Jean-Pierre Clamadieu, un stratège à la manoeuvre chez Engie

  • AFP
  • parue le

Fin stratège et discret manoeuvrier, Jean-Pierre Clamadieu est sorti vainqueur jeudi, deux ans après son arrivée à la présidence du conseil d'administration d'Engie, du bras de fer qui l'opposait à sa directrice générale Isabelle Kocher.

Qu'il est loin le mois de mai 2018, quand les deux dirigeants s'affichaient unis à la tête du groupe énergétique. "Duel ou duo? Je peux vous le dire, ce sera un duo, nous le souhaitons tous deux ardemment", assurait à l'époque Isabelle Kocher en assemblée générale.

L'intronisation au conseil d'administration d'Engie de celui qui était alors président du groupe de chimie belge Solvay avait dans la foulée été validé à 98,56%.

Dès le début néanmoins, la cohabitation s'annonce compliquée, Isabelle Kocher ayant tenté de cumuler les deux fonctions.

Et si le président du conseil d'administration de l'Opéra de Paris (depuis octobre 2018) n'a cessé d'affirmer que la collaboration fonctionnait "efficacement", il n'est sans doute pas mécontent du départ de la seule femme dirigeante du CAC 40, avec laquelle il avait un "problème de confiance", selon une source proche du dossier.

Différence de style

Si Isabelle Kocher n'a pas hésité à prendre l'opinion à témoin pour tenter de conserver ses fonctions, Jean-Pierre Clamadieu se fait beaucoup plus discret, même s'il ne boude pas les rendez-vous "off" avec la presse spécialisée.

Agé de 61 ans, le natif de Chambéry à l'élégance BCBG est de manière générale peu disert.

Diplômé de l'Ecole Nationale Supérieure des Mines de Paris, il a débuté sa carrière dans l'administration française, notamment au cabinet de la ministre du Travail de l'époque, Martine Aubry. Il y a côtoyé l'actuelle détentrice du portefeuille, Muriel Pénicaud.

Après la défaite de la gauche aux élections législatives de 1993, cet homme pressé rejoint en juillet le groupe Rhône-Poulenc, que le gouvernement d'Edouard Balladur s'apprête à privatiser. Dix ans plus tard, il devient directeur général de Rhodia, société issue de la séparation des activités chimie et pharmacie de Rhône-Poulenc.

Le groupe est alors en pleine tourmente, lourdement endetté et faisant face à une conjoncture difficile. "Vous n'avez pas devant vous un directeur général serein (...) mais un directeur général face à des challenges et qui a le sentiment qu'ils sont en train d'être relevés", plaide en 2004 Jean-Pierre Clamadieu devant ses actionnaires.

Promesse tenue: épargné par une affaire de communication financière "inexacte, imprécise et trompeuse", qui a valu en 2007 une amende de plus d'un million d'euros au groupe et à son ancien PDG Jean-Pierre Tirouflet, il peut annoncer triomphalement la même année, au prix d'une sévère cure d'amaigrissement, que Rhodia a réalisé en 2006 "le premier résultat net positif depuis 2000".

Profonde transformation

Si le coordinateur CGT de l'époque, Bernard Ughetto-Monfrin, évoque "un grand bradage", la pérennité du groupe est assurée par une OPA amicale du groupe belge Solvay, en 2011. Jean-Pierre Clamadieu devient numéro deux du nouvel ensemble, puis numéro un au départ en retraite du capitaine d'industrie belge Christian Jourquin un an plus tard.

Sous sa houlette, Solvay change - plus d'une quarantaine d'opérations de cessions et acquisitions depuis 2011, note en février 2019 le quotidien économique belge L'Echo - et le groupe fait son entrée en 2012 au sein du CAC 40 français, avant d'en sortir fin 2018. Ces états de service en font un candidat possible à la tête de plusieurs mastodontes français, comme EDF ou Areva.

Il reste aussi présent dans les cercles parisiens, via diverses fonctions au sein d'organismes patronaux (Afep, Medef), au conseil d'administration d'Axa, ou encore à l'Institut Montaigne où il a présidé en 2014 un groupe de travail préconisant d'"avancer sur la question du gaz de schiste".

Chez Engie, dont l'Etat détient 24%, il doit poursuivre une profonde transformation de l'activité, avec un accent mis sur les services énergétiques, l'électricité d'origine renouvelable ainsi que les infrastructures gazières.

Depuis quelques mois, la question du renouvellement d'Isabelle Kocher ainsi qu'une hypothèse de démantèlement du groupe ont conduit Jean-Pierre Clamadieu à se faire moins discret qu'à l'accoutumée, démentant notamment le second point. Ses prochaines déclarations seront forcément passées au crible, d'ici l'assemblée générale du groupe en mai.

 

Commentaires

Daniel SCHRICKE

Bienvenue à Monsieur Clamadieu ! J'espère, personnellement, qu'en matière d'énergie, il sera plus à l'écoute des scientifiques (les véritables "sachant") que des idéologues patentés qui répandent à l'envi contre-vérités et s'appuient sur des chiffres fantaisistes pour tenter de convaincre l'opinion et les décideurs qu'il convient, par exemple de suivre le "contre-exemple" Allemand, en matière énergétique, qui s'avère être une véritable catastrophe !

Ajouter un commentaire

Suggestion de lecture