Guerre en Ukraine : la dépendance aux engrais russes, une épine dans le sol européen

  • AFP
  • parue le

Le premier choc a été celui de la flambée des grains et huiles, le second est celui des engrais : la guerre en Ukraine a jeté une lumière crue sur la dépendance de l'agriculture européenne au gaz russe, premier ingrédient des fertilisants de synthèse.

Le gouvernement russe a d'ores et déjà recommandé à ses producteurs d'engrais de suspendre leurs exportations. L'enjeu est majeur pour l'Union européenne, qui importe de Russie à la fois gaz et engrais.

Qu'est-ce que l'engrais ?

Les engrais contiennent des nutriments pour nourrir les plantes et favoriser leur développement. Ils peuvent être d'origine organique (purin d'orties, lisier, fientes de poules...) ou d'origine minérale : fabriqués à partir de l'azote (N) de l'air ou de minerais extraits du sous-sol comme le phosphore (P) et la potasse (K).

L'immense majorité des agriculteurs européens utilisent des engrais minéraux "NPK" et notamment azotés. L'International Fertilizer Association (IFA), qui regroupe l'industrie mondiale des engrais, estime que 85% des sols dans le monde manquent d'azote, un élément "moteur de la croissance végétale".

Les fertilisants azotés sont fabriqués à partir d'ammoniac, obtenu en combinant l'azote de l'air et l'hydrogène provenant du gaz naturel. Près de 80% du coût de production de l'ammoniac est lié à l'utilisation du gaz. Il existe plusieurs types de ces engrais : sous forme liquide (solution azotée) ou de granulés (ammonitrate et urée).

Une double dépendance

"En 2021, la Russie était le premier exportateur d'engrais azotés et le deuxième fournisseur d'engrais potassiques et phosphorés", rappelle l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO). "40% de l'approvisionnement européen en gaz provient actuellement de Russie", qui fournit "25% de l'approvisionnement européen" en azote, potasse et phosphate, alertait le 1er mars Svein Tore Holsether, patron du Norvégien Yara, le premier producteur mondial d'engrais azotés minéraux.

L'Union européenne consomme chaque année "plus de 11 millions de tonnes d'azote de synthèse" selon un récent rapport de députés européens écologistes. Elle dépend donc de la Russie à la fois pour son gaz et ses importations directes de fertilisants, le Brésil restant le premier importateur d'engrais azotés russes.

Une flambée des prix continue

Le prix des engrais minéraux n'a cessé d'augmenter, dans le sillage de l'envolée du gaz naturel. "Les prix de l'urée, un engrais azoté clé, ont plus que triplé au cours des douze derniers mois", selon la FAO. L'invasion russe en Ukraine a de nouveau dopé le prix du gaz et la solution azotée, qui coûtait environ 600 euros la tonne fin octobre sur le marché européen, atteint désormais les 800 euros, "un record", souligne Isaure Perrot, consultante au cabinet Agritel.

Dans ces conditions, Yara a annoncé qu'il réduisait temporairement sa production en France et en Italie, et son président a jugé "crucial" que la communauté internationale "s'emploie à réduire la dépendance à l'égard de la Russie".

Le risque éventuel d'une pénurie est encore supplanté par la crainte sur les capacités d'approvisionnement au vu des coûts astronomiques des fertilisants : "En Europe de l'Ouest, les agriculteurs sont en général couverts pour les semis de printemps, mais la question se pose pour la campagne de 2023", alerte Edward de Saint-Denis, courtier chez Plantureux et associés. Aujourd'hui, et "malgré la hausse des cours des céréales, il n'est pas rentable d'acheter des engrais à 800 euros la tonne", renchérit Isaure Perrot.

Quelles solutions ?

L'Europe va devoir se tourner vers d'autres sources : "Il y a du gaz en Algérie, aux États-Unis - mais à quel prix ? - et aussi en Iran ou au Kazakhstan - mais voudra-t-on acheter à ces pays-là?", s'interroge Mme Perrot.

