L'IRSN de nouveau dans le viseur de la réforme de la sûreté nucléaire

  • AFP
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Réforme de la sûreté nucléaire, épisode 2 : l'IRSN, l'expert technique de la sûreté en France, sent la menace de nouveau planer sur son existence, dans le contexte d'une relance à toute force de l'atome par Emmanuel Macron.

En avril, le gouvernement a échoué au Parlement à fondre en mode express l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) dans l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), le gendarme des centrales, sur fond de craintes sur la transparence, l'indépendance et la qualité de l'expertise.

La réforme, décidée à huis clos à l'Élysée le 3 février, visait à "fluidifier" les décisions de l'ASN. Et elle n'est pas du tout abandonnée, a toujours dit la ministre de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher. "Le souhait du gouvernement de travailler à un rapprochement entre l'ASN et l'IRSN, à cadre de sûreté inchangé, n'a pas changé depuis février", confirme le ministère.

Le sujet est de retour via une mission de l'Office parlementaire des choix scientifiques (Opecst) sur "les conséquences d'une éventuelle réorganisation". Les auditions sont menées à huis clos par un député Renaissance et un sénateur LR, et non l'Office dans son ensemble. Pourquoi ? Le député, Jean-Luc Fugit, "ne pense pas utile de communiquer à ce stade".

Alors que ce rapport est attendu mi-juillet, l'inquiétude revient à l'IRSN (qui emploie 1 800 ingénieurs, médecins, géologues...). "Le risque d'un retour du projet de fusion est réel", redoute l'intersyndicale.

Le système dual actuel - à l'IRSN l'expertise, à l'ASN la décision - est né dans les années 2000 des leçons de la catastrophe de Tchernobyl puis des crises sanitaires des années 1990, avec la séparation entre les fonctions d'expertise et celles de gestion du risque : le travail de l'expert doit être guidé par le seul critère de sûreté, loin des préoccupations des exploitants.

Ce printemps, des rapports, lancés avant l'affaire, ont relevé la qualité du travail de l'IRSN, du Haut conseil de l'évaluation de la recherche (Hcéres), au bilan du sénateur LR Jean-François Rapin. Alors pourquoi le fondre ?

Risques pour la confiance

Le 31 mai, devant la commission des finances de l'Assemblée nationale, Mme Pannier-Runacher a cité un rapport de la Cour des comptes de 2014 : "des efforts restent à réaliser pour rationaliser les implantations de l'IRSN, et pour que la communication externe soit menée de façon plus concertée avec l'ASN". Pour autant, ce rapport de 2014 concluait aussi qu'une fusion serait "inappropriée et inefficace"...

À la ministre les députés de gauche ont exprimé leur incompréhension. "Ne jouez pas avec le feu", a dit Alma Dufour (LFI), évoquant les risques de désorganisation au moment où la charge de travail monte.

Pour Yves Marignac, chef du Pôle énergies nucléaire et fossiles de l’Institut négaWatt, l'histoire a démarré à l'automne avec la corrosion sur des tuyauteries du réacteur de Cattenom 1. Sur fond de tensions sur l'énergie, EDF demande alors à pouvoir redémarrer ; mais l'IRSN, qui a par ailleurs obligation légale de rendre ses avis publics, juge très incertaine la vitesse de propagation des fissures; dans la foulée, l'ASN impose une réparation.

"La filière défend l'idée qu'une part de ses difficultés vient d'exigences de sûreté déraisonnablement élevées, alors que ses difficultés sont organisationnelles et plus profondes," dit ce spécialiste de l'énergie, opposé au nucléaire, membre des groupes d'experts de l'ASN.

Chez EDF, on ne veut pas s'exprimer sur la réforme mais on en comprend les intentions, et on note qu'à l'étranger, des autorités de sûreté sont organisées avec des moyens techniques à leur disposition, ce qui les rendrait plus fluides...

Jean-Claude Delalonde, président de la Fédération des Cli, ces comités de riverains des centrales institués par la loi, voit dans cette affaire l'influence toujours forte d'"un microcosme" politique et économique. "On peut se pencher sur des améliorations du système, en mettant tout le monde autour de la table, pas sur la base d'un rapport fait en catimini", tonne-t-il. "La sûreté a sûrement un coût mais elle n'a pas de prix. Aujourd'hui, on peut être contre le nucléaire mais on commence à avoir confiance. Si le gouvernement changeait le système, ce serait la fin de la confiance", prévient cet ex-maire d'une commune jouxtant Gravelines et sa centrale.

