Alexeï Navalny : l'UE envoie un émissaire à Moscou sonder les intentions russes

  • AFP
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Le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell se rend jeudi à Moscou pour sonder la volonté de coopération du Kremlin, une mission maintenue malgré la fin de non-recevoir aux demandes de libération d'Alexeï Navalny, condamné mardi à près de 3 ans de prison.

L'Espagnol sait qu'il aura une partie difficile face à Sergueï Lavrov, ministre des Affaires étrangères depuis 2004. Moscou refuse toute ingérence dans ses affaires intérieures et a mis en garde les Européens contre la "bêtise" de conditionner l'avenir de leur relation avec la Russie au sort de l'opposant.

Alexeï Navalny a été condamné mardi à purger une peine infligée en 2014 pour détournement de fonds au détriment de la filiale russe du groupe français Yves Rocher. La peine avait été assortie d'un sursis que la justice russe a annulé en déclarant que Navalny avait enfreint les termes de son contrôle judiciaire.

Josep Borrell ne se fait pas d'illusions. "Je n'obtiendrai sans doute pas la libération d'Alexeï Navalny", a-t-il confié lundi. "Borrell n'obtiendra rien, c'est sûr. Poutine ne montrera jamais sa faiblesse", a expliqué à l'AFP Alexeï Malachenko, de l'Institut de recherche Dialogue entre les civilisations. Mais le politologue n'exclut pas des signaux.

L'émissaire européen a un mandat. Il a été finalisé mercredi, car des réserves ont été émises par plusieurs États membres et au Parlement européen sur l'opportunité de son déplacement. En outre, certains voulaient mentionner la menace de sanctions pour faire pression sur Moscou pour obtenir la libération de l'opposant. La Russie est sous le coup de sanctions économiques depuis 2014, après l'annexion de la Crimée.

Exigences et conséquences

L'Espagnol part "porteur d'exigences à l'égard des autorités russes. À son retour, les Européens envisageront les conséquences à tirer de cette visite", a expliqué mercredi le chef de la diplomatie française Jean-Yves Le Drian. "De nouvelles sanctions ne sont pas exclues", a pour sa part prévenu l'Allemagne.

Josep Borrell arrivera jeudi soir à Moscou pour une visite de deux jours, jusqu'au 6 février. Il a demandé à voir Navalny et il veut rencontrer les représentants de la société civile. Les ministres des Affaires étrangères auront une première discussion le 22 février sur les résultats de sa mission. Ils devront en tirer des conclusions et des options à présenter aux dirigeants européens qui se réuniront fin février, avant leur sommet consacré à la relation avec la Russie fin mars.

La mission confiée à Josep Borrell met un terme à un gel des contacts diplomatiques au niveau européen depuis 2017. Il tenait à faire ce déplacement. "La relation avec la Russie est complexe. Il y a de nombreux enjeux de sécurité à discuter", plaide-t-il. L'Ukraine, le Caucase, la Syrie, la Libye, l'Afrique sont autant de sujets de contentieux avec Moscou, soulignent ses services. "Mais il y a aussi des domaines dans lesquels l'UE et la Russie coopèrent, ou doivent coopérer davantage", comme la lutte contre le réchauffement climatique et l'accord sur le nucléaire iranien, insiste-t-il.

L'Union européenne doit se faire entendre à Moscou et l'émissaire a une obligation de résultat vis-à-vis des Vingt-Sept et du Parlement européen. Elle a des leviers, mais elle "sous-estime sa capacité à influencer le comportement des Russes", déplore Ian Bond, chef du département de politique étrangère du Centre for European Reform (CER).

"L'économie russe compte sur les Européens pour acheter ses hydrocarbures et lui vendre des biens et des services", souligne-t-il. Le projet de gazoduc sous-marin Nord Stream 2 entre la Russie et l'Allemagne est un levier. La France demande son abandon et la Commission ne le juge pas prioritaire. "L'arrêt de Nord Stream est un enjeu pour Poutine. Il le craint", confirme Alexeï Malachenko. Mais Berlin refuse d'abandonner ce projet privé monté avec le géant gazier russe Gazprom. La décision de l'arrêter est de "la responsabilité des Allemands", a observé mercredi Jean-Yves le Drian.

Paris a en 2014 refusé de livrer deux navire de guerre achetés par la Russie pour sanctionner l'annexion de la Crimée, rappelle-t-on à Paris.

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