Nucléaire iranien : gestes américains et mise en garde avec l'Europe contre une restriction des inspections de l'AIEA

  • AFP
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Les États-Unis ont procédé jeudi à trois gestes à l'égard de l'Iran, sur fond de volonté de relancer l'accord nucléaire de 2015 et après une mise en garde avec les Européens à Téhéran contre une décision "dangereuse" de limiter les inspections internationales.

"Aujourd'hui, il s'agit de prendre des mesures diplomatiques pour voir si nous pouvons arriver" à l'objectif du président Joe Biden d'une remise en route de cet accord, a indiqué un responsable américain sous couvert d'anonymat.

Après une réunion virtuelle des chefs de la diplomatie française, britannique, allemande et américaine, Washington a annoncé accepter une invitation de l'Union européenne à des pourparlers avec Téhéran pour réactiver l'accord de 2015 mis à mal par Donald Trump.

Ces discussions réuniraient les pays ayant signé l'accord en 2015 (Iran, États-Unis, Allemagne, Chine, France, Royaume-Uni et Russie) et permettraient d'"évoquer la meilleure façon d'avancer concernant le programme nucléaire" iranien, selon le département d'Etat. Il s'agit de "s'asseoir à une table avec l'Iran et ouvrir une voie pour essayer de revenir à une situation où les États-Unis et l'Iran seront à nouveau en conformité" avec l'accord nucléaire, a expliqué le responsable américain.

Un peu plus tôt, les ministres français Jean-Yves Le Drian, allemand Heiko Maas, britannique Dominic Raab et américain Antony Blinken avaient affirmé dans un communiqué, à l'issue d'une visioconférence, leur objectif de "voir l'Iran revenir au plein respect de ses engagements" prévus en 2015, afin de "préserver le régime de non-prolifération nucléaire et garantir que l'Iran ne puisse jamais acquérir une arme nucléaire".

Restrictions de déplacement

L'administration de Joe Biden a aussi annulé une proclamation unilatérale en septembre de Donald Trump sur un retour de sanctions internationales contre l'Iran, dans une lettre adressée au Conseil de sécurité de l'ONU. Ces sanctions "levées par la résolution 2231" de l'ONU entérinant l'accord de 2015 "restent levées", indique cette missive obtenue par l'AFP.

Après le retrait en 2018 des États-Unis de l'accord, cette proclamation avait été jugée fin 2020 sans effet par l'ensemble des autres membres du Conseil de sécurité qui compte 15 pays. "Lorsque nous sommes à 1 contre 14, il nous est très difficile de travailler efficacement au Conseil de sécurité", a reconnu un autre responsable américain, également sous couvert d'anonymat.

Le département d'État a enfin annoncé l'allègement de restrictions aux déplacements à New York des diplomates iraniens auprès de l'ONU, alourdies par l'administration Trump. Elles leur imposaient notamment de se cantonner à quelques rues autour du siège de l'ONU. L'Iran va ainsi revenir à une situation antérieure, imposée aussi à Cuba et à la Corée du Nord, qui permet à leurs diplomates de se déplacer librement à New York et dans ses environs proches.

"L'idée est de prendre des mesures pour supprimer les obstacles inutiles à la diplomatie multilatérale en modifiant les restrictions sur les voyages intérieurs, qui ont été extrêmement restrictives", a expliqué le département d'État.

« Préoccupation commune »

La réunion américano-européenne et le triple geste de Washington sont intervenus alors que l'Iran prévoit de restreindre à partir de dimanche l'accès des inspecteurs de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) à des installations non nucléaires, y compris des sites militaires suspectés d'avoir une activité nucléaire.

Téhéran a menacé de s'affranchir de nouveaux engagements pris en vertu de l'accord de 2015 sauf si les États-Unis levaient leurs sanctions unilatérales imposées depuis 2018 et qui étranglent l'économie iranienne. L'Europe et les États-Unis ont appelé Téhéran à évaluer "les conséquences d'une mesure aussi grave, en particulier dans ce moment d'opportunité pour un retour à la diplomatie".

Le directeur général de l'AIEA, Rafael Grossi, est attendu samedi en Iran pour "trouver une solution mutuellement acceptable", selon l'organisation basée à Vienne. Certes, "l'accord (de 2015) est moins que jamais mis en œuvre, mais pour la première fois depuis plus de deux ans, on a un consensus politique de toutes les parties initiales sur l'objectif politique commun", et "les Américains disent: ça doit commencer par une discussion", a-t-on expliqué de source diplomatique française.

Depuis l'arrivée au pouvoir de Joe Biden, États-Unis et Iran se renvoient la balle sur la question de savoir qui doit faire le premier pas vers l'autre pour relancer l'accord. Depuis 2018, Téhéran s'est affranchi progressivement de nombre de limites qu'il avait accepté d'imposer à son programme nucléaire.

Le communiqué américano-européen souligne une "préoccupation commune" face à la récente décision iranienne de produire de l'uranium enrichi à 20% et de l'uranium métallique, qui constitue une "étape-clé dans le développement d'une arme nucléaire". "Nos mesures sont une réponse aux violations américaines et européennes", a réagi jeudi soir le ministre iranien des Affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif. "Nous répondrons aux actes par des actes", a-t-il ajouté.

Pour un responsable américain, un éventuel refus de l'Iran à des pourparlers à sept serait "malheureux et en contradiction" avec la position de Téhéran d'affirmer être prêt à revenir dans l'accord nucléaire si les États-Unis y reviennent. Un réengagement américain et iranien dans cet accord "ne va pas se produire si une partie dit à l'autre quoi faire", admet ce responsable sous couvert d'anonymat.

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