Le gouvernement dit attendre le rapport de l'Opecst. À l'IRSN, on redoute une réforme glissée dans le projet de loi énergies à l'été, ou dans le projet de loi de finances - auquel cas l'article 49.3 pourrait s'y appliquer.

Commentaires

Abadie

Le gouvernement et son ministre après avoir échoué à faire passer sa reforme, rejetée par le parlement essaie à nouveau en commanditant un rapport fait dans l'ombre des sachants, et en sortant comme seul argument un commentaire de la cour des comptes, dont on sait l'incompétence enbterme de nucléaire. Trop, c'est trop, il faut sanctionner sévèrement ces incompétents.

Schricke

Mr Abadie:
Etes-vous, vous même, suffisamment "compétent" en la matière, ,pour être en mesure de juger de l'incompétence des autres ?... (C'est à dire, peut-être, de celles et ceux qui n'ont pas les mêmes OPINIONS que vous au sujet du nucléaire ?...)
Mais, à ma connaissance, les OPINIONS ne relèvent pas de la compétence, mais plus souvent, de croyances, de convictions, ou d'idéologie... plus rarement de constats factuels !...
Vos "certitudes" m'inquiètent !
Non ?

abadie

Si par exemple je veux avoir un avis sur un problème de mathématiques, je fais confiance à un professeur de mathématiques, si à l'inverse je veux avoir un avis éclairé sur l'énergie nucléaire, je ne vais pas demander cet avis à un énarque de la cour des comptes dont les études en termes de physique sont inexistantes, je m'adresserais plutôt à un physicien, du CEA ou de l'IRSN. Je ne prétends pas avoir cette compétence, mais je sais à minima, ayant moi-même fais des études dans les sciences dures, les mathématiques à qui je peux m'adresser.

Régis de Nimes

Et la parole des travailleurs de l'IRSN ?
Les travailleurs valent tous les experts !
CGT: "Les experts du travail, c'est ceux qui le font".
Et si on avait écouté les salariés de la santé, de l'éducation nationale, de l'industrie, des policiers, il y a plus de 30 ans ?
Partout on demande du chiffre.
Les mieux placés pour parler du travail c'est eux !

Studer

Il y a un peu de vrai dans ce que vous dites, mais vous oubliez de mentionner l'intérêt "corporatif" de ces professions. Ce qui les pousse à demander toujours plus de moyens en rejetant les réformes.
Et je parle des travailleurs eux-mêmes; pas de la CGT qui est un syndicat de lutte des classes, qui ne fait que revendiquer pour toujours plus d'avantages, jusqu'à partager le pouvoir (cogestion) avec l'employeur.
Ceux qui ont le pouvoir de décision, c'est à dire les ministres, sont rarement issus de la corporation et ont peu d'expérience du "terrain" (cf. l'échec dans l'EN d'une certaine Najat Vallaud Belkacem et de JM Blanquer). Leur méconnaissance des problèmes les conduit alors à produire des solutions pires que le mal.

Régis de Nimes

Monsieur.
Il n'y a aucun "avantage" à vendre sa force de travail. Le monde du travail a obtenu, surtout au XXème siècle des "conquis sociaux".
On partait de loin... travail des enfants, journées de 12 à 14h, sans congés payés ni sécurité sociale...
Prenons la santé. Près de 80 000 lits supprimés en 20 ans. Et peut-être autant d'emplois. Où est le toujours plus des syndicats ?
Manque t-il du personnel dans la justice, la police, l'EN (reproduction consolidé du capital culturel) ?
La réponse est oui.
La question soulevée par le rapport Capital / Travail est d'actualité. La réforme des retraites à 64 ans sera finalement insuffisante...
Nouvelle tromperie du néolibéralisme.
Normal n'est pas posé l'enjeu du salaire donc des cotisations, des aides publiques 190 Mds/an principalement aux grands groupes, la formation/innovation, le plein emploi donc l'industrie etc...
Nous pourrions engager le débat sur les analyses de Marx, comprendre la logique du capital avec "la baisse tendancielle du taux de profit" qui participe justement des déficits de recettes que l'Etat a choisi d'accompagner.
Cordialement.

