Critiqué sur les carburants, l'exécutif redoute la propagation de la crise sociale

  • AFP
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Un président agacé, des ministres qui se renvoient la balle et une embellie qui se fait attendre dans les stations-service. Après avoir tardé à réagir face à la crise du carburant, Emmanuel Macron et son gouvernement sont maintenant confrontés au risque d'une extension des conflits sociaux.

"Il y a eu un retard à l'allumage, oui", reconnaît un cadre de la majorité, avant de manier l'euphémisme: "tous les ministres concernés ont reçu, à un moment donné, une parole présidentielle un peu rugueuse".

Le chef de l'Etat a promis mercredi que la situation allait "revenir à la normale" la semaine prochaine, et Elisabeth Borne a même évoqué vendredi des "signes d'amélioration" dans la distribution de carburants, malgré la poursuite de la grève initiée par la CGT dans les cinq sites TotalEnergies.

Trop optimistes, le président et sa Première ministre?

C'est l'un des reproches faits au gouvernement, qui avait déjà annoncé pour cette semaine des progrès restés lettre morte.

Depuis le début, l'exécutif est accusé par les oppositions d'avoir mal géré cette crise.

L'entêtement du porte-parole Olivier Véran à réfuter le terme de "pénurie" le 5 octobre, alors que les files à la pompe se formaient déjà dans les Hauts-de-France, revient régulièrement pour dénoncer la riposte gouvernementale.

- "Contrefeu" -

Le gouvernement "a laissé s'enkyster dans le pays un mouvement qui désormais lui échappe", persifle le chef de file des sénateurs Les Républicains Bruno Retailleau, à l'unisson d'une droite qui juge trop timides les réquisitions de salariés pour débloquer les dépôts d'essence.

A gauche au contraire, on dénonce ces mêmes réquisitions, et on tape sur la bienveillance présumée de la Macronie à l'égard des "superprofits" de Total.

Le gouvernement a d'abord fait preuve d'un certain attentisme, au nom du respect du dialogue dans une entreprise privée. Ses premières mesures, comme la libération de stocks stratégiques de carburant, se sont révélées bien insuffisantes.

Certains ministres pariaient que la diffusion par la direction du groupe pétrolier d'estimations chiffrant le salaire moyen d'un opérateur de raffinerie à 5.000 euros mensuels, contestées par les syndicats, feraient basculer l'opinion en défaveur des grévistes.

"C'est un excellent contrefeu de Total", lâchait en milieu de semaine une source gouvernementale.

Mais la situation s'est aggravée dans les stations-service, parasitant tout autre message de l'exécutif, de la visite d'Elisabeth Borne à Alger jusqu'à l'émission d'Emmanuel Macron mercredi sur France 2, lorsqu'il a dû s'expliquer sur le sujet alors qu'il voulait se concentrer sur la guerre en Ukraine.

Résultat, le chef de l'Etat ne cache pas un certain agacement.

"On va partir cul par dessus tête!", lâche-t-il lundi en Mayenne, pour protester contre la tendance à réclamer du président qu'il gère un groupe privé... tout en exigeant de son gouvernement qu'il fasse "pression" sur la direction et les syndicats.

- "Juxtaposition des crises" -

Les ministres, eux, se renvoient la responsabilité et tentent de se justifier.

"Evidemment qu'on fait pression", assure l'un d'eux, attribuant au gouvernement le mérite des négociations salariales anticipées chez TotalEnergies.

Certains plaident pour plus de "fermeté", déplorant une réaction initiale trop timorée.

Souvent visée par ces derniers, en petit comité, pour son absence de "plan d'action", la ministre de la Transition énergétique Agnès Pannier-Runacher a fait valoir vendredi sur LCI que ses équipes avaient bien "partagé" l'état des lieux quotidien avec les autres ministères.

"Lorsque vous avez une situation qui n'est pas satisfaisante", "vous pouvez vous dire que vous auriez pu prendre d'autres mesures", a-t-elle toutefois admis.

A mesure que se dessine la menace d'un automne social chaud, l'inquiétude monte dans le camp présidentiel, qui marche déjà sur des oeufs à l'Assemblée nationale, faute de majorité absolue. Encore marqué par la contestation des "gilets jaunes", il redoute une "juxtaposition des crises", selon les termes d'un député.

A la veille de la "marche contre la vie chère" organisée dimanche par la gauche, et avant la journée de mobilisation et grève interprofessionnelle prévue mardi à l'appel de plusieurs syndicats, une source gouvernementale déplore une "tentative de transformer l'inquiétude en colère" et de "construire un mouvement social".

"La crise du carburant nous pousse à adopter une attitude politique beaucoup plus mesurée. Il ne faut pas prêter le flanc aux accusations en autoritarisme", glisse un responsable de la majorité, alors que se profile le recours au 49.3 pour adopter le budget sans vote et une réforme des retraites très controversée.

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