Paris veut renforcer sa vigilance dans les fonds marins, espace de convoitises

  • AFP
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À l'image du cyberespace ou de l'espace exo-atmosphérique, les fonds marins sont devenus le théâtre d'une féroce compétition dans laquelle la France n'a pas l'intention de se laisser distancer, poussant ses armées à se doter d'une stratégie dédiée.

"Les fonds marins sont un nouveau terrain de rapport de forces qu'il nous faut maîtriser pour être prêt à agir, à se défendre et, le cas échéant à prendre l'initiative, ou du moins, à répliquer", a souligné lundi la ministre des Armées Florence Parly en présentant les ambitions françaises dans cet espace.

D'une profondeur moyenne de 3 800 mètres, les fonds marins sont encore largement méconnus. Seuls 20% de leur surface est connue avec précision. Mais l'accès à ces fonds marins longtemps restés hors de portée se démocratise de plus en plus et attise les convoitises : les activités étatiques et privées s'y développent rapidement, de l'extraction pétrolière et gazière à l'acheminement énergétique et la pose de câbles sous-marins, par lesquels transitent aujourd'hui 99% des communications numériques mondiales.

Une géopolitique des profondeurs se dessine ainsi aujourd'hui, de l'appétit des géants américains de l'internet aux "nouvelles routes de la soie numériques" tissées par la Chine au fond des océans. "Aujourd'hui, avec les moyens techniques d'acheminement d'énergie, les drones sous-marins, l'intelligence artificielle, on peut imaginer que certains ambitionnent de contrôler le fonds des mers et mettre en péril la liberté de navigation", s'inquiète-t-on au cabinet de la ministre des Armées en évoquant la "Seabed Warfare", ou "guerre des abysses".

Infrastructures sensibles, les câbles sous-marins n'échappent par ailleurs pas aux risques d'espionnage et de sabotage. "Nous savons que ces câbles sous-marins peuvent aussi être la cible de nations, tentées de surveiller ou de dégrader ces infrastructures sous-marines sensibles situées dans les fonds marins", a déclaré Mme Parly.

Objectif - 6 000 mètres

Le navire militaire océanographique russe Yantar a été repéré à plusieurs reprises ces derniers mois au large de l'Irlande à proximité de câbles sous-marins transatlantiques de télécommunications. Or, ce bâtiment est en mesure de déployer un mini sous-marin pouvant plonger jusqu'à 6 000 mètres de profondeur... Et selon des informations de la presse danoise, Washington se serait servi de 2012 à 2014 du réseau de câbles sous-marins danois pour écouter des personnalités de quatre pays (Allemagne, Suède, Norvège, France), parmi lesquelles la chancelière Angela Merkel.

Soucieuse de préserver sa liberté d'action maritime et de protéger ses intérêts dans sa vaste zone économique exclusive (ZEE), la deuxième plus grande au monde, la France a ainsi l'intention d'accroître ses capacités de surveillance et d'intervention dans les fonds marins, sous faible préavis et si besoin en milieu contesté.

Lors des recherches lancées en 2019 pour retrouver l'épave du sous-marin français Minerve, disparu 50 ans auparavant au large des côtes toulonnaises, "il a fallu faire appel à une société privée américaine, Ocean Infinity. Ils ont mis 5 jours. Cela a été un électrochoc", explique-t-on au ministère des Armées, en constatant que "les moyens français ne sont pas au niveau des moyens existants sur le marché et détenus par nos compétiteurs".

Objectif affiché pour la Marine française: être capable de descendre à 6 000 mètres de profondeur d'ici 2025 en développant un robot sous-marin avec un cordon ombilical (ROV - pour surveiller et intervenir avec un bras) et d'un drone sous-marin (Autonomous underwater vehicle, AUV - essentiellement acoustique), contre des capacités limitées à 3 000 mètres aujourd'hui. Et acquérir dès cette année de l'équipement étranger pour démarrer au plus tôt les expérimentations.

La France possède 2 ROV qui vont respectivement à 1 000 et 2 000 mètres et ne possède pas de drone AUV. "Tout ce qui n'est pas surveillé finit toujours par être pillé et contesté", a conclu Florence Parly, en faisant valoir que "cette stratégie de maîtrise des fonds marins fait de la France la première nation à affirmer ouvertement son ambition".

Commentaires

APO

A quand une protection de nos eaux territoriales des navires usines (venant principalement d'Europe du Nord, Allemagne comprise) - Cf https://www.francebleu.fr/infos/environnement/un-immense-banc-de-poisso…
Par rapport à nos artisans-pêcheurs présents sur nos littoraux, ces monstres (très efficaces énergétiquement par rapport aux quantités capturées) doivent faire encore moins de pêche sélective sur les espèces que nos pêcheurs !!! Et Quid de leur impact sur les fonds marins avec leur chalut ??? Et de ce qu'ils laissent pour nos petits pêcheurs (en intégrant également l'impact dans la chaine trophique de leurs prises de poissons colossales) ???
Il serait de plus curieux de voir la composition de l'équipage des ces Navires Usines et leur contrat de travail avec leur employeur sachant qu'ils opèrent dans des zones parfois "françaises" ! ?

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