Coupures d'électricité : entre alerter et alarmer, l'équilibre délicat de l'exécutif sur les possibles délestages

  • AFP
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Le plan de communication se voulait bien huilé. Mais le coup de gueule d'Emmanuel Macron contre les "scénarios de la peur" est venu souligner la difficulté pour l'exécutif de se montrer prêt en cas de coupures d'électricité sans paniquer les Français.

"Les scénarios de la peur, pas pour moi !", a lancé mardi le chef de l'État. "Le rôle des autorités publiques, des établissements publics ça n'est pas (...) gouverner par la peur."

Face à la crise énergétique, provoquée par la guerre en Ukraine et aggravée par des problèmes de maintenance des réacteurs nucléaires, l'exécutif tente à la fois de préparer les esprits à de possibles délestages en janvier, et de montrer que, le cas échéant, ce ne sera pas le chaos.

Dès la mi-novembre, un ténor du gouvernement prédisait des "journées de grande responsabilisation des citoyens pour leur dire si vous ne voulez pas de coupure, faut pas faire tourner le lave-linge à 19h". Pour un autre ministre influent, le message à faire passer est que "la coupure en soi n'est pas un drame dès lors qu'on a bien préparé", "qu'on dit aux gens d'éviter d'être dans les ascenseurs", "qu'on n'a pas quelqu'un en respirateur artificiel qui se retrouve en difficulté"...

Matignon a donc adressé la semaine dernière une circulaire aux préfets afin qu'ils sachent quoi faire en cas de "coupures d'électricité ciblées et programmées". Mais ce débat a quelque peu échappé à l'exécutif. "En matière de communication, il faut parler d'une seule voix", explique à l'AFP l'universitaire Christian Delporte. "Quand vous avez de multiples acteurs, le message risque d'être brouillé", ajoute ce spécialiste de la communication politique.

Or, de l'hôpital aux transports en passant par l'école, chaque secteur a décliné son plan B en cas de pénurie d'énergie. Et divers opérateurs ont "ouvert le parapluie" pour ne pas endosser de responsabilité en cas de pépin, constate Christian Delporte.

« Anxiogène »

Orange a ainsi mis en garde contre un possible impact sur l'accès aux numéros d'urgence. Tandis qu'un porte-parole du fournisseur d'électricité Enedis, Laurent Méric, a affirmé lundi sur BFMTV que "les patients à haut risque vital", comme ceux disposant d'un respirateur, n'étaient pas jugés prioritaires et pourraient donc subir des délestages.

Même s'il a aussitôt précisé que tout serait fait pour leur apporter une "garantie" de continuité des soins, ses propos ont été jugés "maladroits" par la Première ministre Elisabeth Borne, contrainte d'assurer que les malades seraient "toujours pris en charge".

Car une partie de l'opposition s'en est immédiatement saisie pour fustiger l'amateurisme gouvernemental, s'ajoutant aux critiques sur la possibilité de brèves fermetures d'écoles. Et, plus largement, aux accusations d'incurie venues de la droite et de l'extrême droite au sujet des réacteurs EDF à l'arrêt, et aux reproches de la gauche qui déplore le retard pris dans la transition énergétique.

Surtout, la multiplication des interventions a fini par avoir un effet contraire à celui qu'escomptaient les stratèges du gouvernement. "La difficulté, c'est que le message on est prêt en cas de délestage s'est transformé en ça va arriver. Au lieu de rassurer, ça devient anxiogène", décrypte Christian Delporte.

Certains ministres, encore traumatisés par les procès en impréparation au début de la pandémie de Covid, ont peut-être aussi un peu trop versé dans l'alarmisme, concède un représentant du camp présidentiel, tout en assurant que, jusque-là, cette "opération transparence" se "passait plutôt bien".

Ces derniers jours, le président Macron est monté au créneau pour distiller un message plus rassurant, semblant parfois prendre le contre-pied des avertissements de son propre gouvernement. "Pas de panique !", a-t-il lancé samedi sur TF1.

Avant, donc, de hausser le ton mardi, visiblement agacé par un débat qui commence à porter aussi sur un certain déclin de la France - le président du Rassemblement national Jordan Bardella a dénoncé vendredi sur France Inter une "situation de précarité énergétique" digne du "tiers-monde".

"Nous sommes un grand pays, nous avons un grand modèle énergétique, nous allons tenir cet hiver malgré la guerre", a martelé le chef de l'État, qui en a toutefois appelé "à la responsabilité" de "chacun" pour "qu'il y ait de la sobriété".

