Transition énergétique: alerte sur le manque d'investissement et de stratégie en Europe

  • AFP
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Il faut "éviter la procrastination!" L'Europe doit investir plus vite et massivement dans la transition énergétique si elle veut rester "une puissance industrielle mondiale", ont alerté vendredi plusieurs institutions dont la BCE et l'AIE, pointant les risques pesant aujourd'hui sur l'attractivité du continent.

Les dirigeants de la Banque centrale européenne, de l'Agence internationale de l'énergie et de la Banque européenne d'investissement en ont appelé aux gouvernements, à l'industrie et au monde de la finance, lors d'une réunion spéciale rassemblant des dizaines de décideurs, à l'AIE à Paris.

Accélérer la transition vers des énergies décarbonées sera essentiel pour la compétitivité et la stabilité financière du continent, plaident-ils.

Or, l'investissement reste freiné par les incertitudes des politiques, la lenteur des procédures d'autorisation (dans les énergies renouvelables notablement), tandis que les entreprises subissent des coûts de l'énergie plus élevés qu'ailleurs.

L'Union européenne "dépense de vastes ressources dans la transition (...) mais faire beaucoup ne signifie pas faire assez", a souligné le président de la BEI, Werner Hoyer.

Il faut mobiliser le secteur privé, et donc "de la clarté". "Nous ne pouvons laisser de doutes sur notre engagement. Parler d'adoucir ou même de mettre en pause la transition verte ne peut que créer la confusion", a-t-il mis en garde, évoquant aussi "trop de projets englués dans la bureaucratie": "nous n'avons pas le temps pour cela!"

"Tant que la transition ne sera pas réalisée, l'Europe restera otage des caprices de puissances étrangères contrôlant l'offre d'énergies fossiles", a-t-il dit.

Selon l'AIE, si les prix de l'électricité et du gaz sont un peu redescendus depuis l'hiver dernier, ils restent aujourd'hui 2,5 fois plus élevés que leur moyenne historique. Le gaz est cinq fois plus cher en Europe qu'aux-Etats-Unis, l'électricité trois fois plus qu'en Chine.

"C'est une mauvaise nouvelle pour les industries européennes, particulièrement celles demandant beaucoup d'énergie, qui emploient près de 10 millions de personnes", a souligné le directeur de l'AIE Fatih Birol.

"Beaucoup" de dirigeants des industries lourdes "se demandent quoi faire (...): rester? partir?"

- Un plan industriel pour l'Europe -

Dans le même temps, Etats-Unis, Chine, Inde, Japon, Corée du Sud... déploient de vastes programmes de soutien pour étendre leurs capacités de production dans cette "nouvelle ère industrielle des énergies propres", notent les trois institutions.

L'Europe a su l'an dernier se passer de son fournisseur russe, "plus rapidement que beaucoup ne l'imaginaient", souligne Fatih Birol.

"Mais maintenant elle doit apprendre à se développer dans cette réalité nouvelle. Elle a besoin d'un nouveau plan directeur industriel pour tenir le rythme face aux autres économies. Or, nous ne voyons toujours pas comment elle va concrétiser ses ambitions".

Pour lui, rester dans le seul "mode survie" de l'hiver dernier "ne suffira pas": il faut des "actions fortes, et vite, pour que la région reste une puissance industrielle mondiale, si elle veut le rester".

D'abord trouver un positionnement -- l'AIE identifie une place pour l'Europe dans la production d'électrolyseurs pour l'hydrogène décarboné, l'acier bas-carbone, les pompes à chaleur...

Cette stratégie devra être stable, ajoute le patron de l'agence de l'OCDE, rappelant "l'énorme erreur" du retrait européen de l'industrie photovoltaïque il y a 25 ans.

En face, la Chine est devenue ultra-dominante dans les panneaux solaires, le raffinage de métaux critiques...

L'AIE voit aussi "une accélération aux Etats-Unis", grâce à l'Inflation Reduction Act, dont "beaucoup d'entreprises, pas seulement américaines, aimeraient profiter".

La réunion vendredi devait notamment se pencher sur les outils financiers et de politique publique pouvant permettre de dégager les financements, très élevés, nécessaires.

Pour la présidente de la BCE Christine Lagarde, "procrastiner c'est le risque d'accroître la facture finale": par exemple, "dans une transition tardive, les banques les plus vulnérables seraient confrontées à des pertes sur leur portefeuille de prêts deux fois supérieures" au scénario médian.

Selon elle, les trois quarts des entreprises de la zone euro ont réalisé ou prévoient des investissements pro-climat dans les cinq ans, "mais le coût du financement est un sujet".

"Davantage doit être fait pour stimuler le marché de la finance verte", dit la responsable, qui soutient une Union des marchés de capitaux (UMC).

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