Chevalier blanc énergétique de l'Europe, le géant norvégien Equinor passe à la caisse

  • AFP
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Venu à la rescousse d'une Europe en quête désespérée de gaz, le géant norvégien de l'énergie Equinor affiche des résultats trimestriels records contribuant à remplir les caisses d'une Norvège qui s'enrichit, officiellement malgré elle, du fait de la guerre en Ukraine.

Les chiffres sont vertigineux : au troisième trimestre, Equinor a vu son bénéfice net bondir à 9,4 milliards de dollars contre 1,4 milliard un an plus tôt. Soit davantage que les "supermajors" français TotalEnergies (6,6 milliards de dollars) et britannique (6,7 milliards), dont les superprofits font débat.

Depuis le début de l'année, le groupe a gagné près de 21 milliards de dollars.

Il récolte là le fruit de ses efforts pour accroître sa production de gaz naturel au profit de l'Europe qui, flambée des cours oblige, l'a payé 60% plus cher qu'il y a un an.

Du fait de la réduction des livraisons russes en lien avec la guerre en Ukraine, la Norvège est devenue le premier fournisseur de gaz d'une Europe aux abois, couvrant aujourd'hui 25% de ses importations.

Au troisième trimestre, Equinor a livré à l'Europe 11% de gaz de plus qu'il y a un an grâce en partie au redémarrage, après un incendie, d'une usine de liquéfaction du gaz à Hammerfest, dans le nord de la Norvège.

"La guerre russe en Ukraine a changé les marchés de l'énergie, réduit la disponibilité de l'énergie et augmenté les prix", a noté le directeur général, Anders Opedal. "Equinor continue de fournir un flux stable et une production élevée, avec des niveaux record de gaz provenant du plateau continental norvégien".

"Le rôle de la Norvège et d'Equinor en tant que fournisseur d'énergie fiable est plus important que jamais", a-t-il fait valoir dans un communiqué.

Le pays scandinave jouant un rôle toujours plus important dans l'approvisionnement énergétique de l'Europe, a fortiori à l'approche de l'hiver, une attention particulière est placée à la sécurité de ses installations pétro-gazières.

Après l'observation de mystérieux vols de drones, y compris à proximité de plateformes pétrolières loin en mer, et le sabotage présumé des gazoducs Nord Stream 1 et 2 en mer Baltique voisine, Oslo a renforcé la sécurité autour de ses sites stratégiques.

« Profiteur de guerre » ?

À l'échelle mondiale et en incluant le pétrole, Equinor a produit au troisième trimestre un peu plus de 2 millions de barils équivalent-pétrole par jour (Mbep/j), soit une augmentation de 1% sur un an.

Indicateurs privilégiés par le groupe, le résultat d'exploitation ajusté --qui gomme certains exceptionnels-- a bondi à 24,3 milliards de dollars contre 9,8 milliards il y a un an, et le bénéfice net ajusté à 6,7 milliards contre 2,8 milliards.

Le chiffre d'affaires, lui, a quasiment doublé, à 43,6 milliards.

Contrairement à d'autres pays, ces "superprofits" font peu débat en Norvège, pays qui doit sa prospérité à ses immenses ressources énergétiques et où les compagnies pétrolières sont déjà fortement taxées (78%).

Equinor étant détenu à 67% par l'État norvégien, une grande partie de ces bénéfices ira abonder l'immense fonds souverain du pays qui pèse aujourd'hui près de 1 200 milliards d'euros.

Pour le troisième trimestre, le groupe propose de verser un dividende extraordinaire de 0,7 dollar par action en plus d'un dividende ordinaire de 0,2 dollar. Il compte aussi lancer une quatrième tranche de son programme de rachat d'actions qui devrait atteindre 6 milliards de dollars cette année.

Mais ces "superprofits" agacent les défenseurs de l'environnement. "Equinor baigne dans l'argent à cause de la guerre en Ukraine, mais ne doit cependant pas payer de contribution face aux prix élevés et va continuer à utiliser au moins 80% de ses investissements pour produire plus de pétrole et de gaz. Irresponsable", a tweeté Truls Gulowsen, le chef de la branche norvégienne de l'ONG Amis de la Terre.

Surtout, l'enrichissement de la Norvège lui vaut ici ou là d'être taxée de "profiteur de guerre".

"S'il y a des moments où il n'est pas marrant de gagner de l'argent, c'est bien le cas aujourd'hui", martèle le ministre norvégien du Pétrole et de l'Energie, Terje Aasland -- tout en rejetant obstinément la demande de certains pays de l'UE, dont la France, de plafonner le prix du gaz.

Selon Oslo, un plafonnement risquerait d'être contreproductif en détournant certains volumes de gaz du continent européen.

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