Esperluette

Merci de rappeler quelques évidences qui échappent pourtant à certains commentateurs ici présents.

Studer

Evidences ? Plutôt utopies qui conduisent certains, voire certaines, à faire l'éloge de la paresse !
Ce qui est évident ce sont les progrès faits depuis un ou deux siècles dans le domaine sanitaire, social, et plus globalement dans notre niveau de vie. Ils se mesurent par ex. par l'espérance de vie des femmes et des hommes.
Mais parler, en citant Marx (!) de "conquêtes" sociales", en mettant en avant implicitement la "lutte des classes", est une injure à ceux qui, grâce à leur dévouement et leur intelligence, ont permis tous les progrès scientifiques (entre autres) qui ont changé nos vies.
Certes, il ne faut pas être naïfs et croire que les augmentations de salaires ne sont pas issus de négociations, souvent difficiles, entre les représentants des employés et le patronat. Mais affirmer que la réduction permanente du temps de travail est la finalité de ces luttes est grave et absurde. Les progrès et la création de richesses sont la conséquence du travail des hommes, et militer pour diminuer la quantité (donc le temps) de travail ne peut que conduire à la régression.
Ne serait-ce que parce que nous travaillons déjà moins dans la semaine (35 h) et dans la vie (62 puis 64 ans) que la plupart de nos voisins, européens ou non, et que nous nous sommes rendus dépendants d'eux par une désindustrialisation profonde qu'il sera difficile de corriger. Cela se traduit notamment par l'augmentation très inquiétante de notre dette.
J'espère que ceci n'a pas échappé ici aux commentateurs (à par peut-être à l'un d'entre eux).

