Espagne: la hausse du prix de l'électricité met le gouvernement sous tension

  • AFP
  • parue le

La canicule en Espagne a fait bondir le prix de l'électricité, donnant un nouveau coup de chaud à la coalition de gauche au pouvoir, divisée sur les remèdes à apporter à ce problème récurrent.

Les climatiseurs ont tourné à plein régime ces derniers jours pour lutter contre une vague de chaleur exceptionnelle, qui a grimpé jusqu'à 47 degrés en Andalousie (sud).

Les prix de l'électricité, déjà en forte hausse depuis des mois dans le sillage des cours mondiaux du gaz, se sont envolés sur le marché de gros espagnol, avec un impact à prévoir sur la facture du tarif dit "semi-régulé", qui concerne environ un tiers des particuliers.

"Tout indique que le mois d'août se terminera avec la facture d'électricité la plus chère de l'histoire", avec en moyenne 92 euros à payer (+44% sur un an), affirmait mardi l'association de consommateurs Facua.

Ce phénomène absorbe en partie la réduction temporaire de la TVA sur l'électricité -- de 21% à 10% -- décidée fin juillet par le gouvernement de gauche de Pedro Sánchez pour faire baisser la facture des consommateurs les plus modestes, qui avaient déjà pâti en janvier d'une hausse historique provoquée par une vague de froid.

Face à cette envolée, le parti de gauche radicale Podemos, pourtant membre de la coalition au pouvoir, n'a pas hésité à critiquer de nouveau ses partenaires socialistes, sur fond de regain de tension au sein du gouvernement sur la question migratoire.

"Il faut (que le gouvernement) intervienne sur le prix de l'énergie et se dirige vers un système de prix régulés", a déclaré la ministre du Travail Yolanda Diaz, co-dirigeante de Podemos et numéro trois du gouvernement, à la revue Ctxt.

"Tout cela est le résultat d'un processus de privatisations du secteur électrique (...) qui a débouché sur un oligopole avec des prix démultipliés chaque année", a-t-elle poursuivi.

Depuis des années, l'Espagne pâtit de sa dépendance au gaz pour sa production d'électricité, bien plus forte que celle de voisins européens comme la France, qui peut compter sur ses centrales nucléaires, explique à l'AFP Jordi Castilla, porte-parole de Facua, qui critique lui aussi la politique tarifaire des grands groupes énergétiques espagnols.

L'Espagne était fin 2020 le cinquième pays de l'UE où l'électricité est la plus chère pour les particuliers, l'Allemagne se classant en tête, selon les dernières données disponibles d'Eurostat.

- Entreprise publique -

Podemos demande qu'une partie des prix de l'électricité soit plafonnée immédiatement par le gouvernement via un décret-loi, menaçant même de mobiliser dans la rue si ce n'est pas le cas, dans un pays où la "pauvreté énergétique" fait régulièrement la une des médias.

"Dire que l'on peut résoudre ça avec un décret-loi génère de faux espoirs (...) Regardez ce qui se passe dans le reste de l'Europe, ce n'est pas un problème spécifique à l'Espagne", a rétorqué la ministre socialiste de l'Environnement, Teresa Ribera, sur la chaîne La Sexta.

Le gouvernement n'a pas de prise sur la hausse des cours mondiaux du gaz ou sur celle des droits d'émission de CO2, répète-t-elle depuis des semaines.

La responsable socialiste appelle à un changement des règles européennes du marché de l'électricité, où les prix sont, selon elles, dictés par les énergies fossiles, ce qui désavantage l'Espagne.

La ministre a écrit en ce sens au début de l'été à la Commission européenne, mais Bruxelles "a répondu ne pas avoir la moindre intention d'introduire des changements (...) Nous pensons que ce n'est pas raisonnable", a-t-elle affirmé il y a quelques jours à la radio Cadena Ser.

Pour la première fois, la ministre s'est cependant montrée ouverte à l'idée de créer une entreprise publique pour gérer les centrales hydroélectriques, une mesure réclamée de longue date par Podemos afin de couper l'herbe sous le pied des grands groupes, accusés de faire des profits faramineux sur le dos des consommateurs.

Mais il faut pour cela attendre l'expiration des concessions, ce qui prendra des années.

D'ici là, Podemos et les associations de consommateurs appellent le gouvernement à pérenniser la baisse de la TVA.

