Climat : ExxonMobil défendu au tribunal par son ex-PDG Rex Tillerson

  • AFP
  • parue le

ExxonMobil n'est pas le "méchant" du changement climatique et a intégré ses conséquences dès 2006 dans ses projections : c'est ce qu'a dit en substance mercredi Rex Tillerson, qui fut PDG du géant pétrolier avant d'être secrétaire d'État de Donald Trump, appelé à témoigner dans un procès inédit à New York.

Dans ce procès ouvert le 23 octobre et très suivi par les organisations environnementales, la multinationale cotée en bourse est accusée par l'État de New York d'avoir trompé les investisseurs en prétendant à tort, depuis 2014, intégrer pleinement les risques de durcissement des législations sur les émissions de gaz à effet de serre dans ses projections à long terme.

Mais selon le procureur élu de ce bastion démocrate, l'entreprise utilisait, pour certaines évaluations internes, des estimations de coûts sous-évaluant ce risque. Une présentation "trompeuse" qui se serait traduite par une surévaluation des actions du groupe, et des dommages pour les actionnaires qui pourraient atteindre 1,6 milliard de dollars.

Face à ces accusations, l'ex-chef de la diplomatie américaine, qui n'est pas directement attaqué en justice mais dont le procureur affirme qu'il a approuvé cette "fraude", est apparu détendu, remettant avec plaisir sa casquette de PDG après avoir été limogé sans ménagement par Donald Trump fin mars 2018.

Trois heures durant, M. Tillerson a expliqué comment, après son arrivée à la tête d'Exxon début 2006, le géant américain avait introduit un système de coût prévisionnel des émissions polluantes, obligeant toutes ses unités à intégrer les coûts d'une législation renforcée sur le climat dans leurs projections à l'horizon 2030 ou 2040.

« Risque croissant pour la société »

"Nous reconnaissions le risque lié au changement climatique, nous reconnaissions qu'il prenait une importance croissante pour la société au sens large et que les législateurs allaient vouloir endiguer ses effets", a déclaré le PDG, qui s'est dit fervent partisan de l'accord de Paris, dénoncé par Donald Trump en 2017, quand M. Tillerson était encore au gouvernement.

"Lorsque nous sommes arrivés à la conclusion qu'il y avait un grave risque, il était de notre responsabilité de comprendre comment cela allait affecter notre activité, et cela a vraiment commencé sous mon mandat", a ajouté celui qui présida ExxonMobil durant dix ans, jusque fin 2016. "La question était comment intégrer ça dans notre planification. Alors nous avons trouvé cet outil (de coût anticipé) pour nous aider à comprendre les implications à long terme du problème climatique", a poursuivi M. Tillerson, qui s'est dit favorable à une taxe carbone applicable à tous.

Il a volontiers reconnu qu'Exxon utilisait deux estimations différentes du coût des émissions dans ses calculs : l'un pour préparer son rapport annuel sur l'ensemble des facteurs affectant la demande de pétrole et de gaz à long terme, l'autre pour évaluer concrètement la rentabilité de projets d'investissement potentiels. Mais cette différence était justifiée selon lui par le fait qu'ils correspondaient à des "niveaux différents" de projections, l'un "stratégique" et "macro-économique", l'autre "micro-économique", intégrant des coûts réels évalués par des responsables de terrain d'Exxon.

Cette différence n'a jamais servi à tromper les investisseurs, qui n'avaient pas à se préoccuper des estimations micro-économiques, sans effet sur les comptes de l'entreprise, à l'en croire : ils étaient prévenus qu'Exxon ne divulguerait pas le modèle économique utilisé pour évaluer ces projets potentiels.

Autres procès à l'horizon

Citant quelques extraits de rapports annuels d'Exxon, la représentante du procureur, Kim Berger, a essayé de faire admettre à M. Tillerson que l'utilisation de ces deux modes de calcul, qu'Exxon n'avait jamais explicitée, avait pu induire en erreur les investisseurs. Sans y parvenir.

M. Tillerson était le témoin vedette de ce procès prévu pour se terminer au plus tard le 12 novembre. Le juge d'État Barry Ostrager rendra ensuite seul un jugement, dans un délai encore non précisé.

Quelle que soit sa décision, les experts s'attendent à ce que ce procès soit suivi de plusieurs autres contre Exxon et d'autres compagnies pétrolières, accusées par les organisations environnementales d'avoir trompé non seulement les investisseurs, mais aussi consommateurs et acteurs publics sur les effets de leurs activités sur l'environnement.

Des villes et comtés de Californie et d'autres États américains ont déjà porté plainte en justice pour réclamer paiement des dégâts ou des travaux rendus nécessaires par le réchauffement. Et l'État du Massachusetts a formellement porté plainte contre Exxon la semaine dernière.

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