En Sibérie, une usine pétrochimique géante tournée vers la Chine

  • AFP
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Au coeur de la Russie, dans l'ancienne capitale sibérienne de Tobolsk, le numéro un russe de la pétrochimie Sibur construit une usine dont le gigantisme reflète les ambitions du groupe, qui courtise le marché chinois et prépare une introduction en bourse record.

À plus de 2 000 km à l'est de Moscou, juste au-delà de l'Oural et au début de la Sibérie, l'on trouve à Tobolsk le kremlin le plus oriental de Russie. Perché sur un plateau, il offre une vue imprenable sur la rivière Irtych et une ville basse ancienne et préservée.

Mais la ville d'à peine 100 000 habitants accueille aussi un des plus grands complexes pétrochimiques du pays: Sibur est en passe d'y achever une usine de transformation des produits obtenus lors de l'extraction d'hydrocarbures en polymères, des granules utilisés pour fabriquer toutes sortes de produits en plastique.

Géant russe de la pétrochimie, Sibur veut, plutôt que d'exporter les gaz libérés par l'exploitation pétrolière, les transformer sur son sol et exporter le produit fini, un projet synonyme de marge financière bien supérieure. "Le chantier fait partie des cinq plus grands projets pétrochimiques en construction dans le monde", affirme Igor Klimov, le directeur général de cette usine d'une valeur de neuf milliards de dollars, qui permettra de tripler la production de polymères et de doubler les revenus de Sibur.

L'importance du projet est telle pour le groupe que Sibur prévoit de construire un aéroport à Tobolsk. Prête à presque 90%, l'usine "ZapSibNefteKhim" doit être achevé au deuxième trimestre 2019: 28 000 personnes venues de près de 20 pays travaillent à sa construction, à laquelle prennent part des entreprises turques et chinoises.

De nombreuses entreprises européennes ont aussi été mises à contribution, notamment le géant allemand du gaz Linde et le groupe d'ingénierie pétrolière TechnipFMC, né de la fusion entre le français Technip et l'américain FMC. "Technip a participé et a géré l'ensemble de l'engineering et la conception de cette usine", explique Jean-Mathieu Hartmann, le responsable de TechnipFMC sur place. Depuis le début du projet en 2014, jusqu'à 600 employés de Technip ont travaillé à sa conception dans quatre centres du groupe à Lyon, Paris, Saint-Pétersbourg et Chennai (Inde).

Futur projet avec la Chine

Quelque 60% de la production de la nouvelle usine de Sibur est destinée à l'exportation vers l'Europe, la Turquie, mais aussi les pays de la CEI et, surtout, la Chine. Car si le groupe est contrôlé par les milliardaires russes Leonid Mikhelson (48.5%) - également actionnaire du numéro deux russe du gaz Novatek - et Guennadi Timtchenko (17%), les deux groupes chinois Sinopec et Silk Road Fund en détiennent aussi 10% chacun.

Et le marché asiatique est celui vers lequel lorgne Sibur: son prochain grand investissement devrait d'ailleurs être une autre méga-usine de polymères, située sur les rives du fleuve Amour, à un jet de pierre de la Chine. Le sort du projet sera scellé en 2020.

Cette usine ira de pair avec les projets de Gazprom, qui va transporter du gaz vers l'Asie et surtout la Chine à partir de fin 2019 par son gazoduc "Force de Sibérie". Et avec les projets de Sibur, qui veut continuer à grandir.

"Sibur est prêt à être introduit en bourse à tout moment si les conditions du marché s'y prêtent. Cela pourrait probablement arriver l'année prochaine. L'opération pourrait s'élever à environ 2-2,5 milliards de dollars", a déclaré à l'AFP une source proche de Sibur , ajoutant que "10 à 20% des parts du groupe pourraient être mises sur le marché".

Cette introduction dépasserait ainsi les 2,2 milliards de dollars levés par Rusal en 2010 et pourrait en faire la plus grande opération du type depuis les huit milliards levés par la banque VTB en 2007.

Selon Dmitri Konov, le patron de Sibur, son groupe est "l'une des sociétés les plus rentables du secteur pétrochimique à l'échelle mondiale. Cela nous rend très attractifs pour les investisseurs" et l'ouverture de la nouvelle usine en fera "un des principaux acteurs du marché de la pétrochimie" dans le monde.

Quant au spectre des sanctions, "nos activités reposent sur de solides fondamentaux et sont bien placées pour faire face à tous les défis économiques ou géopolitiques", a-t-il affirmé à l'AFP.

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