Les taxes représentent en Espagne plus de 45% du montant de la facture d'électricité, contre environ 40% en moyenne dans l'UE, selon Eurostat.

Madrid vient de prolonger jusqu'à fin octobre l'interdiction des coupures d'électricité, d'eau ou de gaz en raison d'impayés, afin d'aider les plus vulnérables face à la crise du Covid-19.

Commentaires

Energie+

En complément à ce bon article :

Pourquoi le prix de l’électricité monte en flèche en Espagne après avoir atteint un nouveau record historique

20% de l’augmentation est due au coût plus élevé des permis d’émission de Co2

50% de l’augmentation est une conséquence de l’augmentation des prix du gaz sur le marché

Le reste est dû à l’assiette fiscale plus élevée et à la répercussion sur les détaillants

Les valeurs extrêmes observées récemment ne définissent toutefois pas la tendance du marché à moyen et long terme et les dernières années ont également démontré des périodes d’importantes baisses de prix.

Observations globales en Europe pour comparer :

Au cours de la deuxième semaine d’août, les prix sur les marchés européens ont été divisés en trois groupes principaux

Dans le groupe des marchés à prix plus élevés se trouvaient les marchés N2EX, IPEX et MIBEL

Dans le groupe des marchés de milieu de gamme se trouvaient les marchés EPEX SPOT d’Allemagne, de France, de Belgique et des Pays-Bas.

Enfin, le groupe de marchés présentant les prix les plus bas était constitué exclusivement du marché Nord Pool, dont les prix sont habituellement beaucoup plus bas que ceux des autres marchés européens.

Le marché EPEX SPOT aux Pays-Bas a enregistré un prix de 106,56 €/MWh le jeudi 12/08 marquant son prix le plus élevé depuis au moins la dernière décennie

Les causes fondamentales de l’augmentation des prix du marché de l’électricité restent les prix élevés du gaz et du CO2, associés à la vague de chaleur dans le sud de l’Europe, qui a accru la demande dans certains pays, et au déclin ponctuel général de la production d’énergie éolienne, normale à cette période de l’année, qui s’est ensuite fortement reprise.

Au milieu du scénario de prix élevés sur tous les marchés européens, si on analyse le prix horaire, à 3h et 4h du matin le lundi 16 août sur le marché EPEX SPOT en France, il y avait des prix négatifs.

Le samedi 14 août, la même chose s’est produite sur le marché EPEX SPOT en Belgique à 13 heures, et à 14 heures le même jour, sur le marché EPEX SPOT en Allemagne, le prix était nul.

Ces prix horaires en Belgique et en Allemagne s’expliquent en grande partie par la forte production d’énergie renouvelable, tant éolienne que photovoltaïque.

Dans le cas de la France, les heures avec un prix négatif correspondent à une augmentation de la production éolienne.

Les prix à terme de l’électricité pour le trimestre suivant ont à nouveau enregistré une hausse généralisée sur tous les marchés analysés par exemple dans la base AleaSoft.

La plus forte augmentation en pourcentage, soit 9,5 %, a été enregistrée sur le marché nordique du NASDAQ.

Les hausses sur le marché EEX en Espagne et le marché OMIP en Espagne et au Portugal, ainsi que sur le marché ICE dans les pays nordiques, ont également été notables, avec des augmentations de plus de 7,1 %. Dans les autres marchés, les augmentations ont varié entre 1,6 % et 4,9 %.

La Banque d’Espagne a publié ces jours-ci (août 2021) un rapport sur le marché espagnol de l’électricité

Pourquoi la hausse

La Banque d’Espagne estime qu’environ 70 % de la forte augmentation des prix de gros de l’électricité cette année est due à l’augmentation des droits d’émission de CO2 (ils deviennent plus chers dans une tentative de l’UE de réduire l’utilisation des combustibles fossiles) et du gaz, matière utilisée par les centrales à cycle combiné que l’Espagne a choisi temporairement pour sa transition

Evolution quotidienne des droits d’émission

L’institution attribue environ un tiers de l’augmentation du prix de l’électricité à l’IPC interannuel harmonisé de l’Espagne, un impact bien supérieur à celui enregistré dans la zone euro et dans ses principales économies, où l’évolution des prix de gros de l’électricité ont été similaires à l’espagnol.

Une plus grande remise aux détaillants

Selon la Banque d’Espagne, l’explication de ces différences réside dans le système de fixation des prix de détail de l’électricité sur d’autres marchés européens par rapport à la méthodologie espagnole.

