Nouveaux réacteurs nucléaires en France : il faudra « mettre en place un véritable plan Marshall pour rendre industriellement soutenable cette perspective », souligne l'ASN

  • AFP
  • parue le

À l'heure où la France s'interroge sur son avenir énergétique, l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) presse les décideurs de mieux anticiper les défis à venir et souligne qu'il faudra un véritable "plan Marshall" pour construire de nouveaux réacteurs.

"Nous avons un moment qui est fondamental dans notre débat démocratique, qui est celui du choix des futures politiques énergétiques. Et l'intention de l'ASN, c'est vraiment que ce choix soit éclairé, avec les problématiques de sûreté qui soient présentes", a souligné son président Bernard Doroszczuk, lors de ses vœux à la presse.

La France s'apprête à relancer un programme nucléaire, comme l'a annoncé le président Emmanuel Macron en novembre dernier en pleine pré-campagne pour l'élection présidentielle. Les choix politiques se sont appuyés sur un épais rapport du gestionnaire du réseau électrique, RTE, qui a établi l'an dernier plusieurs scénarios possibles pour l'avenir du système électrique français.

Mais l'ASN, qui s'occupe exclusivement de sûreté, voudrait aussi que son point de vue soit pris en compte.

Le président de l'ASN a ainsi demandé que "les préoccupations de sûreté nucléaire soient dès à présent intégrées dans les choix de politique énergétique, au même niveau que les préoccupations de production d'électricité décarbonée à horizon 2050". Le choix toujours affiché d'arrêter définitivement douze réacteurs supplémentaires, en plus des deux de Fessenheim, devrait ainsi "être dûment pesé", au regard de la nécessité de conserver des marges.

L'ASN signale également que la prolongation des réacteurs nucléaires au-delà de 50 ans n'est pas "acquise" et estime que les scénarios reposant sur la prolongation des réacteurs jusqu'à 60 ans ou plus sont aussi fondés sur des hypothèses "non justifiées". "Il ne faudrait pas que, faute d'anticipation suffisante, la poursuite de fonctionnement des réacteurs nucléaires résulte d'une décision subie au regard des besoins électriques, ou hasardeuse en matière de sûreté", avertit M. Doroszczuk.

Problème « sérieux »

Ce dernier a insisté sur la nécessité de conserver des "marges" dans le système électrique, afin d'éviter d'arriver à un arbitrage douloureux entre la sécurité d'approvisionnement du pays et la sûreté de ses installations.

Un dilemme qui ne se pose pas encore mais qui pourrait se profiler après la détection de problèmes de corrosion, inattendus, qui ont dernièrement conduit à l'arrêt de cinq réacteurs d'EDF en plein hiver, accroissant un peu plus la tension déjà forte sur l'approvisionnement électrique.

C'est un "événement sérieux" et cela pourrait nécessiter, à l'issue d'une revue documentaire des examens réalisés sur l'ensemble du parc français par EDF, de nouveaux arrêts de réacteurs pour des inspections physiques puis des réparations si besoin. "Si la sûreté l'exige, nous le ferons", a affirmé le président de l'ASN.

Il a encore évoqué les défis pour la filière, notamment si le choix de relancer la construction de nouveaux réacteurs était confirmé. Elle devrait alors "mettre en place un véritable plan Marshall pour rendre industriellement soutenable cette perspective, et disposer des compétences lui permettant de faire face à l'ampleur des projets et à leur durée", a-t-il dit. Le secteur est ainsi confronté à des besoins importants en financement et recrutements, dont environ 4 000 ingénieurs par an... "Une fois le projet industriel décidé, il faut qu'il soit soutenable du point de vue technique et financier", a avancé M. Doroszczuk.

Le gendarme du nucléaire a aussi une nouvelle fois alerté sur l'urgence à trouver "des solutions concrètes et sûres de gestion des déchets". Le projet d'enfouissement des déchets les plus radioactifs à Bure (Meuse) a reçu en décembre un avis favorable de la commission d'enquête publique mais attend encore une autorisation du gouvernement.

