Le pétrole ravive un conflit territorial séculaire entre Venezuela et Guyana

  • AFP
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Le pétrole nerf de la guerre... La découverte de vastes gisements de pétrole a ravivé le vieux conflit sur l'Essequibo, un territoire de 160.000 km2 administré par le Guyana mais que le Venezuela revendique en soutenant que la véritable frontière est celle datant de l'empire espagnol en 1777.

Le différend est porté devant la Cour internationale de justice (CIJ), la plus haute juridiction de l'ONU, que le Venezuela ne reconnaît pas. Le Guyana estime que les frontières ont été actées en 1899, lorsque le Royaume-uni était la puissance coloniale du territoire.

- Les réserves de pétrole du Venezuela et du Guyana sont-elles considérables ?

Le géant américain ExxonMobil a découvert d'énormes réserves de pétrole dans l'Essequibo en 2015. Avec de nouvelles découvertes en octobre, le Guyana, 800.000 habitants, possède désormais les réserves par habitant les plus élevées au monde, estimées à 11 milliards de barils, soit un niveau similaire à celui du Koweit.

ExxonMobil a développé 63 projets de forage dans le bloc Stabroek, ce qui a conduit le Guyana à porter sa production à 600.000 barils par jour (bpj). Elle devrait atteindre 1,2 million bpj d'ici à fin 2027.

Caracas estime que l'opération pétrolière se déroule dans des eaux disputées et accuse le président guyanien Irfaan Ali d'être un "esclave" d'ExxonMobil.

Le Venezuela possède les plus grandes réserves prouvées de pétrole au monde, soit 300 milliards de barils, mais son industrie pétrolière est en crise, en raison d'une mauvaise gestion, de la corruption ainsi que des sanctions économiques. Sa production, en un peu plus d'une décennie, a chuté de plus de 3 millions bpj à moins de 400.000. La production remonte lentement et se situe autour de 750.000 bpj.

- Le Venezuela peut-il accorder des licences dans la région ?

Après le référendum du 3 décembre qui a approuvé la création d'une province vénézuélienne dans l'Essequibo, le président vénézuélien Nicolas Maduro a ordonné à la compagnie pétrolière publique PDVSA d'octroyer des licences d'exploitation de pétrole, de gaz et de minerais dans la zone contestée. Il a proposé de donner aux entreprises travaillant avec le Guyana un délai de trois mois pour se retirer de la zone et négocier avec le Venezuela.

Le président guyanien a qualifié ces annonces de "menace directe" pour la sécurité du Guyana.

"La question du délai de trois mois (...) est l'une des plus préoccupantes et, d'une certaine manière, génère une incertitude significative", a déclaré à l'AFP Mariano de Alba, conseiller de l'International Crisis Group (ICG). "Cela soulève des incertitudes, des risques et des coûts pour ces entreprises, il faudra voir comment elles réagissent."

L'octroi des permis d'exploitation est cependant difficile à appliquer. "C'est de la rhétorique", affirme Ramon Escovar Leon, avocat spécialisé dans les litiges internationaux. "Sur le papier, la licence peut être accordée, mais l'exécution n'est pas garantie", souligne Mariano de Alba, en estimant que Nicolas Maduro cherche essentiellement à forcer une négociation que son homologue Irfaan Ali a refusée.

"Toute tentative d'exploration pétrolière par vos compagnies pétrolières d'Etat ou vos entreprises sur notre territoire sera considérée comme une incursion du Guyana", a averti le vice-président guyanais Bharrat Jagdeo, appelant les compagnies à "ignorer Maduro et son ultimatum (...) Les entreprises opèrent légalement".

- Un conflit armé à venir ? -

Malgré l'inquiétude internationale, les experts estiment que la situation ne risque pas de dégénérer en conflit armé. La tension est encore montée avec l'annonce d'exercices militaires aériens américains au Guyana, "une provocation" pour le Venezuela.

Soucieux de leur approvisionnement en pétrole à moyen et long terme, les Etats-Unis ont tout intérêt à ce que cette zone, toute proche et qui comprend les plus grands gisements du monde, reste stable.

Des "opérations militaires limitées", telles que des patrouilles dans les zones contestées, pourraient avoir lieu à moyen terme, selon Mariano de Alba.

Cependant, "que se passerait-il si les intérêts de la Chine, qui détient une participation de 30% dans les concessions accordées par le Guyana étaient affectés ?" s'interroge Ramon Escovar Leon.

La communauté internationale préconise, comme le souhaite le gouvernement guyanien, de résoudre le différend devant la Cour internationale de justice (CIJ) qui siège à La Haye. Reste à Caracas de reconnaître sa compétence.

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