Métaux « critiques » : « on ne peut rien faire sans l'Afrique », souligne la Commissaire de l'Union africaine à l'Énergie

  • AFP
  • parue le

Pour développer l'extraction et le raffinage des "métaux critiques" nécessaires à la transition énergétique mondiale, "on ne peut rien faire sans l'Afrique", souligne Amani Abou-Zeid, Commissaire de l'Union africaine chargée de l'Énergie (représentant 55 pays), lors du premier sommet sur le sujet organisé par l'Agence Internationale de l'Energie (AIE) jeudi à Paris.

Comment est-ce que le continent africain juge ce premier sommet consacré aux métaux comme le cuivre, le lithium ou le cobalt, nécessaires pour remplacer pétrole, gaz et charbon, et ainsi freiner le réchauffement climatique ?

Ce sommet est une première. Le monde est en train de passer par une phase de transition énergétique, pour l'électrification des maisons, des voitures, mais les métaux sont aussi nécessaires pour l'électronique et la numérisation. Or 50 à 80% des métaux qui sont devenus critiques pour les industries et pour le stockage de l'énergie sous forme de batterie ou autre, se trouvent en Afrique. Pour les métaux du groupe des platines, c'est même 90%. On ne peut rien faire sans l'Afrique !

Quelle est donc la carte que peut jouer le continent africain ?

Ce que le monde ne voit pas, c'est le prix que l'Afrique payait jusqu'ici pour ces métaux. Le processus d'extraction est loin d'être propre, utilise énormément d'énergie pas renouvelable, le transport des minéraux n'est pas propre (...) Pour les populations, l'exploitation minière signifie souvent destruction de l'environnement et perte de modes de vie pour des communautés locales. On parle d'énergie propre dans les pays développés, mais si on regarde toute la chaîne de valeur et de l'extraction jusqu'à la batterie, le processus entier n'est pas propre.

L'Afrique dépend de l'exportation de ses ressources brutes, puisque 25% de nos économies viennent de cela. Mais les minéraux sont exportés à l'état brut et non transformés, non raffinés, sans plus value pour l'économie locale, et surtout ils ne répondent pas à nos besoins. Pour nous, la question est moins celle de la transition énergétique, que celle de l'accès universel à l'énergie. La moitié de la population du continent, près de 600 millions d'Africains, n'ont pas accès à l'électricité encore.

Et il est important de développer une industrie et des chaînes de valeur en Afrique, cela fera baisser les prix pour tout le monde. Les batteries fabriquées en Afrique seront 30% moins chères ! (...)

Nous parlons à tout le monde. C'est vrai, la Chine produit ou contrôle jusqu'à 70% de certains métaux. D'où le besoin de diversification des approvisionnements évoqué lors du Sommet. Depuis février 2022, cette question de la diversification est devenue extrêmement importante, pas seulement pour les Européens, pour tout le monde, même pour les Chinois.

Quelle est l'évolution de la relation entre les pays et les géants miniers implantés en Afrique ?

Tous les grands groupes miniers internationaux sont présents en Afrique. Ils sont extrêmement importants. Il y a un aspect qu'on n'a pas discuté ici et qui est important, ce sont les contrats entre les compagnies minières et les pays. Que contiennent-ils ? J'ai vu des contrats qui sont difficiles à lire et à accepter, ils ne sont pas équilibrés. C'est pénible. Les contrats doivent aussi être revus au bout d'un certain temps, cela ne peut pas être pour l'éternité.

Le chiffre d'affaires de certaines de ces compagnies minières dépasse l'économie de plusieurs pays d'Afrique. Face à leurs batteries d'experts légaux, les pays n'ont pas toujours les capacités locales en face. Nous avons créé il y a une douzaine d'années une entité africaine pour apporter un appui juridique aux Etats afin d'établir des contrats avec des multinationales.

Il faut faire en sorte que le contrat minier devienne un outil de développement, qu'il permette de créer des emplois, protéger certaines choses dans l'environnement. On ne peut pas se contenter d'un dispensaire par ci ou une école par là, les standards ESG cela ne suffit pas. Il faut que les contrats offrent une opportunité pour l'Afrique. Les pays développés parlent des métaux critiques, nous, nous parlons des minéraux de développement.

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