Le Kazakhstan, une puissance énergétique méconnue dans un environnement incertain

Dominique Menu

Membre de la commission Eurasie des Conseillers du Commerce extérieur
Près de quarante ans de carrière dans la banque, dont une trentaine d’années passées dans les pays de l’ex-URSS et de l’ex-Yougoslavie.

L’annonce du départ de Nursultan Nazarbaïev en mars dernier, après 28 années passées à la tête du Kazakhstan, a propulsé ce pays à la une de l’actualité. L’intérim est assuré par le président du Sénat Kassym-Jomart Tokaïev, qui se présente au nom du parti au pouvoir Nur Otan. Si nul ne doute que ce dernier sera élu au premier tour le 9 juin, son score sera scruté par les analystes politiques car Nursultan Nazarbaïev garde un rôle actif en raison de son statut de « Premier Président » ou « Leader de la Nation » (en kazakh « Elbassy »).

En effet, avant de démissionner, l’ancien Président a créé une « Chancellerie du Premier Président » dotée de son propre budget et n’a depuis cessé ni ses rencontres à haut niveau, ni ses visites au Kazakhstan ou à l’étranger. Cet équilibre politique et institutionnel singulier suscite de nombreuses interrogations au sein des élites kazakhstanaises que j’ai pu rencontrer en mai tant à Almaty qu’à la capitale Nur-sultan (ex-Astana). Elles semblent en effet hésiter sur leurs choix en matière de positionnement personnel vis-à-vis de l’un et de l’autre des deux Présidents.

De par l’importance de ses réserves de pétrole, de charbon et d’uranium, le Kazakhstan – neuvième plus grand pays du monde par sa superficie – joue un rôle non négligeable sur le marché de ces matières premières. Depuis l’indépendance en 1991, son développement a été intrinsèquement lié à sa capacité d’attirer les investisseurs étrangers, notamment américains, pour exploiter ses champs d’hydrocarbures dont les caractéristiques techniques complexes nécessitaient l’intervention et l’expertise de compagnies occidentales. Pour présenter ce développement et mieux cerner les choix stratégiques auxquels le Kazakhstan est confronté, partons de l’analyse des ressources en énergie et des infrastructures de ce pays.

Les données publiées par le ministère de l’Économie Nationale du Kazakhstan permettent de souligner le rôle économique majeur du pétrole, celui-ci représentant plus de 80% de la production de la catégorie « mines et extraction » ci-dessous.

Produit intérieur brut20142015201620171S20171S2018
Production de biens14 893 90214 540 58017 161 28319 425 2747 853 5829 483 735
dont mines et extraction5 892 7725 170 5686 047 7277 244 8313 238 8174 189 830
dont industrie4 093 8494 201 0125 321 8975 944 8912 560 7572 992 380
Services21 757 67024 243 32127 176 30330 493 00912 186 43113 515 062
Total39 675 83340 884 13446 971 15053 101 28221 546 27024 857 119

La catégorie « mines et extraction » inclut le pétrole, le gaz naturel, le charbon, le lignite, les métaux et autres produits miniers. La catégorie « industrie » inclut la production de produits pétroliers, de coke et d'industries diverses. (source : ministère de l'Économie Nationale du Kazakhstan)

Principale source de recettes d’exportation, de réserves de change, de recettes fiscales et d’investissements directs étrangers (IDE), le secteur pétrolier et gazier revêt une importance stratégique dans l’économie kazakhstanaise. Les exportations de produits minéraux ont en moyenne représenté 75% du total des exportations du Kazakhstan entre 2013 et 2018, celles de l’énergie (pétrole, gaz, électricité et charbon) presque 70% et le pétrole à lui seul plus des deux tiers.

Selon le Bulletin statistique annuel pour 2019 publié par l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP), le Kazakhstan se situe au 12e rang mondial en matière de réserves pétrolières et au 22e rang pour les réserves gazières. Au 30 juin 2018, 216 contrats d’exploitation des ressources hydrocarbures du sous-sol y étaient enregistrés.

L’augmentation de la production pétrolière du Kazakhstan a été le résultat d’un afflux d’investissements étrangers dans le secteur depuis 1991.

Créée en 2012 pour représenter les intérêts de l’État dans le secteur pétrolier et gazier, la compagnie nationale JSC NC KazMunayGas (« KazMunayGas ») possède plusieurs filiales, dont KMG Exploration and Production (opérateur amont), KazMunaiTeniz (société d’exploitation des gisements sous-marins de pétrole et de gaz), KazTransOil (opérateur d’oléoducs) et KazTransGas (opérateur de gazoducs). KazMunayGas détient des participations dans les champs de Kashagan (16,8%) et de Tengiz (20%), des intérêts à hauteur de 15% à 100% dans de nombreux projets terrestres et possède au moins 50% de la plupart des projets en mer.

