Sûreté nucléaire: l'Assemblée repousse une motion de rejet au projet controversé de fusion ASN-IRSN

  • AFP
  • parue le

La réforme de la sûreté nucléaire fait l'objet de nouveaux débats lundi à l'Assemblée nationale, qui a repoussé une motion de rejet au projet controversé du gouvernement de fusion entre l'ASN, gendarme du nucléaire, et l'IRSN, expert technique.

A l'ouverture des débats en fin de journée, chaque camp a jaugé les forces en présence dans l'hémicycle.

"Le but de ce rapprochement (ASN/IRSN) est de créer un collectif plus puissant, plus indépendant, plus transparent, plus attractif", a insisté le ministre de l'Industrie Roland Lescure à la tribune. "Quand on est pour le nucléaire, je ne comprends pas qu'on puisse être contre ce texte".

"Une fable", a dénoncé le député du groupe indépendant Liot Benjamin Saint-Huile, en défendant une motion de rejet préalable. "Nous sommes en faveur du nucléaire et opposé à cette réforme", a poursuivi le député, arguant que "notre organisation duale fonctionne (et) est soulignée partout dans le monde l'expertise et la recherche".

Mais le camp présidentiel, qui a battu le rappel des troupes, a passé confortablement ce premier obstacle, la motion étant repoussée par 185 voix contre 83. Les députés de la majorité présidentielle ont voté contre, tout comme les groupes RN et LR. La gauche et le groupe Liot ont voté pour.

Le gouvernement avait été mis en échec une première fois par une coalition des députés d'opposition en mars 2023 sur la fusion des deux organismes de sûreté nucléaire. Son précédent projet de loi de relance du secteur avait été adopté, mais sans l'amendement de l'exécutif sur la fusion ASN/IRSN.

Il a connu une nouvelle déconvenue la semaine dernière à l'Assemblée en commission sur ce nouveau projet de loi, avec la suppression de l'article-clé instaurant la fusion, dans une atmosphère tendue.

- "plus puissant" -

Dans la suite des débats lundi soir, le camp présidentiel va revenir à la charge et proposer de rétablir l'article phare du texte.

Dans le contexte d'un vaste plan de relance de l'atome, le gouvernement souhaite mettre fin au système dual actuellement en place, en regroupant l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), chargé de l'expertise technique, et l'Autorité de sûreté du nucléaire (ASN), le gendarme des centrales.

Ces deux entités fusionnées formeraient, au 1er janvier 2025, l'"Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection" (ASNR).

L'objectif est de "regrouper les savoir-faire", de "fluidifier" le secteur et de réduire les délais dans les processus d'expertise, d'autorisation et de contrôle.

Cette réforme suscite toutefois l'ire des syndicats de l'IRSN et de l'ASN. Elle est aussi combattue par la gauche et des associations environnementales, et suscite des réserves jusque dans la majorité.

Ses détracteurs alertent notamment sur le risque de désorganisation du système, de perte d'indépendance des experts et de transparence à l'égard du public.

- "séparation étanche" -

"C'est un texte issu du chapeau présidentiel" sans fondement, a martelé lundi Gérard Leseul, député socialiste.

Lors d'une conférence de presse avec d'autres élus de gauche, il a fustigé un projet qui "n'a absolument pas l'assentiment des observateurs experts extérieurs et encore moins des experts internes, c'est-à-dire ceux qui seraient en charge de mettre en place la réforme".

Alors que le gouvernement "a mis une pression de dingue sur EDF pour relancer le nucléaire", "est-ce une bonne idée de mettre par terre notre système de sûreté?", a interrogé la députée écologiste Julie Laernoes.

Pour l'Insoumis Maxime Laisney, "on a affaire à une dissolution de l'IRSN dans l'ASN, on veut mettre l'expertise sous le boisseau de la décision". Pourtant, a renchéri son collègue pro-nucléaire Sébastien Jumel (communiste), aucun "organisme extérieur indépendant n'a eu à redire sur l'efficacité du modèle français", basé sur une "séparation étanche".

L'examen du projet de loi, et des plus de 350 amendements déposés, est inscrit jusqu'à mercredi à l'ordre du jour de l'Assemblée.

"L'avenir de la gouvernance des risques nucléaires et radiologiques est entre vos mains", a alerté l'intersyndicale de l'IRSN dans une lettre ouverte aux députés, les exhortant à ne pas exprimer par leur vote une position sur la relance du nucléaire, mais plutôt sur "la sûreté des installations nucléaires et la protection des populations".

Ajouter un commentaire