Esperluette

Mettre Marx en avant et parler de conquêtes sociales n’est en rien une injure aux responsables des grandes découvertes, c’est simplement rappeler qu’une plus juste répartition des richesses grâce aux travailleurs qui la produisent est incontournable. Ne mélangez pas tout.
Nul n’affirme que la réduction du temps de travail est la finalité de ces luttes mais rappel de quelques conquêtes clés de l’histoire qui ont contribué à nettement améliorer la vie des travailleurs, et dont il ne vous viendrait probablement pas à l’idée de les remettre en cause :
LES TRAVAILLEURS NE FONT PAS GRÈVE PAR PLAISIR
MAIS LES AVANCÉES OBTENUES FONT LE PLAISIR DE TOUS
1919
Une grève de blocage de l’économie obtient la JOURNÉE DE 8 HEURES
1936
Une grève de blocage de l’économie obtient les CONGÉS PAYÉS + SEMAINE DE 40 HEURES
1953
Une grève de blocage de l’économie obtient l’ARRET DU PLAN D’AUSTERITÉ
Mai 1968
Une grève de blocage de l’économie obtient l’AUGMENTATION DE 35 % DU SALAIRE MINIMUM
1995
Une grève de blocage de l’économie obtient l’ARRET DU PLAN D’AUSTERITÉ"
D’ailleurs, il y a souvent un contresens dans la luttes des classes, ce ne sont pas les classes populaires qui s’arment pour mener la lutte contre les dominants, ça c’est seulement un aspect de la lutte des classes, très minoritaire dans l’histoire et très peu fréquent. La lutte des classes est un état du monde structurel qui fait que le réel est effectivement structuré par notamment une classe dominante qui lutte en permanence pour ses propres intérêts. En fait la lutte des classes, c’est surtout les dominants qui la mènent pour préserver leurs intérêts.
Et oui Studer, la classe dominante est aussi à l'offensive quand il s'agit de baisser ou geler les salaires, casser le droit du travail, la sécurité sociale. Tous ces horribles conquis sociaux dignes de bolcheviks !
Il est profondément regrettable que dans ce pays certains ne comprennent pas (ou ne veulent pas comprendre n’est-ce pas ?) que l'histoire de France a été faite par des sans culottes, par des communards, a été faite par des résistants, a été faite par des grévistes.
Le syndicalisme de classe, c'est pas le village des schtroumpfs, la régression sociale ça ne se négocie pas, ça se combat. Il y a 2 conceptions syndicales en France : ceux qui veulent négocier le poids des chaînes et ceux qui veulent briser les chaînes d'exploitation.
La liberté se prend comme se donne la vie, avec violence et dans le bruit.
On ne demandera pas au capital d’envisager gentiment de rendre les clés, quand il est manifeste qu’il épuisera jusqu’au dernier gramme de minerai, fera décharge du dernier mètre carré disponible et salopera jusqu’au dernier cours d’eau pour faire le dernier euro de profit. Ces gens ont perdu toute raison et déjà ils n’entendent plus rien. L’alarme climatique, d’ailleurs loin d’épuiser la question écologique, aidera peut-être à en venir à l’idée qu’avec le capital, maintenant, c’est lui ou nous.
Il ne faut pas s’y tromper : la puissance d’attraction du capitalisme « par les corps » est immense. Nous sommes alors rendus aux tautologies du désir : pour sortir du capitalisme, il faut que se forme un désir de sortie du capitalisme plus grand que le désir de capitalisme. Tout dépendra des solutions qui seront proposées à cette équation. La solution « ZAD » est admirable en soi mais elle est d’une exigence qui la rend très difficilement généralisable. C’est une solution pour « virtuoses », pas pour le grand nombre.
Ce dont pour ma part je parle c’est d’une mobilisation suffisamment puissante pour prendre physiquement l’espace public, et éventuellement les armes, pour défendre ce à quoi elle tient. Au Chili, en 1973, ce sont les militaires qui sont descendus dans la rue. À la fin des fins, c’est toujours la même question : qui passe à l’action ? Et avec le plus d’intensité ?
Dans le système actuel où l'argent est roi et la propriété sacrée, les puissants ne comprennent qu'une seule chose : les attaques qui mettent en danger leurs revenus par investissement-richesse.
La décision de s'attaquer aux propriétés privées ne se base pas sur des réflexions d'éthique mais bien sur la question de l'efficacité.
En cela, Les Soulèvements de la Terre sont un espoir. Et comme chacun sait on ne dissout ni espoir ni colère ni courage ni révolte. On ne dissout pas une idée dont le moment est venu.

Esperluette

Considérant les risques et les conséquences des installations nucléaires, plus de 200 chercheurs, universitaires et ingénieurs appellent à signer l’appel suivant à refuser le nouveau programme nucléaire.

Présentés à l’époque comme impossibles, les accidents graves ou majeurs se sont multipliés, entraînant des rejets massifs de matières radioactives. Ils ont touché aussi bien des cœurs de réacteurs (Three Mile Island, Tchernobyl, Fukushima) que des dépôts de déchets radioactifs ou des usines de combustible (Mayak, Tokaimura, WIPP, Asse).

De vastes zones géographiques ont été ainsi rendues toxiques pour tous les êtres vivants et les irradiations et les contaminations radioactives continuent de faire de nombreuses victimes, y compris autour des installations en fonctionnement « normal ».

L’industrie du nucléaire a officiellement accumulé en France plus de 2 millions de tonnes de déchets radioactifs, dont 200 000 tonnes dangereuses sur de longues périodes, un volume très sous-estimé qui ne comptabilise ni les stériles et déchets miniers abandonnés à l’étranger, ni les « matières » destinées à un hypothétique réemploi (combustibles usés, uranium appauvri, uranium de retraitement…).
• Le démantèlement et la dépollution des sites déjà contaminés sont à peine engagés, s’annoncent excessivement longs et coûteux, et vont encore aggraver le bilan des déchets.

Pourtant, hors de tout débat démocratique, et sans avoir procédé à un réel bilan des choix passés et des options qui s’offrent aujourd’hui, nos gouvernants s’apprêtent à relancer un nouveau programme électronucléaire. Sous prétexte d’urgence climatique, et sur la base d’arguments tronqués, simplistes, voire lourdement erronés, des lobbyistes disposant d’importants relais médiatiques s’emploient à organiser l’amnésie.

