- Connaissance des Énergies avec AFP
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Taïwan va éteindre samedi son dernier réacteur nucléaire, suscitant des inquiétudes quant à la dépendance de l'archipel à l'égard des importations d'énergie et sa vulnérabilité face à un potentiel blocus chinois.
4,2% de l'électricité en 2024
Taipei, qui vise zéro émission de CO2 en 2050, dépend quasi exclusivement d'énergies fossiles importées pour alimenter ses foyers, ses usines et son industrie cruciale des semi-conducteurs.
Le Parti démocrate progressiste (PDP), dont est issu le président Lai Ching-te, promet depuis longtemps de débarrasser par ailleurs Taïwan de l'énergie nucléaire, tandis que le parti Kuomintang (KMT), principale formation d'opposition, estime qu'il est nécessaire de conserver cet approvisionnement pour assurer la sécurité énergétique.
La centrale nucléaire de Ma'anshan, située dans le comté méridional de Pingtung, a fonctionné pendant 40 ans dans cette région prisée par les touristes, désormais parsemée d'éoliennes et de panneaux solaires.
L'énergie nucléaire ne comptait que pour 4,2% des sources d'électricité de l'archipel en 2024, mais certains craignent que la fermeture de Ma'anshan ne provoque des problèmes d'approvisionnement.
"Taïwan est petit et il n'existe actuellement aucune autre source d'énergie naturelle [...] qui puisse remplacer l'énergie nucléaire", souligne Ricky Hsiao, 41 ans, qui gère une maison d'hôtes à proximité. "La réalité est que TSMC et d'autres grandes entreprises ont besoin de beaucoup d'électricité. Elles quitteront Taïwan si ce n'est pas stable", a-t-il déclaré à l'AFP, faisant référence au géant de la fabrication de puces électroniques Taïwan Semiconductor Manufacturing Company.
À l'inverse, Carey Chen, mère de deux enfants, craint un accident similaire à celui de Fukushima en 2011, au Japon, qui comme Taïwan subit de fréquents séismes. "Si nous pouvons trouver d'autres sources d'énergie stables, je suis en faveur d'un territoire sans nucléaire pour la sécurité de tous", a indiqué Mme Chen, 40 ans, à l'AFP.
Jusqu'à 50% du mix dans les années 1980
À son apogée dans les années 1980, l'énergie nucléaire représentait plus de 50% de la production d'énergie de Taïwan, avec trois centrales exploitant six réacteurs à travers l'île.
Les inquiétudes après le désastre de Fukushima ont mis à l'arrêt une centrale en construction en 2014, tandis que deux centrales ont stoppé leurs opérations entre 2018 et 2023 après expiration de leur permis d'exploitation.
La majeure partie de l'énergie de l'île est d'origine fossile, le gaz naturel liquéfié (GNL) représentant 42,4% et le charbon 39,3% du mix énergétique en 2024.
Les énergies renouvelables n'ont atteint que 11,6%, bien loin des objectifs gouvernementaux, qui visaient 20% d'ici 2025 en se heurtant parfois a l'opposition des communautés locales.
Le président assure que l'approvisionnement en énergie restera stable, même avec le développement de l'intelligence artificielle (IA), très gourmande en électricité, car de nouvelles unités de centrales au charbon et au GNL existantes remplaceront la production de Ma'anshan.
À l'inverse, des partis d'opposition qui contrôlent le Parlement, ont fait approuver une loi jeudi pour prolonger la durée de vie des centrales nucléaires taïwanaises. "C'est une option qui ne devrait pas être éliminée lorsque nous développons (notre stratégie) technologique, de défense et de renforcement de la sécurité nationale", a déclaré à l'AFP Ko Ju-chun, député du Kuomintang.
Risque d'invasion et sécurité énergétique
Cette vision n'est pas partagée par les défenseurs de l'environnement, qui estiment que les énergies renouvelables peuvent suffire à l'autonomie de Taïwan.
Alors que le Japon compte augmenter de 10% la part de son énergie issue du nucléaire d'ici 2030, et que la Corée du Sud est principalement alimentée par cette source, Taïwan va à l'encontre de ses voisins. "On estime que le nucléaire est essentiel", se désole Yu Shih-ching, chef de l'agglomération de Hengchun, où se situe Ma'anshan, et qui vante les emplois et le dynamisme que la centrale a apporté à l'économie locale.
La dépendance de Taïwan aux énergies fossiles importées semble par ailleurs particulièrement problématique face au risque de blocus et d'invasion par Pékin. La Chine considère Taïwan comme partie intégrante de son territoire et a intensifié ces dernières années ses activités militaires autour de l'archipel. En avril, au cours d'exercices, Pékin a simulé des frappes sur des ports clés et des sites énergétiques, ainsi qu'un blocus de l'île.
En cas de blocus, l'archipel a assez de ressources en GNL et charbon pour survivre respectivement 11 et 30 jours, selon les données du gouvernement. "Sans le nucléaire, notre sécurité énergétique ne peut être garantie, cela va nuire à notre sécurité nationale" avertit Yeh Tsung-kuang, un expert en énergie à l'Université Tsing-hua de Taïwan.