Production électrique : la Cour des comptes alerte sur les « incertitudes » autour du nucléaire

  • AFP
  • parue le

La Cour des comptes a alerté jeudi sur les "incertitudes" pesant sur la capacité à construire un nouveau parc nucléaire "dans des délais et à des coûts raisonnables", alors qu'Emmanuel Macron vient de décider du lancement d'un nouveau programme d'EPR.

La construction de nouveaux moyens de production électrique - qu'ils soient nucléaires ou renouvelables - "appelle des décisions à présent urgentes pour garantir notre approvisionnement à l'horizon de la décennie 2040", soulignent les magistrats dans une note thématique. C'était déjà la conclusion du récent rapport du gestionnaire du réseau RTE, alors que le parc nucléaire français vieillit et que les besoins en électricité doivent augmenter pour réduire l'utilisation des énergies fossiles.

À la suite de cette publication, Emmanuel Macron avait annoncé le 9 novembre le lancement d'un nouveau programme nucléaire, alors que ce thème s'est imposé avant la présidentielle de 2022. La France construit pour l'heure un unique réacteur EPR de nouvelle génération, à Flamanville (Manche).

Rappelant "la dérive des délais de construction" de ce dernier, la Cour souligne "une incertitude en termes de capacité à construire un nouveau parc de réacteurs dans des délais et à des coûts raisonnables." EDF a fait à l'État une proposition pour construire dans un premier temps 6 nouveaux modèles d'EPR (EPR2) pour un coût de construction estimé à 46 milliards d'euros.

Mais les magistrats notent qu'il en faudrait beaucoup plus (jusqu'à "25 à 30") pour maintenir une part de 50% de nucléaire dans la production électrique au-delà de 2050. Cela nécessiterait "une mobilisation et un effort de redressement accélérés de notre industrie nucléaire" et poserait "la question du nombre de sites disponibles". Ils remarquent aussi qu'EDF ne pourra financer seul les nouvelles constructions et qu'un "partage des risques avec l'État" sera nécessaire.

Mais le nucléaire n'est pas le seul à poser question : "les défis à relever paraissent tout aussi importants pour les nouvelles énergies renouvelables", relève la note. Même s'il n'y a pas d'incertitude technologique du côté de l'éolien ou du solaire, ces derniers se heurtent à d'autres défis, du côté de leur stockage ou de leurs difficultés d'implantation notamment. La Cour conclut sur le souhait d'un débat "sur des bases mieux éclairées" alors qu'il existe en particulier "un risque important pour les finances publiques". "Il n'existe ni décision simple, ni solution à faible coût, ni risque zéro", soulignent les auteurs.

Commentaires

Larderet

La Cour des Comptes a certes l’habitude de parler dans le vide tant ses recommandations sont le plus souvent ignorées par le gouvernement. Ce serait cette fois-ci une bonne chose car elle réussit la prouesse de mettre en garde à la fois contre le renouveau du nucléaire et la poursuite du renouvelable, tout en appelant à des décisions urgentes comme le souligne l’étude RTE. En proposant un n + unième débat, elle est sûre de préserver la procrastination qui préside à la politique énergétique de la France. Peut-être est-ce l’arrivée de François Brottes dans cette noble assemblée, qui après avoir fait de gros dégâts à la tête de RTE, s’apprête à poursuivre son combat antinucléaire à la Cour des Comptes.

Lecteur 27

La France n'a rien fait pendant plus de 20 ans, sauf pendant les 10 dernières années, planter quelques éoliennes dont la contribution à la production électrique est encore --et restera-- relativement marginale et peu "certaine". Les écologistes anti-nucléaires français portent une énorme responsabilité dans cette situation et ils ont presque gagné en nous préparant à tout perdre si nous ne parvenons pas à construire nouveau nucléaire et les renouvelables qui pourraient correspondre à une partie au moins des scénarios RTE. La Cour des Comptes, reprenant pour les accentuer, les inqiuiétudes du RTE, a raison et personnellement, je ne crois pas que nous pourrons construire ce dont nous aurons besoin à l'horizon 2050 et on ne pourra pas compter sur les voisins ceux ci étant de plus en plus dépendants de capacités intermittentes. Il faut aussi, peut-être, compte sur le gaz naturel - heureusement, une centrale au gaz se construit vite et est fiable et pilotable ... au risque de monter un peu les GES de l'industrie électrique française. Mais comment nos aînés ont-ils pu être capables de penser qu'on pouvait cesser impunément de construire des capacités de génération électrique, à fortiori lorsque la technologie est super complexe (la fission nucléaire) et les sécurités de plus en plus lourdes ?

