Élections au Guyana : trois favoris pour gérer la manne pétrolière et le différend sur l'Essequibo

  • Connaissance des Énergies avec AFP
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Drapeau du Guyana

Le Guyana, petit pays pauvre d'Amérique du sud qui espère un avenir meilleur grâce aux plus grandes réserves de pétrole per capita de la planète, est appelé à des élections générales lundi sous la pression de son gigantesque voisin le Venezuela, dont les réclamations sur l'Essequibo se font toujours plus pressantes.

La plus forte croissance d'Amérique latine grâce au pétrole

Environ 750 000 électeurs (incluant la diaspora), sur une population de 850 000 habitants dont la plus grande partie vit dans la pauvreté, sont appelés à ce scrutin législatif à un tour qui couronne président le candidat dont le parti est arrivé en tête.

Le vainqueur aura en charge la gestion de l'immense manne pétrolière qui a permis de quadrupler le budget de l'État, de 6,7 milliards de dollars en 2025. Le pays, qui a commencé l'exploitation pétrolière en 2019, espère faire passer sa production de 650 000 barils par jour actuelle à plus d'un million en 2030.

Conséquence : le Guyana peut se targuer de la plus forte croissance d'Amérique latine. En 2024, par exemple, son taux s'élevait à 43,6%.

Il faut "discerner entre croissance et développement, s'assurer que la richesse se traduise par du développement, et pas seulement par des routes et des infrastructures. Il faut intégrer le logement, l'électricité, les hôpitaux", tempère Neville Bissember, maître de Conférence de droit de l'Université du Guyana. "Il existe des modèles : Botswana, Singapour, Malaisie. Nous n'avons pas besoin de réinventer la roue".

Trois favoris

Selon la plupart des observateurs, le scrutin se joue entre trois prétendants : le président sortant Irfaan Ali (Parti populaire Progressiste PPP), le candidat de l'opposition Aubrey Norton (APNU, coalition partenariat pour une nouvelle unité) et l'épouvantail Azruddin Mohamed, milliardaire qui vient de créer son parti WIN (Gagner/Nous investissons dans la nation) et entend bouleverser ce système bipartisan.

Le vote se dessine traditionnellement autour des lignes ethniques entre les populations d'origine indienne (parti du président Irfaan Ali), et celles afro-guyaniennes (de M. Norton). M. Ali vise un deuxième mandat, cinq ans après succédé à David Granger (APNU). Il fait campagne sur les nombreuses réalisations de son gouvernement qui a surfé sur les nouveaux revenus pétroliers.

"Vous votez pour l'avenir de ce pays. Vous votez pour notre souveraineté -- notre sécurité nationale. Et ce vote doit protéger qui nous sommes, ce que nous avons et ce qui a fait de nous cette belle terre du Guyana", a-t-il lancé lors d'un meeting dimanche.

"Son temps est passé !", lance Aubrey Norton qui promet "des emplois" et accuse le "régime corrompu" qui ne "prend aucune mesure pour remédier" à la vie chère.

Le sulfureux milliardaire Mohamed Azruddin, qui a fait fortune dans l'extraction aurifère et est sous le coup de sanctions des États-Unis qui lui reprochent de l'évasion fiscale, promet un grand coup de pied dans la fourmilière avec des promesses parfois démagogiques. "C'est un homme d'affaires qui a réussi et certains pensent qu'il peut résoudre les problèmes du Guyana. Et qu'il ne sera pas corrompu puisqu'il est déjà riche", estime Mark Jones, ouvrier dans la construction.

« Nous vivions mieux avant de commencer à pomper du pétrole »

À l'emblématique marché de Stabroek, dans le centre de Georgetown, Ani Charles, commerçante afro-guyanienne de 63 ans, ne décolère pas : "Nous vivions mieux avant de commencer à pomper du pétrole. Le coût de la vie ne fait qu'augmenter. Les riches deviennent plus riches, et les pauvres plus pauvres", s'insurge-t-elle.

"Il y a deux ans, on achetait un sac de riz pour 1 300 (dollars guyanien ndlr, correspondant à 5,34 euros au cours actuel), maintenant, c'est 2 800 (11,50 euros)", se lamente-t-elle derrière son stand en bois sur lesquels sont posés des racines de gingembre et quelques oranges.

À quelques mètres de là, Halim Khan, businessman indo-guyanien, également 63 ans, est un fervent supporteur d'Irfaan Ali : "La richesse pétrolière est bien dépensée. Infrastructure, nouveaux hôpitaux, nouvelles routes...", assure-t-il, soulignant aussi le "leadership" du président dans la crise avec le Venezuela sur l'Essequibo, qui représente deux tiers du territoire guyanien.

M. Ali, qui a reçu le soutien de Washington sur ce différend historique, a adopté une position ferme face au Venezuela, qui a relancé ses prétentions sur le territoire en 2019, faisant notamment élire un gouverneur pour la région sur laquelle Caracas n'a pas de pouvoir.

Le Guyana estime que le tracé de sa frontière, datant de l'époque coloniale anglaise, a été entériné en 1899 et demande à la Cour internationale de justice (CIJ) de le ratifier. Le Venezuela assure pour sa part que le fleuve Essequibo doit être la frontière naturelle, comme en 1777 à l'époque de la colonisation espagnole.

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