Une ferme du Morbihan qui veut incarner la méthanisation « vertueuse », avec demain un data center ?

  • AFP
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"Installer un data center alimenté aux énergies renouvelables ?" Bruno Calle, éleveur laitier, y songe depuis un an... Pour lui, il n'y a pas de sot projet, pourvu qu'il entre dans le "cercle vertueux de la méthanisation", malgré la défiance croissante de la population envers cette technique.

En ce vendredi de septembre, la ferme des Moulins de Kerollet organise des "portes ouvertes" avant le lancement d'une enquête publique pour agrandir le troupeau de 220 à 290 vaches et faire passer l'unité de méthanisation de 60 à 75 tonnes de matières par jour. Le GAEC (groupement agricole d’exploitation en commun) est transformé en foire d'exposition, panneaux explicatifs et "innovations" à la clé, tel ce matelas réfrigérant destiné à faciliter la rumination des vaches. "De l'extérieur, ça peut faire penser à une ferme-usine mais notre méthaniseur est alimenté à 75% par des déchets de l'exploitation et il est dimensionné en fonction de notre élevage", plaide l'agriculteur de 47 ans, installé à Arzal (Morbihan).

Depuis qu'ils ont repris l'exploitation familiale en 2000, Bruno et Erwan Calle, associés à Ludovic Jarligant en 2010, aiment les défis : toitures couvertes de panneaux photovoltaïques, unité de méthanisation alimentant 1 000 foyers en électricité, quasi auto-suffisance pour l'alimentation du bétail, non labour, recherche de l'autonomie protéinique...

"On essaye de tendre vers plus de résilience, moins de dépendance au soja brésilien", explique Bruno Calle, chemise bleue siglée à son nom, qui a investi trois millions d'euros dans la "métha" en 2012 pour "ramener de la valeur ajoutée face à des prix du lait de moins en moins rémunérateurs". "Certaines critiques pensent que la méthanisation va remplacer l'élevage mais nous, on l'a consolidé, avec deux millions de litres de lait aujourd'hui contre 1,2 il y a huit ans", poursuit le quadragénaire qui a, entre temps, augmenté son troupeau de 60 vaches et tire 40% de ses revenus de la production d'énergie.

« Jury de nez »

Sur une feuille distribuée aux visiteurs, un schéma sophistiqué de la ferme : les quadragénaires entendent démontrer qu'ils pratiquent une forme d'"agriculture circulaire". Fumiers, lisiers, fourrages de médiocre qualité, et bientôt effluents d'éleveurs voisins en remplacement de coproduits payants de l'industrie agro-alimentaire, sont valorisés en électricité. La chaleur de la cogénération est réutilisée pour sécher et améliorer la qualité des fourrages, ainsi que du bois. Et demain, pourquoi pas un centre de données ?

Depuis juin, le GAEC a décroché le Graal : la certification Haute valeur environnementale (HVE), encouragée par le plan de relance gouvernemental. "On n'utilise plus d'engrais chimiques, le taux de matière organique dans le sol a augmenté, et on a réduit de 30% notre dépendance au soja sud-américain grâce à la luzerne", se félicite Bruno Calle. Quant aux produits phytosanitaires, "tout dépend de la météo mais l'an dernier on a divisé par deux notre utilisation de glyphosate grâce à des outils pour scalper l'herbe", assure Ludovic Jarligant.

Si le tableau semble parfait, le GAEC a pourtant déjà été condamné à deux reprises pour déversement accidentel de digestat dans le ruisseau voisin. L'association Eau et Rivières de Bretagne, opposée à la méthanisation, a recensé "six pollutions et plusieurs mises en demeure". Elle évoque un "comportement très négligent", voire une "délinquance environnementale". "On a été pionniers et on a essuyé les plâtres, mais il est vrai aussi qu'on n'a pas été bons et on plaide coupable", répondent les intéressés, qui ont installé depuis un "triple système de sécurité".

Pour contrôler les odeurs dont se plaignent les riverains, ils ont mobilisé un "jury de nez" et épandent le digestat "au plus près du sol" par tuyaux. Un chemin a également été empierré pour éviter les ballets de tracteurs dans le lotissement voisin. Malgré ces investissements "pour acheter la paix avec les voisins", la méfiance subsiste. "Ça prend une ampleur dingue, c'est une usine, on se demande où ils vont s'arrêter", s'interroge Jacqueline Mollé, une riveraine, qui sent encore "des odeurs". "Ils ont tendance à construire puis à faire régulariser, ce que la réglementation permet, même deux années après", regrette-t-elle.

Commentaires

Chateigner

J'espère qu'il récupèreront la chaleur des unités centrales pour chauffer l'étable ... n'importe quoi !

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