L'hydrogène industriel, plus « gris » que « vert » pour le moment

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L'hydrogène est propre pendant son utilisation : comme carburant dans un moteur il n'émet que de la vapeur d'eau. En revanche sa production est polluante, très émettrice de monoxyde (CO) et dioxyde (CO2) de carbone. Petit cours de chimie.

D'où vient l'hydrogène industriel ?

À plus de 95%, il est extrait de ressources fossiles, surtout du gaz. Soit du gaz naturel, soit du charbon gazéifié, la plus ancienne méthode de production d'hydrogène utilisée notamment en Chine, qui libère énormément de dioxyde de carbone (CO2) dans l'atmosphère : c'est de l'hydrogène "gris".

Lorsqu'il est possible de lui associer des technologies de capture et de séquestration du CO2 coproduit, on parle d'hydrogène "bleu".

Comment est produit l'hydrogène ?

La technique principale s'appelle le "reformage à la vapeur".

On part du méthane (CH4), qui est la première composante du gaz naturel, bombardé de vapeur d'eau (H2O) chauffée en présence d'un catalyseur au nickel, et on obtient d'abord de l'hydrogène (H) et du monoxyde de carbone (CO).

De nouveau confronté à de la vapeur d'eau à très haute température, se forme alors du dioxyde de carbone (CO2) et davantage encore d'hydrogène (H2).

Cet hydrogène "gris", d'origine fossile, est aujourd'hui le procédé de fabrication le moins onéreux et de loin le plus répandu : produire un kilogramme d'hydrogène coûte entre 1,5 et 2,5 euros, selon le prix initial du gaz naturel.

À combien s'élèvent les émissions de l'hydrogène "gris" ?

La réaction chimique libère de l'ordre de 10 kilogrammes de CO2 pour 1 kilogramme d'hydrogène produit, explique Pierre-Etienne Franc, qui dirige la division mondiale hydrogène d'Air Liquide, producteur français de gaz industriels, dans l'ouvrage "Hydrogène: la transition énergétique en marche" (Editions Manifestô).

En France, la production d'hydrogène génère ainsi 3% des émissions nationales de CO2 et 26% des émissions du secteur de l'industrie du pays, précise un gouvernemental de 2018.

Quelles sont les solutions "décarbonées" pour produire de l'hydrogène propre ?

La première piste consiste à capter et stocker le CO2 émis lors de la production d'hydrogène "gris". L'injection de CO2 dans des gisements en voie d'épuisement a un sens industriel : elle permet de dissoudre le pétrole restant et de favoriser l'augmentation du volume de cet hydrocarbure en diminuant sa viscosité.

Le CO2 émis peut aussi être recyclé ailleurs: absorbé par les plantes dans des serres agricoles, utilisé comme gaz inerte pour la conservation dans l'industrie agroalimentaire, ou encore pour la conservation de vaccins à très basse température dans le secteur pharmaceutique. Mais ces solutions restent très marginales.

La deuxième piste vise à remplacer, pour l'extraction, le gaz naturel fossile par du biogaz, issu de la fermentation de déchets organiques venus soit de méthaniseurs (en France et en Europe), soit de décharges (Etats-Unis).

Une troisième piste existe également, dite "jaune" ou "verte", via l'électrolyse de l'eau, qui est aussi la plus chère. On fait passer de l'électricité dans l'eau pour "casser" ou dissocier les molécules d'oxygène (O2) et celles d'hydrogène (H2), contenues dans H2O. Soit exactement l'inverse de la méthode utilisée par la pile à combustible qui consiste à assembler de l'hydrogène et de l'oxygène pour générer de l'électricité et de l'eau.

Cette technique a pour avantage de n'émettre aucun rejet de dioxyde de carbone. Si l'électricité utilisée est renouvelable, éolienne, solaire ou hydroélectrique, voire même issue de biogaz, l'hydrogène obtenu est "vert". S'il s'agit d'électricité nucléaire, il est qualifié de "jaune".

