- Connaissance des Énergies avec AFP
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L’Allemagne va instaurer à partir de 2026 un tarif d’électricité préférentiel pour son industrie et lancer un programme de nouvelles centrales électriques au gaz, a annoncé ce jeudi 13 novembre le chancelier Friedrich Merz à l’issue d’une réunion du comité de coalition.
Un prix de l'électricité subventionné pour les sites électro‑intensifs
De 2026 à 2028, les entreprises fortement consommatrices d’énergie bénéficieront d’un prix de l’électricité réduit, attendu à « environ cinq centimes d’euro par kilowattheure », a précisé le chancelier. Ce tarif, valable trois ans, vise en priorité les secteurs de la chimie, de l’acier et de l’automobile, pour lesquels le coût de l’électricité est devenu un facteur majeur de compétitivité face à la Chine ou aux États‑Unis, où les prix restent nettement plus bas.
Cette décision fait suite aux débats autour d’un prix de l’électricité réduit pour l’industrie lancés début novembre par le gouvernement. Elle vient s’ajouter à d’autres dispositifs de baisse de la fiscalité énergétique et de soutien aux entreprises, mis en place depuis la crise énergétique ouverte par la guerre en Ukraine.
Le ministre des Finances Lars Klingbeil évalue le coût de ce nouveau mécanisme à « entre 3 et 5 milliards » d’euros sur la période, financés via le fonds spécial « Climat et Transformation ». Ce fonds, alimenté notamment par les recettes du marché européen du carbone, est déjà mobilisé pour des investissements dans les réseaux, l’efficacité énergétique ou l’hydrogène. Le choix de recourir à cette enveloppe témoigne de la volonté de lier soutien de court terme à l’industrie et transition bas carbone.
Attente d'un feu vert de la Commission européenne
La coalition conservateurs–sociaux‑démocrates fait de la baisse du prix de l’électricité une priorité, l’Allemagne affichant un prix de l’électricité pour les ménages parmi les plus élevés de l’Union européenne. Pour les industriels, la facture a fortement augmenté à partir de 2021, dans le sillage de la flambée des prix du gaz sur les marchés et de l’arrêt des livraisons russes, un choc qui a déjà conduit Berlin à intervenir massivement, par exemple pour sauver l’énergéticien Uniper.
Le gouvernement rappelle toutefois que la mise en œuvre du tarif subventionné reste conditionnée à l’aval de Bruxelles. Si Berlin a « besoin d’un feu vert définitif » de la Commission européenne, Friedrich Merz estime que « tous les signaux sont au vert » pour pouvoir « mettre en œuvre cette mesure dès le 1er janvier 2026 ».
Le dispositif devra s’inscrire dans le cadre des règles européennes sur les aides d’État, qui ont déjà été assouplies depuis la crise énergétique pour permettre des soutiens ciblés aux industries exposées à la concurrence internationale.
8 à 10 GW de nouvelles centrales au gaz « hydrogen ready »
Parallèlement, la coalition s’est entendue sur une « stratégie pour les centrales électriques » prévoyant la construction de nouvelles capacités au gaz, afin de sécuriser l’approvisionnement lorsque la production éolienne et solaire est insuffisante. L’objectif est que « les besoins en électricité en Allemagne soient couverts même lorsque le vent et le soleil ne sont pas disponibles », a expliqué le chancelier.
Ces centrales au gaz seront « conçues de manière à pouvoir utiliser de l’hydrogène et à être conformes aux objectifs de décarbonation d’ici 2045 au plus tard ». Cette exigence s’inscrit dans la trajectoire de neutralité climatique que l’Allemagne s’est fixée à cet horizon, alors que le pays a déjà arrêté ses dernières centrales nucléaires et prévoit la sortie progressive du charbon au cours de la prochaine décennie. Les projets devront donc être « hydrogen‑ready », avec la possibilité de passer d’un combustible fossile à un gaz bas carbone à mesure que se développeront les infrastructures et la production d’hydrogène.
La capacité totale des nouvelles installations est fixée entre 8 et 10 gigawatts. Un premier appel d’offres doit être lancé dès 2026, pour une mise en service espérée « d’ici 2031 ». Cette planification intervient alors que le régulateur allemand de l’énergie alerte régulièrement sur le risque de tensions d’approvisionnement autour de 2030, en l’absence de nouvelles capacités pilotables pour compléter la montée en puissance des renouvelables et faire face à la croissance de la demande (véhicules électriques, électrification du chauffage, nouveaux usages industriels).
Le gouvernement veut « conclure rapidement les discussions »
La crise ouverte par la guerre en Ukraine, marquée par une explosion des prix de l’énergie et une forte dépendance initiale au gaz russe, a déjà mis en lumière la vulnérabilité du système électrique allemand. La stratégie actuelle vise à concilier sécurité d’approvisionnement, compétitivité de l’industrie et réduction des émissions, en combinant soutien ciblé au prix de l’électricité, développement accéléré des renouvelables et recours à des centrales à gaz convertibles à l’hydrogène.
Là encore, l’accord de l’Union européenne est nécessaire pour valider le cadre de soutien public à ces nouvelles capacités. Mais le gouvernement allemand espère « conclure rapidement les discussions », afin de lancer les premiers appels d’offres dès 2026 et de donner de la visibilité aux énergéticiens comme aux industriels sur l’évolution du mix électrique.