Pour la potasse, dont près de 40% sont importés de Russie et de Biélorussie, l'Europe pourrait se tourner vers le Canada, qui est déjà son principal fournisseur, mais à des prix plus élevés, ou vers Israël et la Jordanie, estiment des courtiers en céréales.

L'UE pourrait aussi augmenter ses apports en phosphate, dont Chine, Maroc et États-Unis sont les premiers producteurs, mais, soulignent-t-il, cela ne remplacera pas l'azote, sur lequel repose les rendements élevés européens.

Pour Isaure Perrot, des pistes alternatives seront creusées si la crise perdure, comme une modification des cultures, en privilégiant légumineuses, tournesol ou soja, moins gourmands en azote que le blé et le maïs. De son côté, Yara veut, dès 2023, produire 30% de ses ammonitrates à partir de l'hydrolyse de l'eau - et non de gaz. Un "hydrogène vert" encore très cher mais qui permettrait de s'affranchir à la fois des énergies fossiles et de la dépendance au gaz russe.

Commentaires

APO

Petit commentaire sur :
- "" Elle dépend donc de la Russie à la fois pour son gaz et ses importations directes de fertilisants, le Brésil restant le premier importateur d'engrais azotés russes. "" --> On comprend pourquoi Bolsonaro est allé voir Putin avant le début du conflit... Et qu'à priori, il ne prendra pas beaucoup de mesures draconiennes contre la Russie...

- "" De son côté, Yara veut, dès 2023, produire 30% de ses ammonitrates à partir de l'hydrolyse de l'eau - et non de gaz. Un "hydrogène vert" encore très cher mais qui permettrait de s'affranchir à la fois des énergies fossiles et de la dépendance au gaz russe. "" --> Il serait intéressant de savoir les besoins en électricité (MW.h) par Tonne d'ammonitrates !!???
Ce dernier point est intéressant car accélérer sur ce point va dans le sens de la "Transition énergétique"/évolution énergétique de manière assez vertueuses (si l'électricité n'est pas d'origine fossile...).

APO

Pour conclure, cela pourrait aussi être (la situation actuelle) le "Terreau" de certains changements dans les pratiques agricoles...
--> D'une épine passé à du "compost" d'épines et autres végétaux/matières organiques variés... Il restera des besoins en intrants c'est sur, mais il faut réfléchir à nos cycles de production/valorisation/recyclage...

FLUCHERE

LA CE demande d'externaliser à tour de bras. Les 27 n'ont plus aucune souveraineté, ni alimentaire, ni agricole, ni industrielle, ni manufacturière. Y-at-il quelqu'un qui s'en préoccupe à Bruxelles.

APO

Oui, ils "libéralisent" les Outils d'analyse de Situation et après délibèrent dessus (à Bruxelles) sans omettre de prendre tous les avis (sauf de ceux qui pourraient avoir une position dominante, même si hérité(s) d'une gestion efficace et vertueuse pour 1 Nation), ils font ensuite des moyennes sur les n avis des 27 (à poids quasi égal) et voilà le Mix ... De Bonnes crèmes glacées et autres pommades distribuées à tout le monde et tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes !!!

Et pourtant sans l'Europe, la France ne sera bientôt plus grand chose sur l'échiquier mondial... Donc on se doit d'y rester !!!
Les Lobbys industriels allemands ont profité "à fond" de cette situation qu'ils maitrisent (notamment les constructeurs automobiles ... avec leur "Tanks" CO2 +++++ sur toute la ligne...). Certaines filières françaises ont été pénalisées "à fond" (EDF, filière nucléaire, ...) par l'Europe...

APO

Et le Plus Fort de tout, c'est le PANNEAU PV Chinois, celui-là si on arrête le Nucléaire en Europe on va se le prendre à pleine vitesse et en pleine face dans quelques années.
Personnellement je dirais entre 2040 et 2045, pour que les Chinois nous "écrasent" de leur Puissance retrouvée en 2049 (Grand Gueuleton Prévu à Pékin !!! avec la IIIème Voie du Communisme triomphante !!!)

FLUCHERE

@APO, nous sommes déjà dans le "tuyau" vis à vis des chinois.

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