Après avoir rappelé que les prix de gros de l’électricité ont presque doublé au premier semestre, la Banque attribue près de 20 % de cette augmentation à la hausse des prix observée à la même période sur des droits d’émission de CO2, dont l’effet impacte directement les coûts de production d’électricité à cause des technologies utilisant des combustibles fossiles, qui ne sont qu’une transition.

L’institution souligne que la majeure partie de la hausse des prix de gros de l’électricité, environ la moitié, est due à la hausse des prix du gaz post-reprise au cours de la même période (alors qu’ils étaient en chute libre l’an passé). En prenant comme référence l’indice des prix de cette matière première sur le marché ibérique, la hausse des prix du gaz se serait traduite par une hausse d’environ 20,9 euros/MWh du prix de gros de l’électricité entre décembre 2020 et juin 2021.

« La hausse du coût des permis d’émission de CO2 explique un cinquième de la hausse des prix de gros de l’électricité, tandis que la hausse des prix du gaz en représente la moitié, soit 19,6 et 50,3 points de pourcentage, respectivement », indique la Banque d’Espagne qui analyse le rôle des droits d’émission de CO2 et des prix du gaz dans le rebond des prix de l’électricité.

La taxe de fabrication

En outre, rappelle la Banque, les entreprises transfèrent généralement, dans une plus ou moins grande mesure, sur le prix offert sur le marché de gros, la taxe sur la valeur de la production d’énergie électrique, qui prélève 7% sur la valeur de la production de toutes les centrales.

Compte tenu de l’augmentation de l’assiette fiscale, la Banque d’Espagne estime que jusqu’à 6,9 points de la hausse des prix de l’électricité pourraient s’expliquer par l’impact de cette taxe.

Dans son analyse, elle explique que les prix les plus bas sont ceux offerts par les centrales nucléaires, hydrauliques, éoliennes et solaires, tandis que les prix les plus élevés et, par conséquent, satisfaisant à la demande résiduelle, sont ceux offerts par les centrales hydrauliques et les centrales thermiques à combustible fossile.

“Malgré la forte augmentation de la production à partir de sources renouvelables, il est encore nécessaire de recourir fréquemment aux centrales thermiques à combustibles fossiles, c’est pourquoi ces générateurs ont tendance à exercer une certaine pression à la hausse sur le prix d’adéquation du marché”.

Tout au long de 2019 et au début de 2020 cependant, le prix de gros de l’électricité a affiché une tendance à la baisse en raison de l’augmentation de la production des sources d’énergie renouvelables et, en partie, en raison du gaz moins cher.

Avec le début de 2021, l’arrivée de la tempête Filomena a temporairement poussé les prix de gros de l’électricité à des niveaux très élevés, même si en février, rappelle l’institution, « il y a eu un retournement rapide en raison de la forte production des centrales hydroélectriques et de la prévalence des conditions atmosphériques qui ont favorisé une augmentation de la production des centrales éoliennes ».

Un aperçu du passé

La Banque d’Espagne précise que “habituellement, l’énergie électrique a tendance à devenir moins chère au printemps en raison de la confluence de différents facteurs. Du côté de l’offre, la production des centrales hydroélectriques est plus élevée à cette période de l’année, car le volume d’eau stocké l’est aussi. De plus, la demande a tendance à diminuer en cette période pour des raisons saisonnières.

Ainsi, la hausse “atypique” des prix de l’électricité de cette année est due, en grande partie, à la pression à la hausse que la technologie du cycle combiné exerce sur l’ajustement quotidien des prix.

D’une part, cela est dû à l’augmentation significative du prix du gaz.

Mais, en plus et d’autre part, à l’augmentation des droits d’émission de gaz à effet de serre associée à la production d’électricité dans les centrales à cycle combiné.

Tout cela a eu un impact sur les prix du marché de détail

Volatilité plus élevée

Selon la Banque, l’Espagne affiche « une volatilité plus élevée » que les principales économies de la zone euro dans le prix final de l’électricité supporté par le consommateur domestique.

Bien que les forfaits élimineraient l’incertitude quant à d’éventuelles évolutions des prix, ils incorporeraient une prime pour l’élimination du risque qui se traduirait par des prix plus élevés.

Au contraire, explique la Banque, les tarifs dynamiques offrent des prix globalement plus bas sur la durée en échange du transfert de la volatilité du prix final à payer au consommateur

https://www.bde.es/f/webbde/SES/Secciones/Publicaciones/PublicacionesSe…

.

