La France veut libérer le "potentiel" de ses barrages endormis

  • AFP
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C'est une énergie renouvelable sous-exploitée: sous l'impulsion d'EDF, la France veut libérer le "potentiel" de production électrique de ses barrages, un patrimoine national endormi du fait d'un vieux contentieux avec Bruxelles.

Poids lourd historique et méconnu de la production électrique, l'hydroélectricité est au coeur d'une discrète bataille à Bruxelles où la Commission européenne presse depuis le milieu des années 2000 Paris de remettre en concurrence ses concessions de barrages.

Le parc hydraulique est constitué pour l'essentiel d'environ 340 ouvrages exploités en concession de service public. La majorité est concédée à EDF (70% de la production hydroélectrique nationale), les autres à Engie via ses filiales, la Compagnie nationale du Rhône (autour de 25%), et la Société hydro-électrique du Midi (moins de 3%), selon la Cour des comptes.

Or, ces contrats ont été "passés par l'État au siècle dernier et viennent progressivement à échéance", ont souligné les magistrats financiers dans un rapport de février.

"Trente-huit concessions sont déjà échues", a relevé mercredi la députée Marie-Noëlle Battistel lors d'une audition du PDG d'EDF Luc Rémont à l'Assemblée nationale.

Après deux mises en demeure européennes en 2015 et 2019, le dossier patine...

La Cour des comptes a appelé le gouvernement à "sortir rapidement de cette situation afin d'éviter que la gestion d'ensemble du parc hydroélectrique ne se dégrade et qu'il ne puisse jouer pleinement son rôle dans la transition énergétique".

Alors comment en sortir? EDF plaide pour que les ouvrages soient exploités sous le régime de l'autorisation, comme "dans la plupart des pays européens", ce qui permettrait de libérer les investissements, a souligné Luc Rémont mercredi.

"Le régime des concessions en lui-même bloque les investissements", a-t-il justifié, en présentant pour la première fois ses propositions pour l'hydroélectricité.

Selon EDF, ce régime contraint à remettre l'ouvrage en concurrence s'il doit faire l'objet d'un investissement substantiel visant par exemple à augmenter sa puissance. De quoi freiner les grands projets de modernisation d'installations parfois vieillissantes.

"Au moment où le pays a besoin de plus d'énergies décarbonées commandables (...) il est souhaitable pour le pays et même pour l'Europe que nous soyons capables de reprendre les investissements significativement dans le domaine de l'hydraulique", a insisté le PDG.

- Première énergie renouvelable -

Au contraire, un régime d'autorisation permettrait d'"investir dans les barrages sans en perdre l'exploitation", résume un porte-parole d'EDF.

"Quel que soit le choix du gouvernement, la solution devra être conforme au droit européen, commune à l'ensemble des acteurs publics et privés, et équitable", insiste un autre acteur du secteur.

Le poids de l'hydraulique est loin d'être négligeable: selon la Cour des comptes, "la France dispose en métropole du plus important parc de l'UE, d'une puissance de 25,4 gigawatts". Le parc nucléaire pèse lui 61,4 GW.

La production "hydro", même tombée en 2022 à un plus bas historique depuis 1976 en raison de la sécheresse, a représenté 11% de la production électrique. Elle reste la première énergie renouvelable, devant l'éolien et le solaire, et a l'avantage de pouvoir être stockée.

"Notre pays a encore du potentiel dans le domaine de l'hydraulique" qui ne nécessiterait "pas forcément des constructions" nouvelles mais des "transformations" comme des "réhausses" de barrages avec un "impact environnemental limité", a développé M. Rémont.

Le "potentiel de développement est encore très important avec au moins 500 mégawatts d'augmentation de puissance et 1.500 MW de capacités en stations de transfert d'énergie par pompage (STEP) à l'horizon 2035. Et d'autres projets sont à l'étude pour ajouter 2 GW au-delà", explique Emmanuelle Verger, directrice d'EDF Hydro.

Barrages d'un genre particulier, les STEP fonctionnent comme des "méga-batteries" à ciel ouvert grâce à un système de turbines qui permet de lâcher puis de repomper l'eau. La France n'en compte que six alors qu'ils permettent d'absorber les pics de consommation et de production.

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