Energie nucléaire: un regain d'intérêt à concrétiser

  • AFP
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Après avoir connu des fortunes diverses, l'énergie nucléaire connaît un regain d'intérêt dans plusieurs pays, et un appel pour sa relance sera effectué par plusieurs gouvernements lors de la COP28. Etat des lieux du recours à l'atome dans le monde.

- Coup de frein post-Fukushima

L'énergie nucléaire génère moins de 10% de l'électricité mondiale, dans 31 pays, selon l'Agence internationale de l'énergie (AIE).

Elle a connu un coup de frein avec l'accident de la centrale de Fukushima au Japon en 2011. L'Allemagne et la Suisse décident alors son abandon, la Chine ralentit son faramineux programme. L'Italie avait voté pour la sortie du nucléaire par référendum dès 1987 après Tchernobyl.

Globalement, le monde est passé de 440 réacteurs en fonctionnement en 2005, son maximum, à 410, recense l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA).

La production nucléaire totale a retrouvé en 2021 son plus haut niveau, mais la suite est incertaine: le parc vieillit et le nombre de chantiers lancés chaque année - 10 en 2022, dont la moitié en Chine - est loin du rythme des années 70-80. Sur les années 2022 et 2023 réunies, dix réacteurs ont démarré, et autant ont fermé. Par comparaison, la seule année 1976 avait vu le lancement de 44 constructions.

- Champions historiques

Les Etats-Unis restent la première puissance nucléaire civile, avec 93 réacteurs, dont le dernier a commencé à fonctionner en avril. Mais leur âge moyen croît (42 ans).

Joe Biden croit cependant en son rôle pour atteindre 100% d'électricité "propre" en 2035, et veut soutenir la filière.

La France, avec 56 réacteurs (37 ans d'âge moyen), reste le pays le plus nucléarisé par habitant. Après avoir décidé de réduire la voilure, elle a engagé un nouveau programme de six voire 14 réacteurs, le premier attendu à horizon 2035-2037.

Dans l'intervalle, l'électricien EDF devra achever en Normandie son réacteur de nouvelle génération EPR, dont le démarrage est attendu au 2e trimestre 2024 avec 12 ans de retard.

La Grande-Bretagne, hier pionnière, doit fermer progressivement neuf réacteurs. Elle en prévoit huit nouveaux d'ici 2050 mais la seule centrale en construction, Hinkley Point C, a vu ses coûts s'envoler.

- Deux grands pays actifs

Aujourd'hui, les vrais superactifs du nucléaire civil sont la Chine à domicile et la Russie à l'exportation.

En 2020-2022, sur les 25 chantiers lancés dans le monde (première coulée du béton du réacteur), tous se trouvaient soit en Chine, soit hors de Chine portés par l'industrie russe, analyse le World Nuclear Industry Status Report (WNISR), rapport d'experts indépendants fondé sur des données publiques. En 2023, six constructions ont été lancées dont cinq en Chine et une par le russe Rosatom en Egypte.

La Chine dépasse désormais la France avec 57 réacteurs sur son territoire; elle en a 26 autres en construction (sur la base d'un mix de technologies, américaine, française, russe...).

Si la Chine oeuvre à domicile, la Russie domine le marché international, avec 24 réacteurs en chantier dont 5 chez elle.

- Regain d'intérêt, à concrétiser

Sur fond de crise énergétique et climatique, d'autres pays expriment un intérêt renouvelé pour l'atome.

Par exemple la Suède ou les Pays-Bas. Le Japon lui-même a lancé une réflexion sur la construction de nouveaux réacteurs et voté la prolongation des existants au-delà de 60 ans, mais 12 ans après Fukushima, la majorité du parc reste à l'arrêt. Pour la Pologne, la République tchèque ou l'Inde, il s'agit de réduire leur dépendance au charbon.

Avec la mise au point espérée de "petits réacteurs modulaires", le secteur vise aussi de nouveaux marchés, notamment dans les pays émergents.

Le monde pourrait bientôt compter une douzaine de nouveaux pays nucléaires, estime le directeur de l'AIEA, Rafael Mariano Grossi: Ghana, Kenya, Ouzbékistan, Kazakhstan, Philippines...

"Tout cela pourrait signifier que nous sommes dans une situation extrêmement positive. Or ce n'est pas le cas", a-t-il cependant dit mardi à Paris devant une filière confrontée à de grands défis opérationnels et financiers: en 2023, jusqu'ici, seuls quatre réacteurs ont été mis en service dans le monde.

D'autres pays, en raison du coût, des risques et du sort des déchets, restent aussi résolument contre, comme la Nouvelle-Zélande. Ces divergences se retrouvent au sein de l'UE dans les vifs débats sur le soutien à cette énergie. L'Allemagne a débranché ses trois derniers réacteurs en avril.

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