Fusion ASN/IRSN : suspense à l'Assemblée nationale autour d'une réforme décriée

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Clap de fin ? Le Parlement pourrait entériner mardi la fusion controversée du gendarme du nucléaire, l'ASN, avec l'expert technique du secteur, l'IRSN, mais l'incertitude plane sur le vote des députés, qui l'avaient validée d'extrême justesse en première lecture.

Vote des deux chambres

L'Assemblée nationale et le Sénat doivent se prononcer sur le compromis scellé entre représentants des deux chambres pour cette réforme, poussée par l'exécutif malgré le risque d'une "désorganisation" du système redoutée par ses détracteurs.

Si le feu vert du Sénat, attendu dans la soirée, fait peu de doute, le vote des députés en fin d'après-midi est plus incertain : le 19 mars, en première lecture, ils n'avaient adopté le projet de loi qu'avec 260 voix contre 259.

Une Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR)

Ce texte prévoit la création en 2025 d'une Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR), issue du rapprochement de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), qui emploient respectivement environ 530 et 1 740 agents.

Dans le contexte d'un vaste plan de relance de l'atome, le gouvernement estime que la fin d'un système dual permettra de "fluidifier" le secteur en réduisant les délais d'expertise et d'autorisation d'installations.

Les opposants alertent eux sur une possible perte d'indépendance des experts et de transparence à l'égard du public. Outre la gauche et des associations environnementales, la fronde est menée par les syndicats des deux entités. "On espère toujours que les députés voteront en responsabilité, en dehors de toute pression politique", appelle Névéna Latil-Querrec (CGT), de l'intersyndicale de l'IRSN, qui a prévu des manifestations mardi près de l'Assemblée.

Les revirements du RN

Motif d'espoir pour les syndicats, l'article-clé de la réforme avait été rejeté en commission début mars à l'Assemblée, avant d'être rétabli en séance. Un an plus tôt, c'est dans l'hémicycle qu'une coalition des oppositions avait réussi à faire barrage à la fusion, en rejetant un amendement de l'exécutif à un projet de loi de relance du nucléaire.

L'ensemble des groupes de gauche, pro ou antinucléaires, ont toujours voté contre cette réforme soutenue par le camp présidentiel - malgré des voix dissidentes en son sein -, avec l'appui d'une majorité des députés Les Républicains (LR, droite).

Les débats ont été marqués par les revirements des députés du Rassemblement national (RN), qui ont voté contre le projet de loi le 19 mars, après avoir approuvé dans l'hémicycle son article principal une semaine plus tôt.

Le député RN Jean-Philippe Tanguy s'était justifié en dénonçant le "comportement odieux" de la majorité, "qui consiste à nous faire la danse du ventre dans les couloirs, à vouloir notre soutien, mais à ne jamais entendre nos remarques pour améliorer leur réforme et ils se permettent de nous insulter en séance en nous traitant d'héritiers de Pétain".

Le RN, qui laisse plane le suspense sur sa position mardi, n'a pas pris part à la commission mixte paritaire (CMP), où des représentants du Sénat et de l'Assemblée ont préparé le compromis soumis aux deux chambres.

« Lait sur le feu »

"Nous devons transformer l'essai", espère le rapporteur du texte à l'Assemblée, Jean-Luc Fugit (Renaissance), louant les garanties apportées en CMP sur l'indépendance de la future entité.

La nouvelle entité "sera surveillée comme le lait sur le feu", fait-il valoir, en soulignant qu'elle devra présenter son projet de règlement intérieur aux parlementaires.

Comme le demandait le Sénat, "la rédaction finale aboutit à une vraie séparation entre les agents", s'est réjoui le sénateur LR Patrick Chaize, corapporteur du texte. Un amendement adopté en CMP prévoit ainsi "pour chaque dossier" une distinction entre le personnel chargé de l'expertise et celui chargé d'une décision.

Mais, déplore la députée socialiste Anna Pic, "un même agent pourrait intervenir en tant qu'expert sur un dossier une semaine, puis prendre la casquette de décisionnaire la semaine suivante sur un autre". "On va confondre la décision et l'expertise", dénonce-t-elle.

Députés et sénateurs se sont également accordés sur un nouveau processus de nomination du président du groupe Orano, spécialiste français de l'uranium, via la procédure définie à l'article 13 de la Constitution, c'est-à-dire par le président de la République après avis des commissions permanentes du Sénat et de l'Assemblée.