G.B.

La Cour des Comptes devrait plutôt avoir des certitudes autour du nucléaire.
Avec l'exemple de Flamanville, les certitudes sont :
- Celle du retard de construction (il devait initialement se terminer en 2012)
- Celle de l'explosion des coûts (il devait coûter 3,4 MILLIARDS d'euros et coûte à présent 19,1 MILLIARDS d'€, soit 461% d'augmentation ! Et ce n'est pas fini.

En matière d'incertitude, restent le risque d'accident potentiellement catastrophique, le terrorisme, l'acceptation sociale, la prolifération des armes nucléaires, la dissémination des radionucléides, la gestion des déchets, le démantèlement.

PierB

Il y a donc des incertutudes et des inquiétudes. Merci pour l'info. Plutôt qu'un nième débat, peut-être faudrait il une decision claire et rapide. Pour ce faire il faudrait des décideurs qui sachent décider mais curieusement ça manque. Leur devise doit être qu'il n'y a pas de question que l'absence de réponse ne permette de résoudre. Chapeau

Abadie

Je me méfie des avis de la cour des comptes, la majorité des personnes qui y travaillent sont des énarques, j'en ai connu deux, énarques bien sûr. Pourquoi cette méfiance ? Parce qu'ils n,o'nt aucune formation scientifique alors que le nucléaire, l'énergie de manière plus large, sont des domaines où la technologie, les sciences de l'ingénieur sont omniprésents. Des sortes de Protagoras en petit.

FLUCHERE

On voit l'influence de l'arrivée de Brottes qui se venge d'avoir été viré de RTE où il a été nul comme d'habitude !

Serge Rochain

Parler d'incertitudes est un euphémisme quand on présente une note de 19 milliards pour un outil qui devait n'en faire qu'environ 4 (avec une barre d'erreur acceptable) et que par ailleurs on vous fait des promesses de 6 exemplaires pour un total de 46 milliards.... on peut s'interroger.
Mais pour moi, j'avoue qu'il n'y a aucun incertitude, on va dans le mur des 46 milliards et on passera à travers puisqu'on ne pourra plus reculer, et à coup sûr ! Mais je ne me sens pas vraiment concerné puisque cela se passera au plus près vers 2040 avec les retards tout aussi classiques que les dépassements de budgets, et je ne serai plus là pour assister à l'enfournement du dernier atome d'uranium.

Goldorak

En attendant, même à 19Millards, il sera probablement pas plus cher et plus utile que l'équivalent en prix d'ENR posé sur la même période

Rochain

Ben voyons, 19 milliards au lieu de 4 ça n'a pas d'incidence sur l'intérêt de la chose.... Et si c'était 50 fois plus cher, ça ne changerait rien de toutes les façons selon le principe du dogme : Rien ne peut être mieux que le nucléaire ! Dieu a parlé !

daphné

Vrai, cet epr de Flamanville a coûté et va encore coûté très très cher pour 1600 MW soit 300 MW de plus que les réacteurs installés. Comme nous aurons besoin d'électricité et que nos centrales vieillissent leur entretien et leur sécurisation coûtent cher aussi pour EDF, je trouve que la solution d'ajouter des centrales avec des réacteurs que nous savons faire en série et au fur et à mesure de nos besoins est valable. Pendant ce temps, pousser la recherche vers la fission du thorium, plus abondant et générant moins de déchets de long terme que l'uranium aux dépends du financement du projet ITER qui me paraît assez redoutable à cause de l'énormité de l'aimant et de l'énergie impliquée et aux aboutissements tant dans le temps que dans la réalisation très incertains.( raisonnement purement émotif!). Et, décentralisation oblige, pour éviter la multiplication de longs réseaux électriques, l'installation de SMR bien sécurisés selon besoins ,si on ne peut pas installer de grandes hydroliennes ou des éoliennes . Cela n'empêche pas l'installation d'hydroliennes marémotrices ou dans les courants marins là où elles ne gêneraient personne ni les poissons. ni les pêcheurs mais elles ne sont pas très puissantes.

Jean

Il aurait été sage de renoncer à cette filière EPR qui a provoqué la ruine d'AREVA en attendant celle d'EDF.
En 1997 EDF a mis en service Chooz 2 (1450Mw) et en 1999 Civaux 2 (1450 Mw). Au lieu de courir après la performance hors d'atteinte EDF aurait du s'en tenir à ce qu'elle savait faire.

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