L’augmentation de la production pétrolière a été le résultat d’un afflux d’investissements étrangers dans le secteur pétrolier kazakhstanais depuis 1991. L’investissement international s’est opéré sous la forme de joint-ventures, y compris avec KazMunayGas, ainsi qu’à travers des accords de partage de production et des concessions d’exploration.

Fondées sur le système en vigueur dans l’ancienne Union Soviétique, les méthodes de classification des réserves pétrolières et gazières adoptées par le Kazakhstan présentent des différences notables par rapport aux normes internationales. Les réserves déclarées ne correspondent ainsi pas nécessairement aux réserves économiquement exploitables.

Pétrole

Deuxième plus important producteur au sein de la CEI (Communauté des États indépendants) derrière la Russie, le Kazakhstan dispose des plus importantes réserves de pétrole brut récupérables de la région de la mer Caspienne. Selon le BP Statistical Review of World Energy de juin 2018(1), ses réserves prouvées s’établissaient à fin 2017 à environ 30 milliards de barils de pétrole, soit 1,8% des réserves mondiales prouvées (avec une capacité de production de 86,9 millions de tonnes, soit 2% de la capacité de production mondiale). Précisons que le Kazakhstan avait rejoint en 2016 l’accord OPEP+ et entrepris de réduire sa production.

Tengiz, Karachaganak et Kashagansont les plus importants champs pétrolifères du pays :

  • le gisement de Tengiz, découvert en 1979, se situe dans dans la région d’Atyrau à proximité de la côte nord-est de la mer Caspienne (partie sud-est du bassin de la pré-Caspienne). C’est un gisement que les Soviétiques n’avaient pu développer par manque de savoir-faire à l’époque. Mis sur pied en 1993 pour exploiter ce champ pétrolifère, le consortium Tengizchevroil(2) a aujourd’hui comme actionnaires Chevron (50%), ExxonMobil (25%), KazMunayGas (20%) et LukArco (5%).

    Les réserves récupérables du gisement de Tengiz sont estimées entre 750 millions de tonnes (5,5 milliards de barils) et 1 100 millions de tonnes (8,1 milliards de barils). Depuis 2013, trois projets ont été conçus pour maintenir la capacité de production sur les installations existantes, accroître l’efficacité et la fiabilité des installations, augmenter la production totale journalière de 250 000 à 300 000 barils équivalent pétrole et maximiser les taux ultimes de récupération du réservoir. Les décisions finales d’investissement et de financement ont été prises entre février 2014 et juillet 2016. Les investissements dans cette deuxième phase du développement de Tengiz devraient s’élever à 38 milliards de dollars US et sa mise en œuvre devrait permettre de porter la capacité de production du champ de Tengiz à 39 millions de tonnes de pétrole brut par an d’ici 2022 (contre 26 Mt/an à l’heure actuelle).
     
  • le gisement de Karachaganak (« KOGCF ou Karachaganak Oil and Gas Condensate Field »), situé dans le nord-ouest du Kazakhstan non loin de la frontière avec la Russie, est l’un des principaux gisements au monde de pétrole et de condensats de gaz naturel. Découvert en 1970, il couvre environ 280 km² et contient plus de 1,2 milliard de tonnes de pétrole et de condensats de gaz et plus de 1,3 trillion de m³ de gaz. Ce gisement se trouve actuellement dans la 2e phase de son développement commercial (phase 2M). Il est la propriété de Karachaganak Petroleum Operating B.V. (« KPO »)(3), un consortium composé de BG Group – racheté par Royal Shell en 2016 – (29,25%), ENI (29,25%), Chevron (18%), Lukoil (13,5%) et KazMunayGas (10%), qui a conclu avec le gouvernement un accord de partage de la production sur 40 ans.