Pour l'instant, l'hydrogène obtenu par électrolyse, avec des rendements inférieurs à celui du reformage de gaz et des coûts deux à quatre fois supérieurs, n'excède pas 5% de la production mondiale d'hydrogène.

Mais c'est vers cet hydrogène vert que se dirigent pourtant aujourd'hui massivement les investissements et la recherche, en Allemagne, en France, aux Etats-Unis, afin de créer de véritables filières de production via l'électrolyse, dans l'espoir de décarboner l'industrie, les transports et l'économie.

Existe-t-il d'autres techniques à l'étude ?

La pyrolyse pourrait servir à décomposer les hydrocarbures en carbone et hydrogène. La photosynthèse est aussi à l'étude, certaines algues produisant naturellement de l'hydrogène par ce biais.

Commentaires

Rochain
Pour l'instant, en France, ceux qui pensent hydrogène "propre" pensent surtout source d'électricité nucléaire à au moins 140€ le MWh, avec un rendement final power to gaz to power DE 20 %, ça mettra le MWh H2 à 700 €.!
JY Bourmaud
Pourriez-vous préciser d'où vous tirez ces chiffres ? Dans la facture de l'H2 produit par électrolyse, la composante variable (consommation d'électricité) ne représente qu'une partie de la facture, par rapport aux coûts de l'installation. Mais la valeur de 140 Euros/MWh ne me semble pas pertinente comme base de calcul pour une production industrielle d'H2 (elle correspond au prix du MWh pour un particulier, et inclut les heures de pointe et les coûts de distribution). Or l'installation sera vraisemblablement connectée sur le réseau de transport et ne fonctionnera sensiblement moins que 8760 heures par an, pour éviter ces pics de prix. D'après RTE, dans son rapport sur l'hydrogène, pour un facteur de charge de 30%, le prix moyen de l'électricité utilisé par l'électrolyseur en 2035 devrait se situer nettement sous les 100€/MWh. Avec les hypothèses considérées, RTE aboutit à un coût (minimal) de l'H2 de 3€/kg. Et si on utilisait cet H2 pour produire de l'électricité (de façon à bénéficier d'un stockage saisonnier par exemple), RTE indique que l'électricité produite coûterait 250 €/MWh_elec. RTE considère un rendement de restitution H2-électricité de 40%. Donc en remontant, cela nous met le MWh_H2 à 100 €. Même si cette valeur est optimiste, elle est sept fois moindre que la valeur que vous citez. https://www.connaissancedesenergies.org/sites/default/files/pdf-actualites/Rapport_hydrogene-pdf.pdf
Robin
Oui attention à ne pas se mélanger les pinceaux sur le scope du prix de l'électricité qui sera utilisée pour l'électrolyse : côuts de distribution et côuts de couverture des heures de pointe doivent être en grande partie retranchés ... L'intérêt du nucléaire pour la production d'hydrogène "jaune" est aussi entre autre dans l'électrolyse dite haute température, certe encore au stade pilote, qui permet de récupérer l'énergie fatale de condensation du cycle. D'où une forte amélioration du rendement global de la centrale et une baisse d'autant du coût du kWh électrique ... Je ne pense pas qu'il faille envisager de faire de l'électricité à partir d'hydrogène vert, en dehors de quelques situations de crises extrèmes, durant lesquelles le prix du kWh électrique ne sera pas vraiment le sujet, aussi cher soit-il : les besoins en H2 pour décarboner l'industrie (Sidérurgie, pétro-chime, ciment, ...) sont tels qu'on n'aura pas ou trés peu de H2 disponible pour le reconvertir en électricité. De plus, il faudra utiliser l'H2 là ou celui-ci évite le plus d'émissions de CO2 ... quelqu'un a-til un article là-dessus ?
Larderet
L’article de Samuele Furfari et Henri Masson paru très récemment dans Europeanscientist.com sur la question n’est pas sans intérêt.

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