Rappelons que les conséquences d’accidents majeurs tels que Tchernobyl et Fukushima ne peuvent se réduire à un petit nombre de morts « officiels ». Le fait qu’un bilan sanitaire et économique sérieux du drame de Tchernobyl ne soit toujours pas établi devrait interpeller tout esprit scientifique. Un large éventail de morbidités affecte les habitants des territoires contaminés : conditions de vie dégradées, paupérisation et stigmatisation seront leur lot pour des siècles.

Deux faits majeurs de notre actualité devraient plus que jamais nous alerter : le dérèglement climatique, qui s’accélère, et la guerre en Ukraine. La raréfaction de l’eau douce et la réduction du débit des fleuves liés à une sécheresse bientôt chronique en France, tout autant que les risques de submersion des zones côtières dus à l’élévation du niveau des océans et à la multiplication d’évènements climatiques extrêmes vont rendre très problématique l’exploitation des installations nucléaires. Miser sur de nouveaux réacteurs dont le premier serait, au mieux, mis en service en 2037 ne permettra en rien de réduire dès aujourd’hui et drastiquement nos émissions de gaz à effet de serre, comme l’urgence climatique l’exige. Par ailleurs, au-delà des horreurs de la guerre, la vulnérabilité de la centrale de Zaporijia menace l’Europe entière. Dans un tel contexte d’instabilité géopolitique, comment allons-nous garantir la paix éternelle requise par le nucléaire ?

N'hésitez pas à signer l'appel ici : https://appel-de-scientifiques-contre-un-nouveau-programme-nucleaire.or…

Studer

Bravo pour ce manifeste (!)
Comme quoi on peut avoir fait quelques études scientifiques et rester c...
On se rassurera en constatant que ce panel de signataires représente une très infime minorité des scientifiques qui, par défaut, sont d'avis que le nucléaire est bon pour la société, en lui fournissant une énergie propre et souveraine qui lui permet de se développer en protégeant les plus vulnérables.
Certes, le nucléaire doit être parfaitement maîtrisé, d'où l'existence d'une ASN qui assure un contrôle rigoureux.
Mais c'est, et de très très loin, une filiaire industrielle qui présente un impact négatif minimal sur notre vie et notre environnement.
Les vrais scientifiques qui savent encore exploiter les calculs probabilistes ont compris depuis longtemps que l'industrie automobile, pour ne prendre que cet exemple, estbien plus meurtrière et pourtant on ne voit pas de collectif qui demanderait à supprimer cette filière : pourquoi, si ce n'est une certaine ignorance aidée par de l'idéologie ? Et les conséquences de cette idéologie, qui a fini par être récupérée par des partis politiques (au hasard : EELV et LFI) à des fins nettement moins déintéressées, sont mortifères.

Esperluette

Voilà un joli sophisme : s'ils n'ont pas signé le manifeste c'est qu'ils sont pour le nucléaire !
Et un autre raisonnement à l'emporte pièce : un accident automobile, fut-ce un carambolage, est extrêmement loin d'avoir le même impact qu'un accident nucléaire. Quoi qu'il en soit rassurez-vous, de nombreuses organisations et citoyens plaident pour une réduction du nb de bagnoles dans nos rues saturées.

Studer

Soyons rigoureux :
- je n'ai pas écrit que TOUS les scientifiques étaient pour l'énergie nucléaire. J'ai écrit que l'immense majorité d'entre eux n'avaient pas signé ce manifeste, contre une ultra minorité qui l'a fait : nuance !
- en France la route tue 3000 personnes PAR AN, et l'industrie nucléaire n'en a tué aucune en 60 ans d'existence. Dans le monde, seul Tchernobyl a fait des victimes (30 à 5000 au total suivant les estimations), pour des raisons que l'on connait et qui seraient trop longue à exposer ici.
Qui utilise le sophisme ???

Esperluette

Soyons plus rigoureux et ne nous laissons pas berner par les sirènes de la fuite en avant.