    La production d’hydrocarbures liquides de ce gisement avoisinait les 12 millions de tonnes en 2018. En 2017, la production journalière nette de Karachaganak s’établissait en moyenne à 34 246 tonnes de pétrole et de condensats de gaz et à 51,7 millions de m³ de gaz naturel. La majorité des exportations transite via le pipeline CPC (Caspian Pipeline Consortium) vers la mer Noire. Les liquides non exportés par pipeline sont vendus sous forme de condensats sur les marchés locaux et russe. Le développement futur du gisement de Karachaganak fait l’objet d’investissements très importants visant premièrement au maintien de la production actuelle, puis dans un deuxième temps à son expansion (Karachaganak Expansion Project). Le niveau de la production d’hydrocarbures liquides doit être ainsi maintenu dans la fourchette des 10 à 11 millions de tonnes par an, son expansion étant censée permettre de traiter environ 4 milliards de m³ de gaz supplémentaires par an (qui seront injectés dans le réservoir afin de maintenir le niveau de la production d’hydrocarbures liquides).
     
  • le gisement offshore de Kashagan, découvert en 2000, est situé sur le plateau continental à proximité d’Atyrau (nord de la mer Caspienne). Avec des réserves exploitables estimées entre 7 et 9 milliards de barils de pétrole, Kashagan est considéré comme le plus important champ pétrolifère et gazier au monde découvert au cours de ces vingt dernières années. Les actionnaires actuels du projet Kashagan (« NCOC ou North Caspian Operating Company »)(4) sont KazMunayGas (16,8%), Shell (16,8%), Total (16,8%), ENI (16,8%), ExxonMobil (16,8%), CNPC (8,4%) et Inpex (7,6%). L’exploitation du pétrole de Kashagan est rendue extrêmement complexe en raison d’un taux très élevé en soufre et d’une pression de 700 bars, sans compter des conditions climatiques dantesques. En conséquence, la première phase de ce projet a nécessité des investissements gigantesques de l’ordre de 55 milliards de dollars.

    L’exploitation du pétrole de Kashagan avait démarré en septembre 2013, pour être quasiment immédiatement interrompue en raison de problèmes d’étanchéité des gazoducs acheminant la production vers l’usine de désulfuration de Bolashak construite sur la terre ferme. Elle a pu reprendre fin septembre 2016, et s’est élevée à 8,29 millions de tonnes en 2017 et 6,2 millions de tonnes au premier semestre 2018. L’opérateur de Kashagan cherche actuellement à accroître la capacité de production du gisement pour la porter à 450 000 barils/jour (soit 57 millions de tonnes par an).

Notons qu’en raison des investissements réalisés par Chevron et ExxonMobil, les États-Unis occupent a priori la première place parmi les investisseurs étrangers au Kazakhstan.

Carte mer Caspienne
Le pétrole et le gaz dans la région de la mer Caspienne (©U.S. EIA)

Malgré la baisse de la demande mondiale en pétrole brut dans le sillage de la crise financière internationale, la production totale de pétrole et de condensats de gaz au Kazakhstan s’est maintenue autour de 80 millions de tonnes par an entre 2013 et 2016(5) et a atteint 86,2 millions de tonnes en 2017. Au premier semestre 2018, elle s’est élevée à 45,2 millions de tonnes.

En 2017, les principaux importateurs de pétrole kazakhstanais ont été européens, la France en tête.

Le Kazakhstan exporte la majeure partie de sa production pétrolière. Depuis 2000, il a enregistré une augmentation significative de ses exportations de pétrole brut qui transitent principalement par pipelines, via la Russie, vers les ports de la mer Noire à destination des marchés internationaux. Les principales compagnies pétrolières du Kazakhstan – les consortiums Tengizchevroil et KPO – représentent à eux seuls 60% environ du volume total des exportations de pétrole du pays selon le ministère de l’Énergie.

Exportations de pétrole et de gaz de la Caspienne
Les routes d'exportation pour le pétrole et le gaz dans la région de la mer Caspienne (©U.S. EIA)

La mise en service du pipeline CPC en 2001 a nettement accru les capacités d’exportation du Kazakhstan. En 2017, le pays a exporté 69,8 millions de tonnes de pétrole, soit 80,9% de sa production totale(6) (et 36,5 millions de tonnes au 1er semestre 2018, soit 80,9% de sa production). En 2017, les principaux importateurs (en volume) de pétrole kazakhstanais ont été européens, la France en tête.

Destinations pour le pétrole kazakhstanais
Destinations des exportations de pétrole brut du Kazakhstan (© Connaissance des Énergies d'après U.S. EIA)

Gaz naturel

Selon BP Statistical Review of World Energy de juin 2018, le Kazakhstan disposait à fin 2017 de 0,6% des réserves mondiales prouvées en gaz naturel. Celles-ci se trouvent pour l’essentiel dans l’ouest du pays, à proximité de la mer Caspienne (29,7% des réserves prouvées étant concentrées dans le champ de Karachaganak). Le champ d’Amangeldy, près de Zhambul (sud du pays) constitue un autre gisement important de gaz naturel.

