiée, assise sur la taxation des énergies fossiles, ou mieux celle des émissions de CO2.

Le mauvais débat sur le 1,5 °C

L’inscription de l’objectif de limitation du réchauffement planétaire à 1,5 °C relativement à l’ère préindustrielle avait constitué une victoire des pays moins avancés et des petits États insulaires qui en avaient fait, en 2015 à la COP21, une condition de leur adhésion à l’Accord de Paris.

Paradoxalement, la question du 1,5 °C est redevenue un objet de débat au moment où ces pays ont obtenu une seconde victoire dans la négociation. Selon certains, le 1,5 °C serait irréaliste, au dire même des scientifiques. Un point à clarifier.

Dans tous les scénarios climatiques analysés dans le 6e rapport du GIEC paru en 2021-2022, on atteint un réchauffement de 1,5 °C d’ici une à deux décennies, pour être ensuite légèrement dépassé. En aucune manière, cela signifie que l’objectif de 1,5 °C est inatteignable. Cela implique en revanche de prolonger les réductions d’émission une fois la neutralité climatique atteinte, pour passer en régime d’émissions négatives et faire retomber ensuite la hausse du thermomètre à 1,5 °C.

Ce mauvais débat sur le 1,5 °C a pollué les discussions sur les actions d’atténuation. En dépit de l’annonce de quelques pays à Charm el-Cheikh, la COP27 n’a pas apporté d’impulsion nouvelle pour accélérer la baisse des émissions.

Qu’attendre des prochains rendez-vous climatiques ?

Si la COP27 n’a pas apporté de changements radicaux, elle a levé un obstacle de taille à l’accélération de l’action climatique en désamorçant les contentieux qui s’accumulaient sur les financements.

Durant les deux prochaines années, le premier bilan quinquennal de l’Accord de Paris sera réalisé. C’est une étape déterminante pour la construction d’un dispositif de monitoring et reporting qui est encore trop lacunaire.

Le prochain rendez-vous en 2024 aux Émirats arabes unis, situés à quelques encablures à l’est de Charm el-Cheikh, sera une excellente occasion d’apprécier à quel rythme doit s’opérer le retrait des énergies fossiles pour rejoindre une trajectoire de 1,5 °C. Une inconnue majeure à cet horizon concerne l’évolution de la guerre en Ukraine qui a dopé à court terme les investissements dans l’extraction et le transport du gaz d’origine fossile.

Le rendez-vous de 2025 pourrait se situer en Amazonie, à l’invitation de Lula, nouvellement élu à la tête du Brésil, qui a affiché l’ambition d’une déforestation zéro tout en maintenant intact le potentiel de production alimentaire de son pays. Un tel rendez-vous permettrait de donner toute sa place à l’agriculture et la forêt et de mieux rattacher la question climatique à celle de la protection de la biodiversité

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Commentaire

Daphné

Sur l'effet de serre dû aux pays émergents et industrialisés: La question se pose : que vont faire les pays non responsables de l'augmentation de l'effet de serre avec l'argent qui va leur être octroyé à tiitre de compensation? Vont-ils iinvestir cet argent dans les EnR, comme les éoliennes, les panneaux PV, le biogaz ou la biomasse ? Ou bien investir dans l'épuration et la désalinisation de l'eau ( avec un système de récupération du sel solide pour éviter la toxicité de la saumure)?Ou bien investir dans la reforestation à grande échelle? Auront-ils les moyens de peser sur les entreprises dévastatrices délocalisées chez eux responsables d'une pollution anarchique épouvantable des eaux et des terres ?
Sur le débat du 1,5° : Les pays moins développés ne sont pas responsables. Ils ne peuvent que demander aux autres de bien vouoir faire le nécessaire pour leur éviter des catastrophes climatiques.

En un mot, tout cet argent promis est-il vraiment donné? à qui? pourquoi faire?Et son usage et les investissements vraiment contrôlés? On peut aussi se demander ,au vu de l'endettement faramineux de certains pays industrialisés si ces financements ne seraient pas mieux placés pour les aider à changer leur systèmes énergétiques afin qu'ils réduisent leur pollution plutôt que de faire de la pollution carbonée un gigantesque marché et de financer les conséquences plutôt que les causes?

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