Commençons par rappeler que les conséquences d’accidents majeurs tels que Tchernobyl et Fukushima ne peuvent se réduire à un petit nombre de morts « officiels ». Le fait qu’un bilan sanitaire et économique sérieux du drame de Tchernobyl ne soit toujours pas établi devrait interpeller tout esprit scientifique, dont vous semblez vous réclamer. Un large éventail de morbidités affecte les habitants des territoires contaminés : conditions de vie dégradées, paupérisation et stigmatisation seront leur lot pour des siècles. Les faits sont têtus, on ne peut pas les balayer d'un revers de main. Il est plus facile de s'arranger avec les statistiques n'est-ce pas ?

Avec le dérèglement climatique, qui s’accélère, et la guerre en Ukraine, la raréfaction de l’eau douce et la réduction du débit des fleuves liés à une sécheresse bientôt chronique en France, tout autant que les risques de submersion des zones côtières dus à l’élévation du niveau des océans et à la multiplication d’évènements climatiques extrêmes vont rendre très problématique l’exploitation des installations nucléaires. Désolé de vous décevoir mais miser sur de nouveaux réacteurs dont le premier serait, au mieux, mis en service en 2037 ne permettra en rien de réduire dès aujourd’hui et drastiquement nos émissions de gaz à effet de serre, comme l’urgence climatique l’exige. Par ailleurs, au-delà des horreurs de la guerre, la vulnérabilité de la centrale de Zaporijia menace l’Europe entière. Dans un tel contexte d’instabilité géopolitique, comment allons-nous garantir la paix éternelle requise par le nucléaire ? Je suis sûr que fieffé sachant que vous êtes vous avez une solution... Et de grâce, ne me faites pas le coup classique des partisans du solutionnisme technologique "on trouvera qq chose" ou du "ce n'est pas si grave."

Studer

Aucun bilan sanitaire sérieux n'a été fait à Tchernobyl depuis 1986 ?
Lisez donc celui de l'IRSN en France, ou si vous préférez celui de l'ONU (UNSCEAR), actualisé régulièrement et dont je n'ai fait que reprendre les conclusions. A moins que vous soyez plus compétent qu'eux ou adepte de la théorie du complot ?
Le nucléaire militaire est fait pour tuer, le civil (électronucléaire) pour permettre de vivre : ne mélangez pas les deux. si Poutine veut "punir" l'Occident, il utilisera évidemment le premier. Mais comme nous espérons tous qu'on n'en arrivera pas à ces extrémités, seul le nucléaire civil nous procurera la souveraineté énergétique nécessaire, tout en supprimant les émissions de CO2 du charbon et du gaz. Et pour reprendre votre expression, pas besoin de "trouver qq chose" pour que ça marche, on a déjà fait la preuve avec le nucléaire existant. En revanche, ceux qui refusent le nucléaire pour des tas de raisons que je ne listerai pas ici, partent dans l'inconnu. Car les énergies du vent et du soleil ne peuvent fonctionner seules, il faut compenser leurs absences par autre chose. Si ce n'est pas du nucléaire (solution française) ou de l'hydraulique (solution scandinave), c'est forcément du gaz. L'Allemagne s'est engagée dans cette voie très hasardeuse et probablement sans issue, car si on veut du gaz "carbon-free" il faut produire de l'hydrogène... avec de l'électricité. Outre que le rendement des process qui le permettent sont déplorables (30 % au mieux, ce qui multiplie le prix du kW final par plus de 3), il faut des espaces immenses pour installer éoliennes ou panneaux PV pour produire l'électricité ET l'hydrogène. L'Allemagne n'est pourtant pas un petit pays, mais elle a vite compris qu'elle manquerait de place, d'où son projet insensé de délocaliser la production d'hydrogène au Maghreb, hypothéquant ainsi sa souveraineté. Au passage si on peut dire, vous remarquerez que pour ramener ce gaz en Allemagne, nos sympathiques voisins devront faire passer leurs pipe-lines par la France. C'est pour cela qu'ils commencent à se calmer à Bruxelles, en reconnaissant enfin les vertus bas carbone du nucléaire, ce qui est une évidence physique avant de devenir politique !!
Bonne journée.