La production totale de gaz naturel du Kazakhstan s’est élevée à 52,9 milliards de m³ en 2017(7). Sur le premier semestre 2018, les données préliminaires font état de 28 milliards de m³ de production.

Au Kazakhstan, le gaz naturel est dans sa quasi-totalité du gaz associé, c’est-à-dire qu’il remonte avec le pétrole. C’est la raison pour laquelle plusieurs champs réinjectent des quantités importantes de gaz dans le sol afin de conserver la pression pour l’extraction du pétrole. À long terme, le gaz peut être récupéré après épuisement de celui-ci.

Le gaz associé qui n’est pas réinjecté est brûlé (« torché ») mais le gouvernement a exigé des producteurs une réduction de leurs niveaux de « torchage » à partir de 2005. Depuis l’introduction de ces mesures, les volumes torchés ont été réduits des deux tiers entre 2006 et 2017 alors que la production de pétrole est passée de 64,9 millions de tonnes en 2006 à 80,8 millions de tonnes en 2017, et la production de gaz de 27 milliards de m³ à 52,9 milliards de m³ sur la même période.

Le développement de l’industrie pétrochimique pour la production de polyéthylène et de polypropylène à partir de gaz associé constitue une autre priorité de l’État, à l’image du projet KLPE développé en joint-venture entre la compagnie kazakhstanaise United Chemical Company, le fonds d’investissement Mudabala d’Abu Dhabi et Bolearis.

Le gouvernement privilégie le gaz plutôt que le charbon pour le développement du chauffage urbain et autres usages domestiques.

Le Kazakhstan possède deux réseaux de distribution distincts pour le gaz naturel : l’un dans l’ouest dessert les champs opérationnels du pays, l’autre dans le sud assure principalement la livraison de gaz naturel, souvent importé, aux régions du sud, dont Almaty.

Le gouvernement privilégie le gaz plutôt que le charbon pour le développement du chauffage urbain et autres usages domestiques. Il a donc adopté le Plan général pour la gazéification de la République du Kazakhstan qui prévoit que 56% de la population ait accès au gaz naturel d’ici à 2030, contre 47,7% à l’heure actuelle. Deux projets majeurs qui concernent la région de Nur-sultan (ex-Astana) et les régions septentrionales du Kazakhstan sont en cours de construction.

Depuis 2012, soucieux de répondre aux besoins en gaz du pays, l’État se réserve un droit de préemption en cas de cession de tout actif gazier actuellement détenu par une entreprise privée. Précisons enfin qu’en 2014, le gouvernement a approuvé un programme permanent – le « Concept pour le développement du secteur gazier jusqu’en 2030 » – dont les mesures incluent entre autres un projet pilote portant sur l’extraction de méthane houiller dans la région de Karaganda et sur l’identification de champs gaziers susceptibles de recevoir des installations de production de gaz liquéfié, d’huiles synthétiques et de méthanol ou qui peuvent être connectés aux centres de captage d’un opérateur national.

Électricité, charbon et nucléaire

En 2017, la production électrique du Kazakhstan, provenant de 128 centrales, a atteint 102,3 TWh. Ce volume se répartit comme suit : les centrales « thermiques » (principalement charbon) ont produit 82,4 TWh (80,5% de la production électrique totale) ; les centrales hydroélectriques 11,1 TWh (10,9%) ; les centrales à gaz 8,4 TWh (8,2%) ; les éoliennes 300 GWh (0,3%) et les centrales photovoltaïques 90 GWh (0,1%).

À fin 2017, la capacité installée totale du parc électrique au Kazakhstan était de 21 673 MW et la capacité de production réellement disponible de 18 791 MW (la différence entre ces deux valeurs étant due à l’âge et à la vétusté de certains actifs et aux pertes liées au système de transport).

Au premier semestre 2018, la production d’électricité a atteint 54,7 TWh et la consommation 51,5 TWh. Les exportations s'élèvent à environ 5,7% de la production d’électricité totale et ont pour principales destinations la Russie, l’Ouzbékistan et la Kirghizie. Dans la mesure où le réseau de transport et de distribution de l’électricité était intégré au réseau électrique de l’ancienne URSS, le Kazakhstan doit adapter et compléter son réseau pour l’unifier sur l’ensemble du pays. Le pays importe encore de l’électricité pour alimenter ses zones ouest et sud.

