Libye : les Européens tentent de rassurer la Russie sur l'opération Irini

  • AFP
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Les Européens se sont employés mardi à rassurer la Russie sur l'opération européenne Irini au large de la Libye, lors d'une vidéoconférence du Conseil de sécurité de l'ONU réclamée par Moscou après l'interception d'un navire pétrolier par un navire de guerre français.

Lors de cette session à huis clos, "l'Union européenne a présenté l'opération" lancée le 1er avril, a précisé un diplomate sous couvert d'anonymat. Elle a réaffirmé "l'engagement des États européens pour le respect des embargos" - armes et exportation illicite de pétrole - via cette mission qui se déroule "dans le cadre strict des résolutions du Conseil de sécurité", a-t-il ajouté.

Selon un autre diplomate, "la Russie est très isolée" au Conseil dans ses réticences face au renouvellement de la résolution 2292 autorisant les inspections en haute mer, qui vient à échéance le 10 juin et sur laquelle s'appuie la mission Irini.

Moscou, qui nie toute implication, est soupçonné d'alimenter en armes et mercenaires dans le conflit libyen le camp du maréchal Khalifa Haftar, homme fort de l'est du pays.

"Nous avons souligné la nécessité que l'opération Irini se déroule en conformité avec la résolution 2292", a indiqué dans la soirée à l'AFP la mission diplomatique russe auprès de l'ONU, en n'excluant pas la possibilité qu'un nouveau mandat du Conseil de sécurité soit exigé. La mission russe a aussi réclamé une approche "impartiale" face aux belligérants avec une opération Irini "couvrant toutes les côtes libyennes".

Le vote d'un nouveau texte rédigé par Berlin est programmé le 9 juin.

Pour l'ambassadeur allemand auprès de l'ONU, Christoph Heusgen, "l'opération Irini est couverte par la résolution existante". "Nous cherchons son renouvellement" car elle "joue un rôle très important pour arrêter le flux d'armes acheminées" vers la Libye. "Ce n'est que la suite de la précédente" mission européenne Sophia et "elle opère sous le même mandat", estime son homologue français, Nicolas de Rivière.

Lors des échanges mardi du Conseil, l'interception d'un pétrolier au large de Tobrouk il y a une dizaine de jours par une frégate française (le "Jean Bart" selon des médias français) a été plusieurs fois évoquée, ont indiqué des diplomates.

« Millions de dollars »

Navigant sous pavillon du Gabon, le navire pétrolier "Jal Laxmi" était venu chercher une cargaison de pétrole libyen représentant "plusieurs millions de dollars", mais sans accord de l'autorité nationale compétente (la Libyan National Oil Corporation, basée à Tripoli), a indiqué à l'AFP un spécialiste du dossier sous couvert d'anonymat.

Depuis début avril, une cinquantaine de contrôles - sans montée à bord - de bateaux soupçonnés de violer l'embargo sur les armes ont été réalisés au large de la Libye par des navires européens de la mission Irini, selon la même source.

L'interception du pétrolier par la frégate française s'inscrivait dans le cadre de l'interdiction des exportations illégales de pétrole libyen liées aux résolutions 2146 et 2362 de l'ONU. Le contrôle de cette interdiction est moins prioritaire et moins précis dans son mandat que celui dévolu à l'embargo sur les armes, selon un diplomate.

L'opération française s'est déroulée sur plusieurs jours, selon le spécialiste du dossier. Le propriétaire du pétrolier comme l'assureur lié à ce bateau ont été contactés et la menace de sanctions a eu raison de leur projet d'accoster à Tobrouk qui ne s'est finalement pas réalisé, a-t-on précisé de même source.

En fin de semaine dernière, interrogée sur cette interception, l'ONU sans livrer de détails avait "salué les actions de la France et tous les efforts pour faire appliquer l'embargo onusien sur le pétrole en application des résolutions 2146 et 2362". "Il y a eu de multiples efforts concertés entre États membres de l'ONU et experts onusiens (chargés de contrôler les embargos) pour contacter toutes les compagnies et les pays impliqués dans cette affaire du Jal Laxmi pour avertir de poursuites les intéressés", avait ajouté le porte-parole adjoint des Nations unies, Farhan Haq. "La Libyan National Oil Corporation à Tripoli est la seule institution souveraine pouvant légalement vendre ou acheter du pétrole et des produits raffinés", avait-il rappelé.

Interrogé, le ministère français des Affaires étrangères, s'était borné à reconnaître qu'une "frégate française avait interagi avec le pétrolier". L'opération Irini dispose "de moyens navals, aériens et satellitaires afin de surveiller les flux quels qu'en soient l'origine et les bénéficiaires", avait souligné le Quai d'Orsay.

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