Esperluette

En matière de nucléaire, les décideurs oublient ou plutôt mettent volontairement de côté trop les questions comme par ex le crash d’avion lancé volontairement qui viendrait briser l’enceinte et faire fondre le cœur d’un réacteur, le terrorisme ou une prise d’otage à l’intérieur d’une centrale, le vol de matières radioactives, une guerre de haute intensité dans un pays doté de centrales nucléaires, une baisse drastique du niveau d’une rivière lors d’une « super sécheresse » ou le dépassement des bornes de fonctionnement d’un réacteur qui empêcheraient de le refroidir. Par ailleurs, les réserves d'uranium s'épuisent et l'extrême lenteur de mise en service des EPR ne répond donc pas à l'urgence climatique. Enfin le coût élevé et de plus en plus cher de la filière nucléaire, depuis 2020, il est déjà moins cher de produire dans le monde de l’électricité par du photovoltaïque, de l’éolien terrestre et marin, que par le nucléaire, et l'écart ne fait que s'accentuer.

D’après l’agence internationale de l’énergie atomique et l’agence de l’énergie nucléaire, les réserves d’uranium représentent entre 80 et 140 ans de production nucléaire estimée d’ici 2040 selon les scénarios, et non pas assez pour faire fonctionner le parc actuel plusieurs centaines d’années. Le tout pour 4% de l’énergie primaire et 10% de la production d’électricité mondiale (une part qui diminue depuis 2010, ne l’oublions pas). Soyons clairs : le nucléaire « classique » (dont les EPR font partie) ne va pas résoudre notre problème : les ressources en uranium sont insuffisantes. C’est aussi très, très lent à mettre en œuvre : avec 5 ans de conception et au moins 9 ans de construction, les premiers EPR de deuxième génération ne seraient pas attendus avant… presque 2040. Les technologies ne sont ni disponibles ni prêtes à être mises en œuvre. Le temps de déploiement d’une technologie relativement simple comme l’EPR, doit nous inciter à la modestie ! Il ne suffit pas de déclarer une solution « possible » pour qu’elle le soit en réalité. Comme on dit, « les faits sont têtus ».

Depuis 2010, les exigences de sécurité et de sûreté ont et vont continuer à faire plus que doubler le prix du Kwh nucléaire d’ici à 2030, qui a déjà augmenté de 28% entre 2009 et 2019.
Le nouveau nucléaire (en gros les EPR) est donc coûteux par rapport aux énergies renouvelables, et ce MEME EN AJOUTANT LES CONTRAINTES DE LA GESTION DE L’INTERMITTENCE DES ENR.
Et en plus, ces coûts ne sont pas maîtrisés, faut-il rappeler que :
- Le coût de l’EPR de Flamanville est passé de 3,3 à 19,1 milliards d’euros une fois intégré le coût du financement.
- Le vrai coût des EPR de deuxième génération en cours de discussion reste hyper incertain. Flamanville en est à 8100 € pour chaque Kw de puissance construite, l’EPR de Sizewell C à 7400 €, alors qu’on ne peut plus parler de têtes de série. Faut-il croire l’optimiste EDF dans ses estimations futures ?
- Personne ne sait estimer les véritables coûts du futur démantèlement des réacteurs existants (ni parfois comment le faire), ce qui est une vraie bombe au-dessus de la tête d’EDF.
- Et ne parlons pas des coûts du déploiement d’un futur programme de réacteurs à sels fondus.
Tout ça fait que les partisans du nucléaire voient comme seule solution la nationalisation, pour échapper aux « forces néfastes du marché ». Mais même dans ce cas, comment trouverait-on les énormes financements nécessaires ?

Je ne sais pas vous, mais si j’étais banquier, je serais aussi un peu inquiet de financer des centrales dans cette incertitude. En comparaison, les coûts de l’éolien (LCOE) ont baissé de 70% entre 2009 et 2019, ceux du solaire de 89% (99% pour les seules cellules !) quand ceux du nucléaire augmentaient de 26%. Les batteries quant à elles passeront bientôt sous les 50 € par MWh. Selon une autre source (Lazard), l’éolien revient en 2021 entre 26 et 50 $ par MWh, le photovoltaïque « industriel » entre 30 à 41 $/MWh, le nucléaire… entre 131 et 204 $/MWh. Et n’oublions pas que cela va avoir tendance à encore baisser pour les renouvelables, pendant que ça monte pour le nucléaire.