Les centrales « thermiques » du Kazakhstan, notamment les plus grandes (Ekibastuzskaya GRES-1, Ekibastuzskaya GRES-2, Aksu GRES et Zhambylskaya GRES) sont principalement alimentées au charbon. En matière de réserves prouvées de charbon, le Kazakhstan se situe au 8e rang mondial selon le BP Statistical Review of World Energy, avec 25,6 milliards de tonnes à fin 2017 (soit 2,5% des réserves mondiales). En matière de production de charbon, le Kazakhstan se classe au 10e rang mondial avec 111,1 Mt en 2017 et 29,9 Mt au premier trimestre 2018(8). Il compte 10 bassins d’anthracite et de lignite, et plus de 300 gisements explorés, situés principalement dans les régions de Karaganda (60% du total), Pavlodar (20% du total) et Kostanaï. Avec une superficie de plus de 3 600 km², le bassin houiller de Karaganda est le plus vaste du Kazakhstan, suivi du bassin d’Ekibastuz situé entre les plaines de Saryarka et de Priertysskoy.

Le réseau national de transport d’électricité est un maillage complexe de sous-stations et de centres de distribution qui relie des lignes électriques de 0,4 à 1 150 kV. Il constitue la base du réseau électrique unifié du Kazakhstan et assure les connexions entre les différentes régions et avec les systèmes électriques des pays limitrophes (Russie, Kirghizie et Ouzbékistan), ainsi que le transport d’électricité entre les centrales et les consommateurs sur le marché de gros.

Réseaux électriques Kazakhstan
Les différents réseaux électriques du Kazakhstan (©medium.com)

Le gestionnaire du réseau – l’entreprise publique Kazakhstan Electricity Grid Operating Company (« KEGOC ») – est propriétaire des sous-stations, appareillages de connexion, lignes interrégionales et transfrontalières, ainsi que des lignes provenant des centrales, à 220 kV ou plus, qui constituent le réseau national de transport d’électricité. En vertu des procédures établies par l’Agence des monopoles naturels, le gestionnaire du réseau KEGOC, les compagnies électriques régionales et d’autres organismes qui détiennent les réseaux électriques sont tenus de garantir à tous les participants un libre accès au marché de l’électricité. Les acteurs du marché de gros disposent également d’un accès illimité au réseau national de transport d’électricité pour leurs opérations. La gestion du marché de gros est assurée par JSC « Kazakhstan Electricity Market Operator of Energy and Power » (KOREM) en qualité de gestionnaire centralisé et par KEGOC comme gestionnaire du réseau électrique unifié du Kazakhstan.

Le Kazakhstan compte pour environ 40% de la production mondiale d'uranium naturel et possède les deuxièmes plus importantes réserves.

En matière d’uranium, le Kazakhstan occupe la position de leader mondial avec environ 40% de la production mondiale en 2017 et possède les deuxièmes plus importantes réserves mondiales (estimées à environ un milliard de tonnes). La production d’uranium du Kazakhstan a atteint 23 391 tonnes en 2017(9). En 2017, le volume exporté (sous forme de concentré) – à l’exclusion du complexe minier et chimique intégré de Stepnogorsk –s’élevait à 23 200 tonnes, et l’entreprise publique JSC National Nuclear Company Kazatomprom (producteur d’uranium) et ses filiales ont produit 12 134 tonnes d’uranium.

Kazatomprom exploite 26 bassins regroupés en 13 centres de traitement, tant en direct que par le biais de nombreuses filiales en joint-venture. Notons particulièrement KATCO avec le français Orano (ex-Areva) qui exploite le site de Muyunkum, la plus grande mine d’uranium « ISR » (In Situ-Recovery) au monde. Cette technologie de récupération in situ permet d’extraire l’uranium à faible teneur de façon économique et avec peu d’impact sur l’environnement. Un autre accord pour développer le projet de South Tortkuduk a été signé en 2017 par KATCO. D’autres joint-ventures ont été conclues avec CAMECO, compagnie canadienne, Rosatom, KANSAI, SUMITOMO, et la société chinoise CGNPC.

Un projet de production de combustible nucléaire est en cours de réalisation avec CGNPC selon la technologie fournie par Framatome. Les exportations de Kazatomprom représentent 50% de ses revenus (la Chine comptant pour plus de 60% de ces exportations). En sous-produits, Kazatomprom vend également du béryllium, du tantale et du niobium qui comptent parmi les métaux rares.