Energie+

(Suite) En complément des spécificités du marché espagnol, analyse de la base de données et prévisionnelle AleaSoft qui précise plus globalement sur tous les pays européens l’impact des prix du gaz et du C02 et qui démontre, chiffres à l’appui, que la production éolienne et solaire en Espagne n’est pas en cause, elle a plutôt mieux joué son rôle que dans d’autres pays européens

“Les hausses de prix sur les marchés au comptant et à terme de l’électricité se sont poursuivies au cours de la deuxième semaine d’août, à nouveau tirées par les prix du gaz et du CO2, qui sont à des sommets historiques”

Les Pays-Bas ont atteint le prix quotidien le plus élevé depuis au moins six ans (là aussi en rien à cause des renouvelables)

La production d’énergie solaire a augmenté au cours de la semaine du 9 août sur la plupart des marchés européens par rapport aux sept jours précédents. Les marchés de la France et de l’Allemagne ont connu les plus fortes hausses, 33 % et 29 % respectivement, alors que l’Italie enregistrait une hausse de 3,3 %. En Espagne, il y a eu une baisse de 19% et au Portugal, il y a eu une légère baisse de 0,1%

La production d’énergie éolienne a baissé de manière généralisée sur les marchés de l’électricité du continent européen durant les journées du 9 au 15 août par rapport à la même période de la semaine précédente.

Les baisses les plus significatives se sont produites sur les marchés d’Italie, de France et du Portugal où la production avec cette technologie est tombée entre 49% et 58%. En Italie, la baisse a été de 25 % et en Espagne de seulement 19 %.

L’éolien comme le solaire en Espagne ont donc plutôt bien joué leur rôle et l’éolien s’est ensuite repris fortement, y compris plus généralement en Europe.

Pour la semaine du 15 août, la production d’énergie éolienne a augmenté sur tous les marchés européens et cette augmentation a été prévue considérable sur les marchés de la péninsule ibérique, selon les prévisions de production d’énergie éolienne d’AleaSoft.

Demande d’électricité

Dans la semaine du 9 août, la demande d’électricité a augmenté sur la plupart des marchés européens par rapport à la semaine précédente. La canicule qui a frappé le sud de l’Europe a favorisé ces reprises. Ce phénomène causé par l’anticyclone subtropical Lucifer a déclenché des températures en Espagne, où le record historique maximal a été enregistré pour un observatoire du réseau principal de l’Agence météorologique de l’État (AEMET), qui était de 47,2 °C à 17h10 le samedi 14 août à la municipalité de Montoro, en Andalousie, au-dessus du précédent record de la capitale Cordoue, de 46,9 °C le 13 juillet 2017. Ces températures élevées ont été les principales causes de l’augmentation de la demande sur 4,1% du marché espagnol. En l’absence de confirmation de l’Organisation météorologique mondiale, jeudi 12 août, le record européen de température maximale de 48,8 °C a été enregistré en Sicile, en Italie, dépassant les 48,0 °C enregistrés à Athènes, en Grèce, le 10 juillet 1977.

L’augmentation des températures a été le facteur le plus influent dans les augmentations de la demande sur les marchés de Grande-Bretagne, de France et de Belgique, qui se situaient entre 1,0 % et 4,0 %. Comme pour le reste des marchés, en Allemagne et au Portugal, les baisses ont été inférieures à 1,0 %.

Au cours de la semaine du 9 août, les prix moyens des marchés européens de l’électricité analysés chez AleaSoft ont augmenté par rapport à la semaine précédente.

La plus forte augmentation a été enregistrée sur le marché EPEX SPOT de la France, qui était de 39%, suivi par l’augmentation du marché EPEX SPOT de la Belgique, de 33%.

Le marché où les prix ont le moins augmenté est le marché britannique N2EX, avec une augmentation de 2,8%. Sur le reste des marchés, les prix ont augmenté entre 9,1% sur le marché IPEX en Italie et 22% sur le marché Nord Pool des pays nordiques.

Les causes fondamentales de l’augmentation des prix sur les marchés de l’électricité restent les prix élevés du gaz et du CO2, auxquels s’ajoutent la canicule qui a touché le sud de l’Europe, qui a augmenté la demande dans certains pays

https://aleasoft.com/price-rises-all-time-highs-european-energy-markets…

.

Ajouter un commentaire