Commentaires

Paul Ducretet

Actuellement plusieurs enquêtes sont en cours visant des parlementaires et commissaires Européens.
Le même problème qu'en France: la corruption, rebaptisée "lobbying".
Un exemple fourni par le Directeur d'exploitation de la ferme attachée à un lycée agricole:
s'il faisait faire la nouvelle étable.lui-même, comme un agriculteur classique, elle coûterait un million d'euros et serait finie en quelques mois. En tant qu'exploitation de lycée agricole, c'est obligatoirement la Région qui s'en occupe, ça coûte plus de deux millions d'euros et ce sera fini dans trois ou quatre ans...
Pour les panneaux solaires, éoliennes et voitures chinoises, les chinois seraient deux fois moins chers que nos entreprises Européennes, ça ne m'étonne guère, et j'ai un gros doute qu'ils reçoivent des subventions comme le prétend cette commissaire Européenne. En Chine c'est "marche ou crève" c'est pour celà que leurs entreprises sont si fortes.
Chez nous, au contraire, les fistons de nos dirigeants sont choyés en montant leurs boîtes à grands coups de financements, subventions, et ne peuvent fonctionner que dans un contexte protectionniste.
C'est nous autres consommateurs qui réglons la note: tout est très cher chez nous, par rapport aux revenus modestes qu'on nous octroie.

Paul Ducretet

"Le Parlement pourrait entériner mardi la fusion controversée du gendarme du nucléaire, l'ASN, avec l'expert technique du secteur, l'IRSN"
Là nous avons de quoi nous inquiéter, car depuis longtemps ce sont l'ASN et l'IRSN qui nous protègent contre des comportements dangereux de dirigeants d'EdF dans la construction et l'exploitation de centrales nucléaires.
Cette fusion, c'est le but poursuivi officieusement, devrait rendre ces entités plus soumises au pouvoir politique et plus discrètes vis à vis du public...
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"Députés et sénateurs se sont également accordés sur un nouveau processus de nomination du président du groupe Orano, spécialiste français de l'uranium, via la procédure définie à l'article 13 de la Constitution, c'est-à-dire par le président de la République après avis des commissions permanentes du Sénat et de l'Assemblée.".
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Le groupe Orano, ex-Areva, avait changé de nom à la suite de l'accident nucléaire de Fukushima entrainant sa quasi-faillite, et son sauvetage par l'Etat..
Il faut savoir qu'à Fukushima, le premier réacteur nucléaire à sauter suite à la fusion du coeur combustible, c'est le réacteur numéro trois, chargé en combustible MOX de l'entreprise Areva. Ce combustible a fondu comme beurre au soleil dès le début de l'accident, et s'est montré beaucoup beaucoup plus dangereux et radioactif que le combustible traditionnel.
Nos autorités et nos journalistes ne nous ont pas vraiment informés de cela, mais dans le Monde entier les opérateurs du nucléaire ont retiré leur confiance à ce type de combustible, sur lequel Areva faisait ses profits depuis plus de trente ans.
Reste nous autres, pauvres couillons de Français, pour consommer ce dangereux mix d'uranium, de plutonium, et de déchets radioactifs.
Si c'est le Président Emmanuel Macron qui désigne le Président du groupe Orano, nous avons de quoi nous inquiéter, ça va être la fuite en avant, avec des considérations politiques qui vont l'emporter sur tout le reste.

Lecteur 76

Multiplier le nombre d'observateurs, leur donner à chacun une couronne qui formalise leur vocation propre (toi t'es le techno, moi j'suis le politique) comme si le problème n'était pas à prendre globalement, c'est découper souvent artificiellement le processus de décision, c'est encourager les stratégies individuelles et notamment, même en dehors du sujet nucléaire, encourager les stratégies syndicales et partisane, c'est faciliter un processus d'absence de décision et en renforcer considérablement le coût sur le plan financier comme politique .... Cf l'excellent exemple cité par M. Ducretet en introduction de son premier billet ci dessus ... dont il oublie la portée dans son second billet pour faire passer son opinion anti-nucléaire. Serions nous, nous les français, si nuls à prendre des décisions lourdes pour l'avenir que la seule façon de nous en sortir serait de ne pas prendre de décisions - et de conserver l'usine à gaz actuelle (maintenir la séparation ASN & IRSN) pour être bien sûrs que les décisions ne seront pas prises ou bien qu'elles ne seront prises qu'après de courageuses batailles inutiles et de longs coûts d'expertise et de pertes de temps (comme pendant les 30 dernières années) ?

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