Aujourd’hui, le Kazakhstan ne possède plus de capacité active de production d’énergie nucléaire : son unique centrale – le réacteur à neutrons rapides au sodium (SFR) BN-350 situé dans la région Mangystau près d’Aktau – a cessé son activité en 1999 après 26 années d’exploitation et a été mis hors service en 2001. Cependant en 2014, compte tenu de l’importance de la production d’uranium, le Président Nazarbaïev a demandé au gouvernement de créer la société JSC Nuclear Power Plants qui, en collaboration avec Kazatomprom, prépare une étude de faisabilité portant sur la construction de deux centrales nucléaires. : la première serait prévue près de la ville de Kurchatov, au sud-est de Pavlodar sur la rivière Irtych (nord-est du pays), la seconde près de la ville de Balkash, située sur le lac du même nom dans la province de Karaganda (au sud du pays). Leur construction devrait démarrer après 2025. Un accord préliminaire a été signé en ce sens avec la société russe Rosatom.

Le Kazakhstan : une stratégie à la merci de ses grands voisins ?

La Kazakhstan, qui s’enorgueillit à juste titre de la présence sur son sol de 99 des 100 éléments de la table de Mendeleïev, est donc naturellement positionné comme exportateur de ces matières premières. Or, il souffre de son enclavement entre ses deux voisins très puissants du nord et de l’est que sont la Russie et la Chine, et ses cousins centre-asiatiques de Kirghizie, d’Ouzbékistan et du Turkménistan.

De plus, sa superficie est égale à cinq fois celle de la France pour une population de seulement 18 millions d’habitants dispersée sur ses pourtours. Héritier d’infrastructures réalisées pendant la période soviétique, le pays doit supporter des coûts colossaux pour à la fois les moderniser et les intégrer sur son vaste territoire. Il lui faut donc impérativement composer avec ses voisins pour exporter ses matières premières, lesquelles subissent des coûts de transport importants liés à leur éloignement des ports de la mer Noire.

L’actualité récente ne peut que susciter des interrogations au sein des élites kazakhstanaises. Au moment où deux sénateurs américains dévoilent leurs projets de sanctions liées à Nordstream 2, la Russie interdit l’exportation de pétrole brut, de GPL et de charbon vers Ukraine, bloquant ainsi celles en provenance du Kazakhstan. Par ailleurs, alors que le Président biélorusse annonce des élections pour 2020, une décision mal acceptée semble-t-il à Moscou, du pétrole frelaté en provenance de Russie contamine l’oléoduc Druzhba qui alimente le Belarus, la Pologne et l’Allemagne.

Écartelé entre les États-Unis comme premier investisseur, l’Europe comme premier client et ses voisins russe et chinois, le Kazakhstan a-t-il d’autre choix que de ménager les uns et les autres ?

Sources / Notes

  1. BP Statistical Review of World Energy, juin 2018.
  2. www.tengizchevronoil.com
  3. www.kpo.kz
  4. www.ncoc.kz/en
  5. La production totale de pétrole et de condensats de gaz du Kazakhstan a atteint 81,8 millions de tonnes en 2013, 80,8 millions de tonnes en 2014, 79,5 millions de tonnes en 2015 et 78 millions de tonnes en 2016.
  6. En 2013, le pays a exporté 70,7 millions de tonnes de pétrole, soit 86,4% de sa production totale ; en 2014, 62,5 millions de tonnes, soit 77,4% de sa production totale ; en 2015, 69,9 millions de tonnes, soit 76,7% de sa production totale ; en 2016, 62,1 millions de tonnes, soit 79,6% de sa production totale.
  7. La production totale de gaz naturel du Kazakhstan s’élevait à 42,3 milliards de m³ en 2013, 43,2 milliards de m³ en 2014, 45,3 milliards de m³ en 2015, 46,4 milliards de m³ en 2016.
  8. La production de charbon du Kazakhstan était de 119,5 Mt en 2013, 113,8 Mt en 2014, 107,3 Mt en 2015, 103,1 en 2016.
  9. La production d'uranium naturel du Kazakhstan était de 22 500 tonnes en 2013, 22 829 en 2014, 23 805 en 2015, 24 689 en 2016.

Commentaire

Rochain

Le nucléaire qui devait (un des premier mensonge du lobby nucléaire) nous donner l'indépendance énergétique face au pétrole, nous met de plus en plus entre les mains de fournisseurs douteux, eux-mêmes contraints par leurs puissants voisins et alliés.
Mais personne ne pourrait nous priver de notre Soleil et de nos vents.

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