Commentaires

vanhuffel

Ancien acteur dans la fabrication de centrales 900 à 1400 MWh, je me demande si la France a encore les compétences et le savoir-faire très pointu. J'ai un gros doutes, car EDF est exploitant et en aucun cas fabricant. Alors qui fera nos prochaines réalisations? merci de m'aider à trouver la solution.

Leygonie

EDF possèdait des compétences mondialement reconnues en matière de surveillance et conduite des chantiers de construction de centrales en particulier de par sa direction de l'équipement. L'inerruption durant deux décenies de constructions de nouvelles unités sur le territoire national rend la reprise en main de ces conrôles plus difficile. Mais toutes les compétences en la matière ne se sonr pas perdues EDF continue à accompagner des réalisations en chine en particulier.

Jean-Jacques M…

25 GW de nucléaire en moins de 15 ans : Pourquoi serions-nous incapables de refaire ce qui l’a été il y a presque cinquante ans ?

Entre 1974 annonce du plan Messmer et 1985, en moins de 10 ans 18 réacteurs (16GW) ont été mis en service commercial ; les 5années suivantes 10 réacteurs (9GW) ont suivi portant le total à 28 réacteurs (25 GW) en moins de 15 ans :
Le contrat-programme 1, engagé en 1974, comprend 16 tranches de 900 MWe : Blayais (1, 2, 3, et 4), Dampierre (1, 2, 3 et 4), Gravelines (B1, B2, B3 et B4) et Tricastin (1, 2, 3 et 4).
En 1979, deux tranches supplémentaires (C5 et C6) sont ajoutées à Gravelines, portant à 18 le total du palier CP1.
Le contrat-programme 2, lancé en 1976, comprend dix tranches : Chinon (B1, B2, B3, B4) ; Cruas (1, 2, 3, et 4) et Saint-Laurent-des-Eaux (B1 et B2)115.
La première moitié des années 1980 se caractérise par l’entrée en service commercial des réacteurs nucléaires des paliers CP1, de 1980 à 1985, et CP2, entre 1983 et 1988

La mise en service du deuxième réacteur de Civaux 2 en 1999 clos presque trente ans de chantiers ininterrompus qui auront coûté à EDF 106 milliards d'euros de 2018
https://fr.wikipedia.org/wiki/Histoire_du_programme_nucl%C3%A9aire_civi…

vanhuffel

merci pour vos réponses qui ne sont pas satisfaisantes à mon gout. Ce que je sais:
-EDF ne sait pas faire en matière de réalisation ( métallurgie et soudage traitements thermiques etc)
-EDF sait piloter des projets
-EDF sait conduire une centrale
Je ne lance pas la pierre à EDF, je voulais parler des usines de production en Europe et en France plus particulièrement, sans pour autant fabriquer en Chine.
Je suis régulièrement les opérations de suivi de l'ASN qui devrait composer ou non avec des fabrications exotiques (Heureusement qu'il y a cet organisme de surveillance). Mais je cherche toujours les constructeurs européens capables.

vanhuffel

Juste un petit complément qui m'inquiète sur l'avenir du Nucléaire, L'EPR de Flamanville est un fiasco du genre en matière de réparation. la liste des réparations s'allonge et les délais sont toujours reportés sans parler du coût. L'image est mauvaise ne trouvez vous pas? La compétence en matière de réparation par soudage me semble avoir disparue.

goldorak

Je pense surtout que l'exigence de l'époque n'est pas celle de maintenant. Les incidents célebres ont rendu les centrales nucléaire plus complexe car plus sécurisé

Jean BLIN

Il est urgent de reprendre le projet ASTRID, réacteur nucléaire à neutrons rapides mis au rencart par Macron dans la droite ligne de la connerie de Chirac : l'abandon de Super Phénix et son démantèlement.

vanhuffel

J'abonde dans le sens de J Blin
Phénix, et surtout Super phénix un petit bijou, Fessenheim. les politiques sont mauvais ou incompétents
Mais aujourd'hui, pour les surgénérateurs et les PWR , que peut-on faire sans Alstom qui a fermé ses sites de production.Pour moi, quelquesoit la filière retenue il faudra redémarrer de nouveaux sites de production, (élaboration des aciers, fabrication des composants et montage) mais aussi redécouvrir les bonnes pratiques. Pas gagné

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