Commentaires

hbsc xris

En pleine crise de l'approvisionnement électrique, on saluera une casse de plus :
Sur demande d'associations écologiques, et notamment de la FNE grande "casseuse" de digues et barrages, le tribunal administratif de Grenoble bien d'annuler l'autorisation d'exploitation sur la Sallanche, près du Mont Blanc, d'une petite installation hydro-électrique. Cette installation venait de s'achever. Va t'on la casser en pleine crise énergétique ? Ils sont devenus complètement fous !

Olivier DE BOISSEZON

ah lala, on a un grand patron : "Nous sommes un grand pays, nous avons un grand modèle énergétique, nous allons tenir cet hiver malgré la guerre", a martelé le chef de l'État,".
Mais à mon avis, ce n'est pas la méthode Coué qui fonctionne le mieux.
Au de là de ce propos un tantinet "guerrier", c'est justement le mot "guerre" qui est de trop. Car je ne pense pas être en guerre à mon avis.
Et de la part d'un très haut responsable politique européen, c'est troublant d'utiliser ce terme là, en voulant rassurer soi disant. Quel drôle de pacifiste selon moi. Cela ressemble un peu à un double usage, double langage. Est ce le célèbre "en même temps" ?
Est ce que le problème ne viendrait pas plus de notre désorganisation des réseaux de communications ? La 5G-4G-3G est elle avec de l'autonomie de fonctionnement suffisant en durée et qualité ? et sur tout le territoire ?
Et quand bien même ces réseaux d'Alertes et de communications InterNet en seraient dotées, est ce que toutes les Box de toutes les Entreprises, de tous les Particuliers, de tous les Commerces, de tous les Services sont autonomes suffisamment en fonctionnement ? Je ne crois pas. Et c'est là que le bas blesse.
Car le tout numérique et le tout téléphone et le tout Fibre Optique trébuche sur la panne d'électricité ...Aaarrgh !
Nos éminences grises du tout numérique n'y ont pas pensé assez ... Et les Préfets vont se retrouver dans une situation délicate à plus d'un titre.
Ils ne pourront pas faire comme réponse celle du Préfet du Havre lors de l'incendie terrible de Lubrizol le 24 septembre 2019. Il trouvait ringard d'utiliser le simple téléphone pour prévenir dès 7h les Directeurs de fermer les Ecoles du territoire sous le panache (drôle de mot) de fumées et poussières lourdes. Cet homme a indiqué qu'il serait plus facile de lancer une alerte ciblée géographiquement grâce au téléphone et leur position GPS. Il est vrai que le courant n'était pas coupé au Havre, seulement dans la zone en incendie à laisser bruler, car impossible à juguler. Les huiles en flamme étaient dans des conteneurs en matière plastique et sans séparateur inerte (Bac de rétention ou de limitation de l'étalement du produit en flamme). Les Pompiers ont malheureusement dû attendre que tout brûle. Un incendie d'hydrocarbures ne s'éteint que seulement au début, lorsqu'il est petit.
Aarrgh!, le système de détection et surveillance incendie de Lubrizol, cette entreprise des USA, était défaillant. La DREAL en avait fait le constat lors d'une inspection de ce site SEVESO les années précédentes. Cela a été notifié à Lubrizol, et même l'Assureur de Lubrizol s'en est ému.
Re Aargh, sans effet, et même durant l'année 2019, ce Préfet a autorisé le site Lubrizol à augmenter le stockage d'Huile de plusieurs milliers de tonnes sur le site (6500t je crois).
Re re Aarghh, c'est là que ça a brulé ...
Triste fin.

Albatros

Cher Monsieur. Lubrizol est à Rouen, pas au Havre. Les deux villes sont en Normandie mais tout de même distantes de près de 100 km.
Sincères salutations.

Olivier DE BOISSEZON

Bonjour,
et merci de cette précision, car mon erreur géographique n'a pas d'excuse, hormis le manque d'attention.
Je déduis de votre remarque que le reste de mon propos vous semble exact ou probant.

Albatros

Pourtant, gouverner par la peur, c'est ce qui se fait depuis maintenant 27 COP. Attention de ne pas faire pleurer Nicolas Hulot en 2007 ou n'importe quel branleur agitateur antisystème trotskyste refoulé ou bien la pauvre petite Suédoise.
La nouvelle religion des écolos rejoint celle des temps reculés du contexte d'Astérix : on a peur que le ciel nous tombe sur la tête.
Et il y aura des coupures dont nous savons pertinemment la cause : pacte électoral de la "gauche plurielle" signé entre Jospin et Voynet. J'attends de lire ça dans "Le Monde" ;)

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