La Chine met en service, chaque année, uniquement en photovoltaïque, plus que l’ensemble de la puissance nucléaire installée en France en 30 ans. Les coûts de l’éolien et du solaire ont été divisés par 10 en dix ans, ceux des batteries par 6. L’Europe et le monde lancent la révolution de l’hydrogène et du stockage. Nos voisins européens développent aussi, à un rythme incroyable, les énergies renouvelables, tout en maintenant pour beaucoup d’entre eux leur choix de sortie du nucléaire. Le GIEC ne voit clairement pas dans le nucléaire une solution à hauteur des enjeux.
Mais quelle est donc la raison de cette exception nationale et de cette bizarrerie démocratique ? Sommes-nous différents des autres, ou simplement guidés par des données et un « logiciel » obsolètes ?

Puisque vous évoquiez l’Allemagne, les contre-vérités sont si nombreuses au sujet de nos voisins d’outre Rhin que je ne peux que prendre encore quelques dernières minutes pour répondre. Ces dernières années, nos acteurs français de l’énergie (nucléaire) agitent comme contre-exemple l’Allemagne, où le charbon persiste dans un mix électrique encore très intensif en carbone. Et évidemment, la guerre en Ukraine a permis de montrer que la dépendance de l’Allemagne au gaz russe était aussi un mauvais choix du pays. C’est très injuste !!! Essayons de rappeler ce qui se passe vraiment en Allemagne, et ce qu’est l’Energiewende, la grande transition énergétique qui s’est accélérée après la catastrophe de Fukushima.
- Jusque dans les années 2000, l’électricité allemande c’était en gros 50% de charbon, 30% de nucléaire et 20% de gaz.
- L’Allemagne a pris autour de 2010 une double décision, hyper ambitieuse pour un si grand pays : décarboner totalement son système énergétique, ET sortir du nucléaire dès 2022.
- Et l’Allemagne est en train d’y arriver !!! La part du renouvelable est passée de 16% à 40% entre 2010 et 2021, et déjà 52% en incluant les autres sources bas carbone. La part du nucléaire est passée à moins de 5% en 2021. Les énergies fossiles sont, elles, passées de 60% à 47%. Ce rythme de transition est impressionnant, presque incroyable. Il demande une volonté, une mobilisation de toutes les ressources, et de la suite dans les idées.
Et ce n’est pas fini : l’objectif affiché de la coalition au pouvoir est de dépasser… 80% d’ENR dans la production d’électricité en 2030.
Pour résumer, le charbon ou le gaz ne sont pas là A CAUSE des ENR, c’est juste parce que ça prend du temps de s’en débarrasser !! Travestir ainsi la réalité ne tiendra pas longtemps.

Et les autres ? Il y a encore mieux ! En 2020, le Danemark a dépassé la barre des 80% d’énergies renouvelables ! Encore un investissement dans un parc éolien offshore, un développement du « Power to X » (power to gas pour pallier l’intermittence, power to fuel…), et les 100% sont jugés atteignables (https://cphpost.dk/2020-12-25/news/denmarks-electricity-has-never-been-…).

Il n’est pire aveugle que celui qui ne veut pas voir.

Studer

"La filière défend l'idée qu'une part de ses difficultés vient d'exigences de sûreté déraisonnablement élevées"
Le raisonnement est incomplet, il faut le poursuivre : structurellement, l'IRSN donne son avis à l'ASN mais ne prend pas de décision. On peut admettre que ce soit frustrant, surtout quand l'ASN ne suit pas cet avis à la lettre. D'où la pratique de l'IRSN, illégale et déloyale, de faire "fuiter" cet avis avant que l'ASN ne se soit prononcée, de telle sorte à la mettre en porte-à-faux si elle ne prennait pas en compte TOUTES les recommandations.
Cela conduit naturellement l'IRSN à faire de la surenchère, et c'est pour cela qu'une réforme est nécessaire pour éviter cette rivalité. Car "trop de sûreté tue la sûreté". Et l'ASN l'a compris, qui cherche à limiter ses décisions au strict requis.
Sinon, autant admettre que la "centrale la plus sûre" est celle qu'on arrête et qu'on démantèle. L'ennui c'est qu'alors notre société, sans énergie électrique, reviendrait à l'ère préindustriele... avec 10 fois plus de bouches à nourrir.

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